LES URGENCES PSYCHIATRIQUES CENTREES SUR L’AGITATION ET LE RISQUE SUICIDAIRE

LES URGENCES PSYCHIATRIQUES                                          CENTREES SUR L’AGITATION ET LE RISQUE SUICIDAIRE

Se poser, évaluer, décider

 

Docteur François DUCROCQ

 

Suicide, comportements suicidaires et prévention du risque suicidaire

 

La France est un des pays développés les plus touchés par le suicide, le nombre de décès par suicide ayant atteint 10.707 en 2005. Confinant légitimement à une véritable problématique de santé publique, le taux des suicides semble néanmoins évoluer dans le sens d’une diminution, en passant de 22,5 à 17,7 pour 100.000 habitants entre 1985 et 2005, comme l’attestent les données du Centre d’Epidémiologie sur les causes médicales de décès de l’INSERM (1). En proportion, le suicide est une cause de mortalité plus importante chez les sujets jeunes que chez les sujets âgés ; elle explique 15 à 20% des décès vers l’âge de 30 ans. Cependant, entre un quart et un tiers des suicidés ont plus de 65 ans.

L’évaluation du nombre des tentatives de suicide (TS) en France est plus difficile, estimé entre 160.000 et 200.000 par an, soit 15 fois plus de TS que de décès par suicide. Rapporté au temps qui passe, c’est une TS toutes les 4 minutes ! On estime également que 70% des TS sont des intoxications volontaires, le plus souvent médicamenteuses ; les produits les plus utilisés seraient les psychotropes, les antalgiques et anti-inflammatoires, puis les cardiotropes.

L’étude américaine de la National Comorbidity Survey portant sur 9.708 sujets anglophones de 18 à 54 ans propose des données de prévalence sur les 12 mois écoulés concernant l’idéation suicidaire, le risque suicidaire élevé et les tentatives de suicide (2). Initialement menée sur la période 1990 – 1992, elle fut répliquée sur la période 2001 – 2003, mais aucune évolution de prévalence n’était relevée pour idéation suicidaire (2,8% vs 3,3%), risque suicidaire élevé (0,7% vs 1%) et tentatives de suicide (0,4 vs 0,6%). En additionnant les niveaux de risque, ce travail montrait que le risque suicidaire concernait 4,3% de la population américaine en 2005.

L’étude ESEMeD portant sur 21.425 sujets de six pays européens (France, Allemagne, Italie, Espagne, Belgique, Pays Bas) fut menée selon la même méthodologie que la NCS-R sur la même période 2001 – 2003, chez des sujets de plus de 18 ans non institutionnalisés (3). La prévalence vie entière pour l’idéation suicidaire était de 7,8% et pour les tentatives de suicide de 1,3% pour l’échantillon global, mais respectivement de 12,4% et de 3,37% pour le sous-échantillon français.

Dans ces deux cohortes, les chiffres sur 12 mois (risque suicidaire et TS) sont très proches des prévalences que nous constations dans l’étude SMPG (Santé Mentale en Population Générale), un échantillon français du Centre Collaborateur de l’OMS portant sur 30.000 personnes (4). Les 0,6% de sujets américains déclarant une TS dans les 12 mois écoulés sont à rapprocher des 0,7% de français déclarant une TS dans le mois écoulé. En revanche, une TS sur la vie entière est retrouvée chez 3,5% des français dans l’étude européenne ESEMeD et retrouvée double à 7,8% dans SMPG ; il est probable que la notion de TS était plus large dans l’étude SMPG et qu’il faille plutôt la rapprocher des 7,8% de sujets déclarant des idéations suicidaires sur la vie entière dans ESEMeD.

La littérature fournit finalement des chiffres de risque suicidaire avéré très homogènes à travers le monde, autour de 4%, ce qui signe un phénomène plutôt bien cerné sur le plan épidémiologique.

Un sujet survivant à une tentative de suicide (TS) appartient de fait à un groupe à risque pour les conduites suicidaires (40% de récidive sur la vie entière dont 20 à 25% sur les 12 mois suivant le geste initial). Prévenir le risque de suicide en général est donc efficace sur la prévention de la récidive.

Il semble très important dans un premier temps de prendre en charge une pathologie somatique ou psychiatrique ayant participée au contexte suicidaire initial : soigner une dépression, traiter un trouble bipolaire de l’humeur par un thymorégulateur, prendre en charge un trouble borderline de la personnalité, etc…

 

 

Bon nombre de facteurs de risque suicidaires ont ainsi été décrits. Certains sont dits « primaires », comme le fait d’être déprimé, de souffrir d’une douleur chronique non prise en charge, et agir sur ces facteurs produit des effets rapides sur le contexte suicidaire ; d’autres sont dits « secondaires », comme le fait de traverser une crise conjugale tendue, de connaître des difficultés professionnelles inquiétantes, et l’amélioration de ces facteurs (forcément à plus long terme) produira des effets bénéfiques ; enfin, les derniers sont dits « tertiaires », comme le fait d’être une femme, d’avoir moins de 19 ans ou plus de 45 ans, et il est impossible d’influer sur ces facteurs. En fait, malheureusement, le facteur clé est l’antécédent de geste antérieur ; ce point des antécédents de TS intervient pour 40% de la variance du phénomène. Ainsi, on peut raisonnablement formuler que prévention de la récidive suicidaire se confond bien souvent avec prévention du suicide. Dans cette légitime logique de prévention, le premier point est celui du type d’intervention à proposer. Face à une population dite « clinique » (population de sujets présentant une pathologie donnée comme des sujets déprimés ou présentant une alcoolo-dépendance, souffrant de schizophrénie ou d’une pathologie chronique douloureuse), soigner la pathologie ayant participé au contexte suicidaire initial est la meilleure réponse à apporter au risque de récidive. L’hospitalisation du suicidant au décours du geste est alors la stratégie à suivre et à défendre ; hospitalisation d’une durée plus ou moins longue, le plus souvent en milieu spécialisé en Psychiatrie, au sein du service public hospitalier ou PSPH, ou bien au sein d’un établissement privé en fonction des réseaux locaux.

