Lymphoceles suite à la chirurgie du cancer du sein

LYMPHOCELES SUITE A LA CHIRURGIE DU CANCER DU SEIN

Une ponction à réaliser au cabinet médical. 

Docteur Marie-Pierre CHAUVET

 

SEROME (LYMPHOCELE)

 

Contexte

Le cancer du sein touche actuellement une femme sur 8 en France, avec une sur-incidence dans notre région.

Le dépistage organisé augmente régulièrement le nombre de cas pris en charge au stade infra-clinique.

De ce fait, la chirurgie reste pour la très grande majorité des cas la première étape du traitement.

Ce type d’intervention entraine très souvent la formation de sérome (appelé lymphocèle) nécessitant souvent des ponctions évacuatrices réalisées par les chirurgiens le plus souvent, ou parfois par des infirmières, par transfert de compétence.

Les médecins généralistes sont de plus en plus souvent amenés à prendre en charge ces patientes au décours du geste chirurgical après, le plus souvent, une hospitalisation courte (48h pour un traitement conservateur).

Ils peuvent être également des partenaires précieux pour réaliser ces ponctions. Ceci permettant d’une part de soulager les patientes en limitant leurs déplacements et d’autre part, de répondre aux demandes des instances en développant des soins de proximité.

Physiopathologie

La formation de sérome plus fréquemment dénommé « lymphocèle », est connue comme étant un phénomène extrêmement fréquent après chirurgie mammaire en particulier carcinologique. Il s’agit d’une réaction physiologique correspondant à une transsudation de sérum dans une zone de décollement non physiologique. Ce comblement liquidien sera secondairement remplacé par un tissu fibreux cicatriciel donnant au bout de quelques semaines un aspect cliniquement induré de la zone opérée souvent mal vécu par les patientes (crainte de la tumeur qui « repousse ») et qui disparait au bout de quelques semaines.

Les facteurs de risque de survenue de sérome sont surtout liés à un BMI élevé et au type de geste réalisé.

Les sites de ponctions concernent donc essentiellement:

-        Les mastectomies totales

-        Les curages axillaires

-        Les reconstructions par lambeau de grand dorsal (loge dorsale)

-        Les mastectomies partielles (à ne ponctionner qu’en cas de douleur, en raison du risque de déformation ultérieure du sein)

Clinique

D’un point de vue clinique, le sérome se manifeste par une collection rénitente responsable d’inquiétude, d’inconfort et parfois de douleur chez les patientes concernées. Du fait de la tension qu’elle entraine, elle s’accompagne souvent d’une réaction inflammatoire localisée, parfois importante.

Ces séromes sont très souvent pris à tort pour des abcès et c’est la raison pour laquelle, bon nombre de ces patientes sont traitées par antibiothérapie.

Il est important de connaitre ce phénomène qui ne se traduit que par une réaction inflammatoire qui s’améliorera très rapidement après réalisation d’une ponction évacuatrice.

En l’absence de fièvre, traduisant probablement une infection, la ponction sera le seul geste à envisager en première intention chez toute patiente présentant une collection non infectée en période postopératoire.

Cette collection sera localisée au niveau du sein opéré (le plus souvent après mastectomie totale mais parfois après traitement conservateur) ou au niveau du creux axillaire (en cas de curage axillaire presque constamment).

L’échographie ne sera d’aucun recours, ne faisant que confirmer le caractère liquidien que l’on avait déjà diagnostiqué à l’examen clinique !

Cette ponction est également le meilleur moyen de faire le diagnostic entre abcès (qui relèvera d’une mise à plat chirurgicale) et sérome (traitable par ponctions éventuellement itératives) en montrant la couleur du liquide.

 

Technique

La ponction de sérome est un geste simple qui peut être réalisé au cabinet médical dans de bonnes conditions.

  • Matériel nécessaire
    • Seringue de 30 ou 50 cc
    • Trocart  18G  (ou IM verte si doute sur la poche, mais ne permet pas d’évacuer)
    • Compresses stériles
    • Antiseptique
    • Gants stériles
    • Verre à pied gradué

Elle nécessite, après désinfection locale de la zone rénitente, de ponctionner jusqu’à épuisement et en douceur, à l’aide du trocart, le liquide pouvant être légèrement épais.