 

Quelques essais ont été proposés dans le but spécifique de réduire ce taux de récidive suicidaire. Certains dispositifs très interventionnistes se révèlent coûteux et difficile à généraliser (interventions à domicile, psychothérapies brèves intensives menées à partir des Urgences…). De façon parallèle, des dispositifs de « rester en lien », qui veillent à ne pas envahir la vie du suicidant, qui n’ont pas pour objectif de se substituer à un traitement, mais tentent de proposer des recours en cas de crise, ont tendance à se développer actuellement sur l’ensemble du territoire.

Conférence de Consensus : « L’agitation en urgence (petit enfant excepté) »

www.sfmu.org/documents/consensus/cc_​agitation-court.pdf

Définition

L’agitation se définit comme une perturbation du comportement moteur, psychique et relationnel. Elle suscite une réaction d’intolérance de l’entourage et du milieu.

 

Epidémiologie

La prévalence avoisine 1 % des passages. Les étiologies, parfois intriquées, sont psychiatriques (62 %), organiques (25 %), toxiques (25 %).

— Formes d’agitation incontrôlable :

L’agitation incontrôlable, avec violences : le contact, l’entretien, l’examen clinique ne sont pas réalisables ;

L’agitation avec signes de passage à l’acte violent imminent : le retard à la prise en charge majore le risque de violence. Les antécédents de comportement violent seront systématiquement recherchés.

— Formes d’agitation contrôlable : elles permettent un entretien, le recueil de l’anamnèse et un examen somatique.

Chez le grand enfant, l’adolescent

Elles expriment souvent une crise familiale ou sociale. La demande vient exceptionnellement de l’adolescent lui-même.

Chez la personne âgée

Elles sont agressives ou non, d’expression verbale et/ou physique.

Chez l’adolescent et l’adulte

L’alcool représente la première cause d’agitation où les manifestations hallucinatoires ou délirantes peuvent être au premier plan. L’abus de stupéfiants, de médicaments et les sevrages sont souvent en cause, de façon isolée ou associés entre eux.

Chez la personne âgée

Une iatrogénie doit toujours être recherchée.

Chez l’adulte

L’accès maniaque : l’agitation est intense avec euphorie, désinhibition, idées de grandeur, logorrhée, familiarité ; des états mixtes existent.

La bouffée délirante aiguë se caractérise par des hallucinations, une labilité de l’humeur, une instabilité comportementale. Elle peut être d’origine toxique.

La schizophrénie associe un syndrome dissociatif, délirant et déficitaire. Le contact est froid, des conduites imprévisibles existent.

Les délires chroniques paranoïaques associent des idées délirantes persistantes. Un persécuteur désigné doit être recherché.

Les personnalités anti-sociales et les états limites ne tolèrent ni l’attente, ni la frustration.

L’attaque de panique se caractérise par une crise d’angoisse brutale.

La crise de nerf ou agitation hystérique se manifeste par des états d’agitation ou de colère démonstratifs.

Chez l’adolescent

Il s’agit d’épisodes psychotiques aigus, d’états maniaques souvent associés à une prise de toxiques.

Chez le sujet âgé

Les syndromes confusionnels, les états délirants, les syndromes démentiels, les situations de catastrophe et anxiogènes seront recherchés.

 

Quelles sont les explorations à réaliser en urgence ?

Une glycémie capillaire et une saturation artérielle en oxygène (SpO2) sont systématiques.

Les patients présentant une affection psychiatrique connue avec une anamnèse et un examen clinique (intégrant la glycémie capillaire et la SpO2) normal et documenté (sur le dossier du patient) ne nécessitent aucun autre examen paraclinique. Ces patients peuvent être confiés au psychiatre.

Tout autre patient est suspect d’une pathologie organique ou toxique. Aucune stratégie de prescription n’est validée à ce jour. L’âge, l’anamnèse, et la clinique orienteront les examens complémentaires.

Causes organiques fréquentes

Hypoxie, hypercapnie Méningite, méningo-encéphalite

Etats de choc Accidents vasculaires cérébraux

Hypoglycémie Masses intra crâniennes

Troubles électrolytiques Globe vésical, fécalome

Epilepsie Hyperthermie

Hémorragie méningée Traumatisme méconnu

Douleur

 

Quel traitement doit être mis en œuvre immédiatement dans l’agitation en urgence ? quelle doit être l’approche relationnelle du traitement ?

 

Elle doit permettre de prévenir l’escalade vers la violence et le passage à l’acte auto- ou hétéro-agressif. Elle est constante tout au long de la prise en charge du patient.

Au tri, la prise en charge du patient agité est une urgence absolue ; elle implique une équipe pluridisciplinaire qui nécessite une formation sur le terrain conformément à la Circulaire du 15 décembre 2000 relative à la prévention et à l’encadrement des situations de violence.

 

Quel traitement médicamenteux doit être entrepris ?

 

Il doit permettre un examen clinique, la diminution de l’agitation et la limitation de la durée de la contention physique. La sédation pharmacologique du patient agité représente un risque lié à l’incertitude diagnostique. Ceci rend le risque iatrogène important lors de l’administration d’un médicament sédatif. Il est souhaitable d’utiliser un nombre restreint de molécules que l’on maîtrise bien, en évitant des associations complexes et en privilégiant la voie orale.

 

Quelles sont les indications des différentes thérapeutiques ?

 

La prise en charge relationnelle est une obligation médicale puisqu’elle désamorce dans un nombre important de cas l’agressivité, mais aussi médico-légale puisque l’utilisation d’une contention physique ou chimique ne peut se justifier qu’après échec de la prise en charge relationnelle.

Les mesures de contention s’adressent au patient dangereux pour lui-même ou son entourage, le temps d’obtenir une sédation médicamenteuse efficace.

Le traitement médicamenteux :

− aucune étude de niveau de preuve élevé ne permet la comparaison des molécules entre elles dans des situations cliniques autres que psychiatriques ;

− le traitement est étiologique quand il existe une cause somatique et un traitement curatif ;

− l’ivresse aiguë et le sevrage éthylique ont fait l’objet de conférences de consensus privilégiant l’utilisation des benzodiazépines ; dans l’intoxication aiguë à la cocaïne, la prescription de benzodiazépines est documentée ;

− quand l’agitation est d’origine psychiatrique ou survient chez le sujet âgé, l’utilisation de neuroleptiques atypiques est préférée.

 

Quel doit être le choix thérapeutique initial lorsque l’agitation empêche toute approche diagnostique ?

 

Devant une agitation dont l’étiologie psychiatrique ou somatique ne peut être précisée, la loxapine semble faire l’unanimité des professionnels médicaux en France pour l’adulte, associée à une benzodiazépine qui a l’avantage de diminuer les effets secondaires des neuroleptiques et la posologie respective des deux médicaments.

Lorsqu’il est impossible d’approcher le patient, les forces de l’ordre, en accord avec l’administrateur de garde, peuvent être sollicités par le médecin et le cadre infirmier sur la base d’un protocole élaboré entre l’établissement hospitalier et la police (recommandation de la Circulaire du 15 décembre 2000).

 

Comment le patient doit-il être surveillé et dans quelle structure doit-il être admis ou transféré ? Comment le patient doit-il être surveillé ?

 

Chez le patient dont l’agitation a été contrôlée, les modalités de surveillance comprennent la mise à l’écart au calme et une surveillance clinique rapprochée. La surveillance du patient agité intoxiqué consiste au minimum en une surveillance des signes vitaux. Le patient doit être dirigé vers un service de Réanimation s’il existe une atteinte des fonctions vitales. La surveillance du patient sous contention doit s’effectuer dans le respect de son intégrité physique etmorale. Le recours à la contention physique implique la création d’une fiche de surveillance spécifique (annexe I).

 

Dans quelles structures les soins initiaux doivent-ils être délivrés ?

 

Le service d’urgence hospitalier est la structure adaptée pour l’accueil du patient agité. L’admission directe en secteur psychiatrique reste l’exception et ne se conçoit que lorsqu’il existe la certitude que toute organicité est écartée. La structure de soins initiaux permet de réaliser un examen clinique et les examens biologiques et d’imagerie de première intention. Le service d’urgence doit être en mesure de fournir un espace calme où le patient agité violent peut être mis à l’écart. Cet espace doit avoir un accès ouvert, le personnel en nombre suffisant (5 personnes) devant se trouver à proximité. Ce type d’accueil doit faire l’objet d’un protocole préétabli (annexe II). L’accueil est organisé pour assurer la sécurité des personnels soignants et du patient. Le circuit du patient violent doit être défini à l’avance. Un coordonnateur est désigné. Tout doit être mis en oeuvre pour raccourcir le délai de prise de décision médicale. Un personnel de sécurité entraîné et des dispositifs techniques constituent les bases d’un service d’urgence sécurisé.

 

1.         CepiDC (Centre d’Epidémiologie sur les causes médicales de décès). http://www.cepidc.vesinet.inserm.fr. INSERM Le Vésinet.

2.         Kessler RC, Berglund P, Borges G, Nock M, Wang PS. Trends in suicide ideation, plans, gestures, and attempts in the United States, 1990-1992 to 2001-2003. Jama. 2005;293(20):2487-95.

3.         Bernal M, Haro JM, Bernert S, Brugha T, de Graaf R, Bruffaerts R, et al. Risk factors for suicidality in Europe: results from the ESEMED study. J Affect Disord. 2007;101(1-3):27-34.

4.         Chabaud F, Debarre J, Serazin C, Bouet R, Vaiva G, Roelandt JL. [Study of population profiles in relation to the level of suicide risk in France: Study "Mental health in the general population"]. Encephale. 2010;36(3 Suppl):33-8.

 

 

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LES URGENCES PSYCHIATRIQUES                                          CENTREES SUR L’AGITATION ET LE RISQUE SUICIDAIRE

Se poser, évaluer, décider

 

Docteur François DUCROCQ

 

Suicide, comportements suicidaires et prévention du risque suicidaire

 

La France est un des pays développés les plus touchés par le suicide, le nombre de décès par suicide ayant atteint 10.707 en 2005. Confinant légitimement à une véritable problématique de santé publique, le taux des suicides semble néanmoins évoluer dans le sens d’une diminution, en passant de 22,5 à 17,7 pour 100.000 habitants entre 1985 et 2005, comme l’attestent les données du Centre d’Epidémiologie sur les causes médicales de décès de l’INSERM (1). En proportion, le suicide est une cause de mortalité plus importante chez les sujets jeunes que chez les sujets âgés ; elle explique 15 à 20% des décès vers l’âge de 30 ans. Cependant, entre un quart et un tiers des suicidés ont plus de 65 ans.

L’évaluation du nombre des tentatives de suicide (TS) en France est plus difficile, estimé entre 160.000 et 200.000 par an, soit 15 fois plus de TS que de décès par suicide. Rapporté au temps qui passe, c’est une TS toutes les 4 minutes ! On estime également que 70% des TS sont des intoxications volontaires, le plus souvent médicamenteuses ; les produits les plus utilisés seraient les psychotropes, les antalgiques et anti-inflammatoires, puis les cardiotropes.

L’étude américaine de la National Comorbidity Survey portant sur 9.708 sujets anglophones de 18 à 54 ans propose des données de prévalence sur les 12 mois écoulés concernant l’idéation suicidaire, le risque suicidaire élevé et les tentatives de suicide (2). Initialement menée sur la période 1990 – 1992, elle fut répliquée sur la période 2001 – 2003, mais aucune évolution de prévalence n’était relevée pour idéation suicidaire (2,8% vs 3,3%), risque suicidaire élevé (0,7% vs 1%) et tentatives de suicide (0,4 vs 0,6%). En additionnant les niveaux de risque, ce travail montrait que le risque suicidaire concernait 4,3% de la population américaine en 2005.

L’étude ESEMeD portant sur 21.425 sujets de six pays européens (France, Allemagne, Italie, Espagne, Belgique, Pays Bas) fut menée selon la même méthodologie que la NCS-R sur la même période 2001 – 2003, chez des sujets de plus de 18 ans non institutionnalisés (3). La prévalence vie entière pour l’idéation suicidaire était de 7,8% et pour les tentatives de suicide de 1,3% pour l’échantillon global, mais respectivement de 12,4% et de 3,37% pour le sous-échantillon français.