 

Un examen bactériologique doit être demandé devant :

  • un liquide trouble
  • en cas d’érythème très important
  • systématiquement avant toute prescription d’antibiotiques (antistaphylococcique).

Il est inutile de demander des examens cytologiques sur le liquide

En cas de fièvre associée, le diagnostic pourra être facilement confirmé par une ponction cette fois à visée diagnostique confirmant le caractère purulent de la collection.

Le rythme des ponctions est variable selon les cas et les symptômes. Jusqu’à parfois 2 par semaine les premières semaines, une ponction hebdomadaire peut se révéler rapidement suffisante.

Il convient d’interrompre ces ponctions en deçà de 50-70cc en l’absence de signe fonctionnel du fait du risque, d’une part d’infection et d’autre part de pérenniser la lymphorrhée.

Les médecins généralistes ont un rôle important à jouer dans cette prise en charge en soulageant ses patientes de façon simple et efficace.

Le chirurgien doit bien évidemment rester facilement accessible en cas de doute ou de problème. Une organisation « médecin/hôpital » est peut être à réfléchir dans le domaine de la chirurgie carcinologique mammaire pour un partenariat encore plus efficace et économique.

 

Correction des déformations thoraciques de l’enfant

CORRECTION DES DEFORMATIONS THORACIQUES DE L’ENFANT

Nouvelles techniques : qui opérer et quand ? 

Docteur Eric NECTOUX

I)               INTRODUCTION : Déformations thoraciques les plus fréquentes

Si l’on excepte les déformations ponctuelles dues à des malformations isolées de telle ou telle structure chondro-costale, les déformations globales de la cage thoracique peuvent être regroupées en trois grandes catégories :

-       Le pectus excavatum, ou thorax en entonnoir, présente à décrire une diminution du diamètre antéro-postérieur du thorax, donnant un aspect enfoncé du sternum par rapport au grill costal. Celui-ci se rencontre chez environ 1 à 8 pour 1000 enfants selon les séries publiées, et ce, la plupart du temps, dès la naissance ou dans les premiers mois de vie [1]. Le pectus excavatum rend compte de 85% des déformations thoraciques rencontrées en France. Il concerne en moyenne 4 garçons pour 1 fille. L’étiologie exacte reste inconnue. La théorie la plus communément admise consiste en un excès de longueur des cartilages de croissance costaux, ce qui projetterait en arrière le sternum. A noter une association fréquente avec le syndrome de Marfan, qu’il conviendra de suspecter si d’autres signes sont présents (patient longiligne, arachnodactylie, luxation du cristallin, scoliose, souffle cardiaque…etc.) et avec une scoliose, présente dans 25% des cas environ [2].

-       Le pectus carinatum, ou thorax en carène, présente à décrire une augmentation du diamètre antéro-postérieur du thorax, avec une proéminence du sternum par rapport au grill costal. Beaucoup plus rare en France, il ne représente que 10 à 15% des déformations thoraciques, alors qu’il est retrouvé dans 50% des cas dans les pays sud-américains. L’étiologie n’est pas non plus connue, mais le même mécanisme est suspecté, l’excès de longueur provoquant cette fois ci une projection en avant du sternum.

-       Le pectus arcuatum ou syndrome de Currarino-Silverman, ne rend compte que d’environ 1% des déformations globales du thorax. Il s’agit d’une forme de pectus carinatum des 2 à 3 premières côtes, qui se prolonge par un pectus excavatum sous-jacent. Très rare, il n’est pas décrit dans cet exposé.

 

Toutes ces différentes entités sont évolutives. Parfois, l’évolution va en s’aggravant dès les premiers mois de vie, parfois, il apparait une relative stabilité de la malformation, et c’est pendant le pic de croissance pubertaire que la malformation va subitement s’aggraver. En effet, le volume du thorax va croître de 50% d’un coup en un à deux ans pendant ce pic de croissance.