Dans ces deux cohortes, les chiffres sur 12 mois (risque suicidaire et TS) sont très proches des prévalences que nous constations dans l’étude SMPG (Santé Mentale en Population Générale), un échantillon français du Centre Collaborateur de l’OMS portant sur 30.000 personnes (4). Les 0,6% de sujets américains déclarant une TS dans les 12 mois écoulés sont à rapprocher des 0,7% de français déclarant une TS dans le mois écoulé. En revanche, une TS sur la vie entière est retrouvée chez 3,5% des français dans l’étude européenne ESEMeD et retrouvée double à 7,8% dans SMPG ; il est probable que la notion de TS était plus large dans l’étude SMPG et qu’il faille plutôt la rapprocher des 7,8% de sujets déclarant des idéations suicidaires sur la vie entière dans ESEMeD.

La littérature fournit finalement des chiffres de risque suicidaire avéré très homogènes à travers le monde, autour de 4%, ce qui signe un phénomène plutôt bien cerné sur le plan épidémiologique.

Un sujet survivant à une tentative de suicide (TS) appartient de fait à un groupe à risque pour les conduites suicidaires (40% de récidive sur la vie entière dont 20 à 25% sur les 12 mois suivant le geste initial). Prévenir le risque de suicide en général est donc efficace sur la prévention de la récidive.

Il semble très important dans un premier temps de prendre en charge une pathologie somatique ou psychiatrique ayant participée au contexte suicidaire initial : soigner une dépression, traiter un trouble bipolaire de l’humeur par un thymorégulateur, prendre en charge un trouble borderline de la personnalité, etc…

 

 

Bon nombre de facteurs de risque suicidaires ont ainsi été décrits. Certains sont dits « primaires », comme le fait d’être déprimé, de souffrir d’une douleur chronique non prise en charge, et agir sur ces facteurs produit des effets rapides sur le contexte suicidaire ; d’autres sont dits « secondaires », comme le fait de traverser une crise conjugale tendue, de connaître des difficultés professionnelles inquiétantes, et l’amélioration de ces facteurs (forcément à plus long terme) produira des effets bénéfiques ; enfin, les derniers sont dits « tertiaires », comme le fait d’être une femme, d’avoir moins de 19 ans ou plus de 45 ans, et il est impossible d’influer sur ces facteurs. En fait, malheureusement, le facteur clé est l’antécédent de geste antérieur ; ce point des antécédents de TS intervient pour 40% de la variance du phénomène. Ainsi, on peut raisonnablement formuler que prévention de la récidive suicidaire se confond bien souvent avec prévention du suicide. Dans cette légitime logique de prévention, le premier point est celui du type d’intervention à proposer. Face à une population dite « clinique » (population de sujets présentant une pathologie donnée comme des sujets déprimés ou présentant une alcoolo-dépendance, souffrant de schizophrénie ou d’une pathologie chronique douloureuse), soigner la pathologie ayant participé au contexte suicidaire initial est la meilleure réponse à apporter au risque de récidive. L’hospitalisation du suicidant au décours du geste est alors la stratégie à suivre et à défendre ; hospitalisation d’une durée plus ou moins longue, le plus souvent en milieu spécialisé en Psychiatrie, au sein du service public hospitalier ou PSPH, ou bien au sein d’un établissement privé en fonction des réseaux locaux.

 

Quelques essais ont été proposés dans le but spécifique de réduire ce taux de récidive suicidaire. Certains dispositifs très interventionnistes se révèlent coûteux et difficile à généraliser (interventions à domicile, psychothérapies brèves intensives menées à partir des Urgences…). De façon parallèle, des dispositifs de « rester en lien », qui veillent à ne pas envahir la vie du suicidant, qui n’ont pas pour objectif de se substituer à un traitement, mais tentent de proposer des recours en cas de crise, ont tendance à se développer actuellement sur l’ensemble du territoire.

Conférence de Consensus : « L’agitation en urgence (petit enfant excepté) »

www.sfmu.org/documents/consensus/cc_​agitation-court.pdf

Définition

L’agitation se définit comme une perturbation du comportement moteur, psychique et relationnel. Elle suscite une réaction d’intolérance de l’entourage et du milieu.

 

Epidémiologie

La prévalence avoisine 1 % des passages. Les étiologies, parfois intriquées, sont psychiatriques (62 %), organiques (25 %), toxiques (25 %).

— Formes d’agitation incontrôlable :

L’agitation incontrôlable, avec violences : le contact, l’entretien, l’examen clinique ne sont pas réalisables ;

L’agitation avec signes de passage à l’acte violent imminent : le retard à la prise en charge majore le risque de violence. Les antécédents de comportement violent seront systématiquement recherchés.

— Formes d’agitation contrôlable : elles permettent un entretien, le recueil de l’anamnèse et un examen somatique.

Chez le grand enfant, l’adolescent

Elles expriment souvent une crise familiale ou sociale. La demande vient exceptionnellement de l’adolescent lui-même.

Chez la personne âgée

Elles sont agressives ou non, d’expression verbale et/ou physique.

Chez l’adolescent et l’adulte

L’alcool représente la première cause d’agitation où les manifestations hallucinatoires ou délirantes peuvent être au premier plan. L’abus de stupéfiants, de médicaments et les sevrages sont souvent en cause, de façon isolée ou associés entre eux.

Chez la personne âgée

Une iatrogénie doit toujours être recherchée.

Chez l’adulte

L’accès maniaque : l’agitation est intense avec euphorie, désinhibition, idées de grandeur, logorrhée, familiarité ; des états mixtes existent.

La bouffée délirante aiguë se caractérise par des hallucinations, une labilité de l’humeur, une instabilité comportementale. Elle peut être d’origine toxique.

La schizophrénie associe un syndrome dissociatif, délirant et déficitaire. Le contact est froid, des conduites imprévisibles existent.

Les délires chroniques paranoïaques associent des idées délirantes persistantes. Un persécuteur désigné doit être recherché.

Les personnalités anti-sociales et les états limites ne tolèrent ni l’attente, ni la frustration.

L’attaque de panique se caractérise par une crise d’angoisse brutale.

La crise de nerf ou agitation hystérique se manifeste par des états d’agitation ou de colère démonstratifs.

Chez l’adolescent

Il s’agit d’épisodes psychotiques aigus, d’états maniaques souvent associés à une prise de toxiques.

Chez le sujet âgé

Les syndromes confusionnels, les états délirants, les syndromes démentiels, les situations de catastrophe et anxiogènes seront recherchés.

 

Quelles sont les explorations à réaliser en urgence ?

Une glycémie capillaire et une saturation artérielle en oxygène (SpO2) sont systématiques.

Les patients présentant une affection psychiatrique connue avec une anamnèse et un examen clinique (intégrant la glycémie capillaire et la SpO2) normal et documenté (sur le dossier du patient) ne nécessitent aucun autre examen paraclinique. Ces patients peuvent être confiés au psychiatre.

Tout autre patient est suspect d’une pathologie organique ou toxique. Aucune stratégie de prescription n’est validée à ce jour. L’âge, l’anamnèse, et la clinique orienteront les examens complémentaires.

Causes organiques fréquentes

Hypoxie, hypercapnie Méningite, méningo-encéphalite

Etats de choc Accidents vasculaires cérébraux

Hypoglycémie Masses intra crâniennes

Troubles électrolytiques Globe vésical, fécalome

Epilepsie Hyperthermie

Hémorragie méningée Traumatisme méconnu

Douleur

 

Quel traitement doit être mis en œuvre immédiatement dans l’agitation en urgence ? quelle doit être l’approche relationnelle du traitement ?

 

Elle doit permettre de prévenir l’escalade vers la violence et le passage à l’acte auto- ou hétéro-agressif. Elle est constante tout au long de la prise en charge du patient.

Au tri, la prise en charge du patient agité est une urgence absolue ; elle implique une équipe pluridisciplinaire qui nécessite une formation sur le terrain conformément à la Circulaire du 15 décembre 2000 relative à la prévention et à l’encadrement des situations de violence.

 

Quel traitement médicamenteux doit être entrepris ?

 

Il doit permettre un examen clinique, la diminution de l’agitation et la limitation de la durée de la contention physique. La sédation pharmacologique du patient agité représente un risque lié à l’incertitude diagnostique. Ceci rend le risque iatrogène important lors de l’administration d’un médicament sédatif. Il est souhaitable d’utiliser un nombre restreint de molécules que l’on maîtrise bien, en évitant des associations complexes et en privilégiant la voie orale.

 

Quelles sont les indications des différentes thérapeutiques ?

 

La prise en charge relationnelle est une obligation médicale puisqu’elle désamorce dans un nombre important de cas l’agressivité, mais aussi médico-légale puisque l’utilisation d’une contention physique ou chimique ne peut se justifier qu’après échec de la prise en charge relationnelle.

Les mesures de contention s’adressent au patient dangereux pour lui-même ou son entourage, le temps d’obtenir une sédation médicamenteuse efficace.

Le traitement médicamenteux :

− aucune étude de niveau de preuve élevé ne permet la comparaison des molécules entre elles dans des situations cliniques autres que psychiatriques ;

− le traitement est étiologique quand il existe une cause somatique et un traitement curatif ;

− l’ivresse aiguë et le sevrage éthylique ont fait l’objet de conférences de consensus privilégiant l’utilisation des benzodiazépines ; dans l’intoxication aiguë à la cocaïne, la prescription de benzodiazépines est documentée ;

− quand l’agitation est d’origine psychiatrique ou survient chez le sujet âgé, l’utilisation de neuroleptiques atypiques est préférée.

 

Quel doit être le choix thérapeutique initial lorsque l’agitation empêche toute approche diagnostique ?

 

Devant une agitation dont l’étiologie psychiatrique ou somatique ne peut être précisée, la loxapine semble faire l’unanimité des professionnels médicaux en France pour l’adulte, associée à une benzodiazépine qui a l’avantage de diminuer les effets secondaires des neuroleptiques et la posologie respective des deux médicaments.

Lorsqu’il est impossible d’approcher le patient, les forces de l’ordre, en accord avec l’administrateur de garde, peuvent être sollicités par le médecin et le cadre infirmier sur la base d’un protocole élaboré entre l’établissement hospitalier et la police (recommandation de la Circulaire du 15 décembre 2000).

 

Comment le patient doit-il être surveillé et dans quelle structure doit-il être admis ou transféré ? Comment le patient doit-il être surveillé ?

 

Chez le patient dont l’agitation a été contrôlée, les modalités de surveillance comprennent la mise à l’écart au calme et une surveillance clinique rapprochée. La surveillance du patient agité intoxiqué consiste au minimum en une surveillance des signes vitaux. Le patient doit être dirigé vers un service de Réanimation s’il existe une atteinte des fonctions vitales. La surveillance du patient sous contention doit s’effectuer dans le respect de son intégrité physique etmorale. Le recours à la contention physique implique la création d’une fiche de surveillance spécifique (annexe I).

 

Dans quelles structures les soins initiaux doivent-ils être délivrés ?

 

Le service d’urgence hospitalier est la structure adaptée pour l’accueil du patient agité. L’admission directe en secteur psychiatrique reste l’exception et ne se conçoit que lorsqu’il existe la certitude que toute organicité est écartée. La structure de soins initiaux permet de réaliser un examen clinique et les examens biologiques et d’imagerie de première intention. Le service d’urgence doit être en mesure de fournir un espace calme où le patient agité violent peut être mis à l’écart. Cet espace doit avoir un accès ouvert, le personnel en nombre suffisant (5 personnes) devant se trouver à proximité. Ce type d’accueil doit faire l’objet d’un protocole préétabli (annexe II). L’accueil est organisé pour assurer la sécurité des personnels soignants et du patient. Le circuit du patient violent doit être défini à l’avance. Un coordonnateur est désigné. Tout doit être mis en oeuvre pour raccourcir le délai de prise de décision médicale. Un personnel de sécurité entraîné et des dispositifs techniques constituent les bases d’un service d’urgence sécurisé.

 

1.         CepiDC (Centre d’Epidémiologie sur les causes médicales de décès). http://www.cepidc.vesinet.inserm.fr. INSERM Le Vésinet.

2.         Kessler RC, Berglund P, Borges G, Nock M, Wang PS. Trends in suicide ideation, plans, gestures, and attempts in the United States, 1990-1992 to 2001-2003. Jama. 2005;293(20):2487-95.

3.         Bernal M, Haro JM, Bernert S, Brugha T, de Graaf R, Bruffaerts R, et al. Risk factors for suicidality in Europe: results from the ESEMED study. J Affect Disord. 2007;101(1-3):27-34.

4.         Chabaud F, Debarre J, Serazin C, Bouet R, Vaiva G, Roelandt JL. [Study of population profiles in relation to the level of suicide risk in France: Study "Mental health in the general population"]. Encephale. 2010;36(3 Suppl):33-8.