 

II)              PECTUS EXCAVATUM

1)     Qui opérer ? [3]

Différents critères doivent être évalués avant de décider d’une intervention. Souvent sont retrouvées les constatations suivantes :

-        à l’inspection clinique un creux de plus de 3cm fait l’objet le plus souvent d’une correction chirurgicale

-        l’enfant fait part de plaintes fonctionnelles : intolérance à l’effort, essoufflement, douleurs parasternales…

-        à l’auscultation, présence d’un souffle cardiaque éventuel

-        gêne esthétique

Dans ce cas, il parait licite de proposer un bilan complémentaire. Il faut rappeler à l’enfant et à ses parents qu’une indication opératoire absolue pour raisons fonctionnelles cardio-respiratoires n’est retenue que dans 5% des cas. Toutefois, une participation de symptômes cardio-pulmonaires, mêmes mineurs, à la décision, est fréquente. Il n’en reste pas moins que l’indication est plutôt esthétique que fonctionnelle dans 95% des cas.

Le bilan comprend :

-        une radiographie standard de thorax de face et de profil : elle permet d’évaluer s’il existe des zones d’atélectasie, de s’assurer de l’absence de malformations de segmentation costales, d’évaluer l’enfoncement sternal.

-        des Explorations Fonctionnelles Respiratoires : les EFR vont permettre de quantifier le syndrome restrictif dû au pectus, d’objectiver une éventuelle compression bronchique voire trachéale en mesurant le coefficient de Tiffeneau. Chez l’enfant sportif, le retentissement en situation d’effort peut être également exploré afin d’objectiver la sensation d’inconfort en situation d’effort sous-maximal.

-        une échocardiographie : elle permet d’objectiver la compression cardiaque droite qui est source de gêne au remplissage droit, et participe ainsi à l’explication de la sensation d’intolérance à l’effort. Elle permet aussi de s’assurer de l’absence d’anomalies valvulaires, notamment de prolapsus de la valve mitral, et permet également de repérer des anomalies du rythme cardiaque. Le syndrome de Wolff-Parkinson-White est retrouvé fréquemment chez les patients porteurs de pectus excavatum.[4]

-        une TDM thoracique qui permet au chirurgien de mesurer l’index de Haller qui est le rapport de la plus grande largeur du thorax sur la plus petite profondeur du thorax. Idéalement inférieur à 2, cet index doit être supérieur à 3 pour indiquer de manière formelle la chirurgie. La TDM permet aussi au chirurgien de s’assurer de l’absence d’anomalie entre le sternum et le cœur dans l’optique de réaliser une correction thoracoscopique. En raison de l’irradiation du scanner, il est préférable d’avoir un faisceau d’arguments cliniques et paracliniques au préalable avant d’en demander la réalisation en premier lieu.

Il est également souhaitable de disposer de l’avis d’un psychologue pour toute demande esthétique pure, en raison de la lourdeur du geste chirurgical. Il ne faut pas oublier que les adolescents traversent tous une période de changement d’image corporelle, et qu’ils sont souvent peu satisfaits de cette image. Nous proposons toujours une entrevue avec notre psychologue, et la décision d’opérer ne se fait jamais au premier rendez vous. Il ne faut pas hésiter à voir et revoir les patients avant de prendre la décision.

Enfin, il est important de s’assurer de la bonne compréhension et de l’acceptation des risques inhérents à la chirurgie par le patient et sa famille avant d’opérer.

2)     La technique de Nuss

Auparavant, les techniques employées faisaient appel à des résections chondro-costales, la plus connue étant la technique de Ravitch modifiée par le Pr Würtz à Lille. Cette technique reste indiquée chez les patients adultes avec un thorax très rigide, ou pour les malformations complexes avec asymétrie thoracique majeure et rotation sternale. En effet, cette technique a l’avantage de corriger parfaitement tous types de déformations, sachant qu’un réglage fin de la longueur de chaque côte peut être réalisé. En revanche, elle nécessite une incision bi-sous mammaire ou bi-sous-pectorale qui parfois cicatrise de manière hypertrophique. Dans ce cas la rançon cicatricielle ne fait finalement que déplacer le problème esthétique.