 

 

L’insomnie chez l’adulte

L'insomnie chez l'adulte

« Récente ou chronique, importance de l'interrogatoire, intérêt de l'agenda. »

Dr Christelle MONACA

Pour bien prendre un charge un patient insomniaque, il est important de rappeler quelques notions sur la physiologie du sommeil.

1) Quelques rappels sur le sommeil… Les états de vigilance se divisent en deux états : l'éveil et le sommeil, qui lui est composé de sommeil lent et de sommeil paradoxal (SP). Le sommeil lent est classé en 3 stades, les stades N1 (transition entre l'éveil et le sommeil) et N2 qui constituent le sommeil lent léger, et le stade N3 qui constitue le sommeil lent profond. Le sommeil léger occupe 55 % du temps total de sommeil. Le sommeil lent profond correspond à une synchronisation importante de l'activité cérébrale, caractérisée sur l'électroencéphalogramme par de nombreuses ondes lentes et amples (ondes delta). Il occupe généralement 15 à 20 % du temps total de sommeil. Le SP est caractérisé par une activité corticale rapide associée à une atonie musculaire généralisée et des mouvements oculaires rapides. C'est pendant ce stade que la production de rêve est la plus importante. Le SP occupe généralement 20 à 25 % du temps total de sommeil.

Ces états de vigilance se succèdent de manière organisée et cyclique. Un cycle de sommeil débute par le sommeil lent léger, se poursuit par le sommeil lent profond et se termine par le SP. Classiquement, un cycle dure entre 90 et 120 minutes. Une nuit de sommeil est composée de 4 à 6 cycles de sommeil. Les premiers cycles sont plus riches en sommeil lent, tandis que les derniers sont plus riches en SP.

Le cycle veille/sommeil est contrôlé par deux processus : le processus homéostatique et le processus circadien (2,3). Le processus homéostatique correspond à l'évolution, au cours du temps, de la pression du sommeil et régule les besoins journaliers de sommeil. Ainsi, le besoin de sommeil s'accumule tout au long de l'éveil pour atteindre un niveau qui peut conduire au sommeil. Ensuite il se dissipe rapidement au cours du sommeil. Le processus circadien dépend des horloges biologiques internes dont la principale est située dans les noyaux suprachiasmatiques (NSC). Cette horloge contrôle aussi l'ensemble des rythmes circadiens (mélatonine, température, cortisol, comportement alimentaire...). L'alternance lumière/obscurité (ou jour/nuit) constitue le synchroniseur majeur de l'horloge circadienne, par l'intermédiaire des voies d'entraînement photiques. Le processus circadien, qui correspond à la pression de l'éveil, va contrecarrer l'augmentation progressive de la pression du sommeil diurne jusqu'au début de la nuit. Il est nécessaire que les 2 types de régulation homéostatique et circadienne soient bien en phase l'une avec l'autre pour permettre un sommeil de bonne qualité.

Le temps de sommeil nécessaire par 24 heures est variable d'une personne à l'autre. Il dépend de l'âge. Un nouveau-né dormira entre 16 et 18 heures par 24 heures. A l'âge adulte, il existe des courts dormeurs (moins de 6h30 de sommeil par 24h), des moyens dormeurs et des longs dormeurs (plus de 9 heures par 24h). Le temps de sommeil d'un individu est programmé génétiquement.

2) Définition de l'insomnie chronique

Selon l'ISCD-2 (11), l'insomnie chronique se caractérise par la survenue de troubles du sommeil au moins 3 fois par semaine et ce pendant plus d'un mois. La plainte peut être une difficulté d'endormissement, et/ou des troubles du maintien du sommeil (éveils durant la nuit), et/ou un réveil précoce. Le sommeil nocturne apparaît non réparateur. Cette plainte de sommeil doit également être associée à un retentissement diurne (tableau 1).

Tableau 1 : critères diagnostiques de l'insomnie (ISCD-2)

A. Plainte de difficultés d'endormissement, de maintien de sommeil ou d'éveil trop précoce ; ou de sommeil considéré comme non réparateur ou de mauvaise qualité.

B. Survenue de ces troubles du sommeil malgré des circonstances favorables à la survenue du sommeil.

C. Retentissement diurne de ces troubles du sommeil, avec au moins un de ces symptômes retrouvés :
- 1. Fatigue
- 2. trouble de l'attention, de la concentration ou de la mémoire
- 3. retentissement social ou difficultés scolaires
- 4. troubles de l'humeur, irritabilité
- 5. Somnolence diurne excessive
- 6. Perte de motivation, d'initiative
- 7. Accidents du travail ou de la voie publique
- 8. Céphalées, troubles gastro-intestinaux du fait du trouble du sommeil
- 9. Inquiétude concernant le sommeil

3) Conduite à tenir diagnostique face à un patient se plaignant « d'insomnie »

Proposer une consultation spécifique pour cette plainte de troubles du sommeil.

Lui demander de remplir pendant 2 semaines un calendrier de sommeil (cela permettra au patient de patienter jusqu'à la consultation)

Lors de la consultation, interroger le patient sur ses nuits et ses journées :
- Habitudes de sommeil : heure du coucher, heure de l'endormissement, heure du réveil, heure du lever. Différencier les jours de travail et les jours de repos.
- Eveils durant le sommeil : nombre, durée, activités éventuelles pendant ses éveils.
- Dans la journée, recherche d'une somnolence : envie de dormir, siestes, accès d'endormissement (nombre et durée)
- Rechercher d'autres retentissements possibles dans la journée de l'insomnie : troubles de mémoire, troubles attentionnels, troubles de concentration, irritabilité, troubles de l'humeur…

Si le patient présente effectivement les critères d'insomnie (tableau 1), l'étape suivante est d'en rechercher l'étiologie :

- Ancienneté des troubles, facteurs déclenchants
- Revoir les antécédents du patient (une insomnie peut être liée à une pathologie intercurrente : rhumatologique, insuffisance cardiaque, asthme, eczéma…)
- Activités avant le sommeil
- Heure de la prise d'éventuels traitements psychotropes ou de tout autre médicament éveillant
- Prise d'excitants dans la journée, activité physique
- Rechercher un syndrome anxieux, des troubles de l'humeur, un trouble obsessionnel compulsif…
- Rechercher un syndrome des jambes sans repos (tableau 2 avec les critères diagnostiques)

Tableau 2 : critères diagnostiques du syndrome des jambes sans repos.

Les 4 critères sont nécessaires pour poser le diagnostic :
- Besoin de bouger les membres inférieurs associé ou non à des troubles sensitifs et/ou des sensations désagréables.
- Apparition au repos.
- Apparition ou aggravation vespérale des troubles.
- Amélioration ou disparition lors du mouvement.

Les étiologies d'insomnie sont multiples. L'insomnie chronique peut être soit primaire, soit secondaire : insomnie psychophysiologique ; mauvaise perception de sommeil ; troubles de l'hygiène veille-sommeil ; insomnie secondaire à un trouble psychiatrique ; à un trouble médical ; à la prise d'un médicament ou d'un toxique. Si aucune étiologie particulière n'est retrouvée, alors l'insomnie sera considérée comme psychophysiologique (selon l'ISCD-2, 2006) ou primaire (pour le DSM-IV, 2000). Il est important de noter qu'il existe un continuum entre certains types d'insomnies. Ainsi, une insomnie secondaire initialement à un événement stressant de la vie peut tout à fait évoluer ensuite vers une insomnie psychophysiologique. En effet, le facteur déclenchant initial de l'insomnie qui était « l'événement stressant » n'existe plus, mais l'insomnie perdure et évolue pour son propre compte. Cette insomnie devient donc psychophysiologique.

La physiopathologie précise de l'insomnie psychophysiologique reste encore mal connue. Il existe plusieurs hypothèses à l'heure actuelle : mécanismes d'hyperéveil avec installation du cercle vicieux de l'insomnie, dysfonctionnement des systèmes de régulation du sommeil homéostatique et/ou circadien ?

4) Conduite à tenir thérapeutique face à un patient insomniaque.

Le traitement de l'insomnie doit être adapté à l'étiologie. L'utilisation d'hypnotiques dans l'insomnie chronique ne doit être que transitoire. Devant une insomnie psychophysiologique, la prise en charge est avant tout comportementale avec notamment une restriction du temps passé au lit et des conseils d'hygiène de sommeil. Lorsque cela n'est pas suffisant, le traitement peut consister en une thérapie cognitivo-comportementale afin de diminuer les pensées dysfonctionnelles liées au sommeil. Si besoin, un traitement psychotrope est possible en discontinu ou pendant un temps limité. Par ailleurs, chez la personne de plus de 55 ans, un dysfonctionnement du système circadien peut être évoqué et il peut être alors nécessaire d'adjoindre un traitement à base de mélatonine. Si l'insomnie est liée à un syndrome des jambes sans repos, il faut envisager (après un avis auprès d'un neurologue ou d'un médecin du sommeil) un traitement spécifique, notamment un agoniste dopaminergique. Si l'insomnie est psychogène, il faut prendre en charge l'anxiété, les troubles de l'humeur…

Toute insomnie nécessite une prise en charge spécifique et adaptée à son étiologie.

Référence :

American Academy of Sleep Medicine, 2005. The international Classification of Sleep Disorders : diagnostic and coding manual, 2nd ed., American Academy of Sleep Medicine, Westchester.

L’insomnie chez l’adulte

L'insomnie chez l'adulte

« Récente ou chronique, importance de l'interrogatoire, intérêt de l'agenda. »

Dr Christelle MONACA

Pour bien prendre un charge un patient insomniaque, il est important de rappeler quelques notions sur la physiologie du sommeil.

1) Quelques rappels sur le sommeil… Les états de vigilance se divisent en deux états : l'éveil et le sommeil, qui lui est composé de sommeil lent et de sommeil paradoxal (SP). Le sommeil lent est classé en 3 stades, les stades N1 (transition entre l'éveil et le sommeil) et N2 qui constituent le sommeil lent léger, et le stade N3 qui constitue le sommeil lent profond. Le sommeil léger occupe 55 % du temps total de sommeil. Le sommeil lent profond correspond à une synchronisation importante de l'activité cérébrale, caractérisée sur l'électroencéphalogramme par de nombreuses ondes lentes et amples (ondes delta). Il occupe généralement 15 à 20 % du temps total de sommeil. Le SP est caractérisé par une activité corticale rapide associée à une atonie musculaire généralisée et des mouvements oculaires rapides. C'est pendant ce stade que la production de rêve est la plus importante. Le SP occupe généralement 20 à 25 % du temps total de sommeil.

Ces états de vigilance se succèdent de manière organisée et cyclique. Un cycle de sommeil débute par le sommeil lent léger, se poursuit par le sommeil lent profond et se termine par le SP. Classiquement, un cycle dure entre 90 et 120 minutes. Une nuit de sommeil est composée de 4 à 6 cycles de sommeil. Les premiers cycles sont plus riches en sommeil lent, tandis que les derniers sont plus riches en SP.

Le cycle veille/sommeil est contrôlé par deux processus : le processus homéostatique et le processus circadien (2,3). Le processus homéostatique correspond à l'évolution, au cours du temps, de la pression du sommeil et régule les besoins journaliers de sommeil. Ainsi, le besoin de sommeil s'accumule tout au long de l'éveil pour atteindre un niveau qui peut conduire au sommeil. Ensuite il se dissipe rapidement au cours du sommeil. Le processus circadien dépend des horloges biologiques internes dont la principale est située dans les noyaux suprachiasmatiques (NSC). Cette horloge contrôle aussi l'ensemble des rythmes circadiens (mélatonine, température, cortisol, comportement alimentaire...). L'alternance lumière/obscurité (ou jour/nuit) constitue le synchroniseur majeur de l'horloge circadienne, par l'intermédiaire des voies d'entraînement photiques. Le processus circadien, qui correspond à la pression de l'éveil, va contrecarrer l'augmentation progressive de la pression du sommeil diurne jusqu'au début de la nuit. Il est nécessaire que les 2 types de régulation homéostatique et circadienne soient bien en phase l'une avec l'autre pour permettre un sommeil de bonne qualité.

Le temps de sommeil nécessaire par 24 heures est variable d'une personne à l'autre. Il dépend de l'âge. Un nouveau-né dormira entre 16 et 18 heures par 24 heures. A l'âge adulte, il existe des courts dormeurs (moins de 6h30 de sommeil par 24h), des moyens dormeurs et des longs dormeurs (plus de 9 heures par 24h). Le temps de sommeil d'un individu est programmé génétiquement.