Donald Nuss, à Norfolk en Virginie aux Etats Unis, a eu l’idée de corriger la déformation en poussant le sternum en avant, à l’aide d’une barre métallique introduite en thoracoscopie, concavité en avant. En retournant cette barre, on obtient un système d’appui trois points côte-sternum-côte relativement stable. Cette technique profite ainsi de la grande souplesse du thorax de l’enfant et de l’adolescent. Pour cette raison, la technique de Nuss n’est pas conseillée chez l’adulte. De même, il semble que l’âge minimal de 12 ans soit préférable pour faire cet intervention, afin de prévenir tout risque de limitation de croissance du thorax, ou d’éviter de devoir réopérer l’enfant plusieurs fois pour accompagner la croissance. Le thorax étant très mobile de nature, il convient de stabiliser la barre de différentes manières : stabilisateurs latéraux, fixation costale, doublement de la barre, combinaison de ces techniques.

Principe de l’intervention de Nuss : le retournement d’une barre concave

 préalablement formée repousse le sternum en avant.

Le patient doit toujours être prévenu des complications principales de la technique. Outre l’infection, comme pour toute intervention orthopédique, il convient de signaler la très rare mais très redoutable perforation cardiaque, ainsi que le fréquent mais décevant déplacement secondaire de la barre (5 à 10%), quand bien même elle a été solidement fixée. La chirurgie de reprise est toujours possible mais plus difficile. L’attente psychologique des patients est telle que la déception dans ces cas là est toujours très importante.

Enfin, cette technique ne corrige pas l’anatomie car elle ne fait que repousser des cartilages de croissance trop longs en avant. Il est nécessaire de garder la barre en place deux à trois ans afin d’attendre une conformation définitive des cartilages costaux. Toute activité physique est interdite les trois premiers mois à l’exception d’exercices d’inspiration forcée pour développer les poumons et éviter les atélectasies postopératoires. Tout choc violent doit également être évité après trois mois même si le risque de déplacement est devenu alors beaucoup plus faible : sports de combats, traumatismes de la ceinture de sécurité, chutes avec impact sternal…

 

III)            PECTUS CARINATUM

Les indications chirurgicales pour pectus carinatum sont beaucoup plus rares. En effet, la carène répond très bien à la correction orthopédique par compression. Encore actuellement cette compression est réalisée à l’aide de corsets orthopédiques comprenant des appuis sternaux en mousse. L’ajout régulier de mousse permet la correction progressive du pectus en 6 mois à un an. L’idéal est de commencer le traitement tant qu’il reste de la croissance thoracique, au mieux pendant le pic de croissance pubertaire.

Récemment, un système de compression dynamique a été mis au point en Amérique du Sud [5] et sera prochainement disponible en France. Il consiste en une brassière permettant la compression du sternum, en laissant la possibilité au thorax de regagner en largeur ce qu’il perd en antéro-postérieur.

A titre indicatif, citons dans les cas de thorax très raides qui ne répondent pas à la compression externe la correction par chondrectomie étagée thoracoscopique est à l’étude, même si la technique ouverte comprenant résections chondro-costales et sternotomie reste le gold-standard [3]

Références :

1 : Molik KA, Engum SA, Rescorla FJ, et al. Pectus excavatum repair: experience with standard and minimal invasive techniques. J Pediatr Surg. 2001;36:324–328

2 : Shamberger RC. Chapter 11: Repair of Pectus Excavatum. In: Prem P, Höllwarth M. Pediatric Surgery ,Springer-Verlag Ed. 6th Edition 2006

3: Goretsky MJ, Kelly RE, Croitoru D, Nuss D. Chest wall anomalies: Pectus Excavatum and Pectus Carinatum. Adolesc Med 15 (2004) 455–471

4: Lawson ML, Cash TF, Akers RA, Vasser E, Burke B, Tabangin M, et al. A pilot study of the impact of surgical repair on disease–specific quality of life among patients with pectus excavatum. J Pediatr Surg 2003;38:916–8

5: Martinez-Ferro M, Fraire C, Bernard S. Dynamic compression system for the correction of Pectus Carinatum. Seminars in Pediatric Surgery (2008) 17, 194-200

Enfin, pour ceux qui sont intéressés par l’aspect technique de l’intervention de Nuss, et en français !: Jouve JL. Correction du pectus excavatum de l’enfant et de l’adolescent par la technique de Nuss. In : Conférences d’enseignement de la SOFCOT 2010. Ed. Elsevier Masson SAS.