2) Définition de l'insomnie chronique

Selon l'ISCD-2 (11), l'insomnie chronique se caractérise par la survenue de troubles du sommeil au moins 3 fois par semaine et ce pendant plus d'un mois. La plainte peut être une difficulté d'endormissement, et/ou des troubles du maintien du sommeil (éveils durant la nuit), et/ou un réveil précoce. Le sommeil nocturne apparaît non réparateur. Cette plainte de sommeil doit également être associée à un retentissement diurne (tableau 1).

Tableau 1 : critères diagnostiques de l'insomnie (ISCD-2)

A. Plainte de difficultés d'endormissement, de maintien de sommeil ou d'éveil trop précoce ; ou de sommeil considéré comme non réparateur ou de mauvaise qualité.

B. Survenue de ces troubles du sommeil malgré des circonstances favorables à la survenue du sommeil.

C. Retentissement diurne de ces troubles du sommeil, avec au moins un de ces symptômes retrouvés :
- 1. Fatigue
- 2. trouble de l'attention, de la concentration ou de la mémoire
- 3. retentissement social ou difficultés scolaires
- 4. troubles de l'humeur, irritabilité
- 5. Somnolence diurne excessive
- 6. Perte de motivation, d'initiative
- 7. Accidents du travail ou de la voie publique
- 8. Céphalées, troubles gastro-intestinaux du fait du trouble du sommeil
- 9. Inquiétude concernant le sommeil

3) Conduite à tenir diagnostique face à un patient se plaignant « d'insomnie »

Proposer une consultation spécifique pour cette plainte de troubles du sommeil.

Lui demander de remplir pendant 2 semaines un calendrier de sommeil (cela permettra au patient de patienter jusqu'à la consultation)

Lors de la consultation, interroger le patient sur ses nuits et ses journées :
- Habitudes de sommeil : heure du coucher, heure de l'endormissement, heure du réveil, heure du lever. Différencier les jours de travail et les jours de repos.
- Eveils durant le sommeil : nombre, durée, activités éventuelles pendant ses éveils.
- Dans la journée, recherche d'une somnolence : envie de dormir, siestes, accès d'endormissement (nombre et durée)
- Rechercher d'autres retentissements possibles dans la journée de l'insomnie : troubles de mémoire, troubles attentionnels, troubles de concentration, irritabilité, troubles de l'humeur…

Si le patient présente effectivement les critères d'insomnie (tableau 1), l'étape suivante est d'en rechercher l'étiologie :

- Ancienneté des troubles, facteurs déclenchants
- Revoir les antécédents du patient (une insomnie peut être liée à une pathologie intercurrente : rhumatologique, insuffisance cardiaque, asthme, eczéma…)
- Activités avant le sommeil
- Heure de la prise d'éventuels traitements psychotropes ou de tout autre médicament éveillant
- Prise d'excitants dans la journée, activité physique
- Rechercher un syndrome anxieux, des troubles de l'humeur, un trouble obsessionnel compulsif…
- Rechercher un syndrome des jambes sans repos (tableau 2 avec les critères diagnostiques)

Tableau 2 : critères diagnostiques du syndrome des jambes sans repos.

Les 4 critères sont nécessaires pour poser le diagnostic :
- Besoin de bouger les membres inférieurs associé ou non à des troubles sensitifs et/ou des sensations désagréables.
- Apparition au repos.
- Apparition ou aggravation vespérale des troubles.
- Amélioration ou disparition lors du mouvement.

Les étiologies d'insomnie sont multiples. L'insomnie chronique peut être soit primaire, soit secondaire : insomnie psychophysiologique ; mauvaise perception de sommeil ; troubles de l'hygiène veille-sommeil ; insomnie secondaire à un trouble psychiatrique ; à un trouble médical ; à la prise d'un médicament ou d'un toxique. Si aucune étiologie particulière n'est retrouvée, alors l'insomnie sera considérée comme psychophysiologique (selon l'ISCD-2, 2006) ou primaire (pour le DSM-IV, 2000). Il est important de noter qu'il existe un continuum entre certains types d'insomnies. Ainsi, une insomnie secondaire initialement à un événement stressant de la vie peut tout à fait évoluer ensuite vers une insomnie psychophysiologique. En effet, le facteur déclenchant initial de l'insomnie qui était « l'événement stressant » n'existe plus, mais l'insomnie perdure et évolue pour son propre compte. Cette insomnie devient donc psychophysiologique.

La physiopathologie précise de l'insomnie psychophysiologique reste encore mal connue. Il existe plusieurs hypothèses à l'heure actuelle : mécanismes d'hyperéveil avec installation du cercle vicieux de l'insomnie, dysfonctionnement des systèmes de régulation du sommeil homéostatique et/ou circadien ?

4) Conduite à tenir thérapeutique face à un patient insomniaque.

Le traitement de l'insomnie doit être adapté à l'étiologie. L'utilisation d'hypnotiques dans l'insomnie chronique ne doit être que transitoire. Devant une insomnie psychophysiologique, la prise en charge est avant tout comportementale avec notamment une restriction du temps passé au lit et des conseils d'hygiène de sommeil. Lorsque cela n'est pas suffisant, le traitement peut consister en une thérapie cognitivo-comportementale afin de diminuer les pensées dysfonctionnelles liées au sommeil. Si besoin, un traitement psychotrope est possible en discontinu ou pendant un temps limité. Par ailleurs, chez la personne de plus de 55 ans, un dysfonctionnement du système circadien peut être évoqué et il peut être alors nécessaire d'adjoindre un traitement à base de mélatonine. Si l'insomnie est liée à un syndrome des jambes sans repos, il faut envisager (après un avis auprès d'un neurologue ou d'un médecin du sommeil) un traitement spécifique, notamment un agoniste dopaminergique. Si l'insomnie est psychogène, il faut prendre en charge l'anxiété, les troubles de l'humeur…

Toute insomnie nécessite une prise en charge spécifique et adaptée à son étiologie.

Référence :

American Academy of Sleep Medicine, 2005. The international Classification of Sleep Disorders : diagnostic and coding manual, 2nd ed., American Academy of Sleep Medicine, Westchester.