30 ans dans la vie des femmes

30 ANS DANS LA VIE DES FEMMES

L’IVG : un évènement fréquent… Pas un drame.

La régulation des naissances.

Pour un accompagnement médico-psycho-social respectueux.

 

Docteur Michèle RIFF

 

En France, les chiffres de l’IVG sont relativement stables et plutôt en diminution

(environ 200 000 par an).

 

Un peu moins d’une femme sur 2 s’y trouvera confrontée au moins 1 fois dans sa vie, ce qui prouve que les femmes françaises n’utilisent pas l’IVG comme moyen de contraception car dans ce cas les chiffres sont de 6 à 7 IVG par femme.

 

Alors bien sur on pourrait faire mieux à l’instar de pays comme le Canada ou la Finlande : avec une meilleure politique éducative mais également une meilleure gestion de la contraception et c’est là que la médecine générale est en première ligne pour mieux accompagner les femmes tout au long de leur vie contraceptive :

Quels conseils à propos des oublis de pilule ?

Pourquoi pas un stérilet chez une nullipare et avec quelle surveillance ?

Que penser de l’implant contraceptif ?

Et la stérilisation tubaire aujourd’hui ?

Quelques exemples parmi d’autres……

 

Ceci dit, même si on améliore la prise en charge, il y aura toujours des demandes d’interruption de grossesse.

Pourquoi ?

Et bien parce qu’on est ici de plein pied dans l’extrême complexité

du désir de grossesse qui est différent du désir d’enfant,

des enjeux de couple

des remous de l’inconscient

des antécédents de violence

des trains qui en cachent d’autres…….

 

Et là encore le MG est à une bonne place pour accompagner les femmes et les aider à donner un sens à cet événement. Il peut être difficile à vivre et soulever de multiples interrogations ou bien très simple, un accident de la vie comme un autre, voire même être l’élément sur lequel s’appuyer pour impulser des changements positifs.

 

Vous connaissez vos patientes, leurs histoires de vie, vous savez où les adresser pour qu’elles soient accueillies sans être maltraitées ni jugées, vous avez du temps devant vous pour les revoir et suivre leur cheminement, vous avez les correspondants qui peuvent travailler avec vous quand il faut aller plus loin …

 

…Pour que l’interruption de grossesse soit un événement faisant partie de la vie d’une femme et pas un drame.

 

Quelle contraception choisir en fonction du contexte ?

QUELLE CONTRACEPTION CHOISIR EN FONCTION DU CONTEXTE ?

Aidons la à choisir ?

 

Docteur Arnaud BONTE

 

121 rue Jacquemars Giélée Lille

Nouveau Planning Familial 16 avenue Kennedy Lille

 

La femme doit choisir…  aidée par son médecin.

Chaque situation est particulière.

Le but de la contraception est d’éviter une grossesse non désirée : une adhésion parfaite de la femme au choix est donc absolument nécessaire.

 

Ce résumé se contente d’insister sur des points importants et ne vise en aucun cas à l’exhaustivité concernant les contre-indications majeures qui sont sensées être connues de chacun (et qu’on peut retrouver dans nos chers Vidal®, Dorosz® ou autre)

 

Contraception Œstro-progestative

  • Adolescente : le premier choix reste la pilule.
  • L’alternative «pilule ou tabac il faut choisir» est scientifiquement non fondée. Le tabac est seul responsable de la sur-mortalité et de la sur-morbidité. La contraception œstro-progestative n’aggrave pas le sur-risque dû au tabac – sauf chez la femme de plus de 35 ans qui fume plus de 15 cigarettes par jour, à qui il est conseillé de proposer un DIU.
  • Les pilules de 2ème génération sont les pilules de premier choix «à priori» (Adépal®, Minidril®, Trinordiol®)
  • Les pilules de 3ème génération (Gestodène et Désogestrel) ou à base de Drospirénone (Jasmine®, Jasminelle®, Yaz® etc..) entrainent plus d’accident thrombo-emboliques et ne sont donc pas un premier choix.
  • La pilule a de nombreux effets bénéfiques souvent oubliés : régularisation du cycle, douleurs de règles atténuées, diminution du risque de cancer de l’ovaire et de l’endomètre, du colon..
  • La prise de poids est rarement (jamais ?) due à la pilule (mais à la détérioration des habitudes alimentaires) : ne pas oublier pour autant de proposer un DIU à une patiente qui resterait persuadée du contraire (il est possible que la pilule augmente l’appétit chez certaines).
  • D’une façon générale les contraceptions œstro-progestatives contribuent à une régularisation du cycle. Au contraire les contraceptions continues (vraies) et peu dosées favorisent une certaine anarchie du cycle (Nexplanon®, Cérazette®..)
  • La prescription de pilules faiblement dosées (15-20 microgramme d’Ethynil-œstradiol) ou micro-progestatives (Cérazette®) en vue de faire baisser le risque cardio-vasculaire (en particulier chez la fumeuse) ne repose sur AUCUNE base scientifique mais sur de simple spéculations et extrapolations non vérifiées par des études spécifiques. Par contre ces prescriptions exposent à des effets indésirables (dont des grossesses non désirées)
  • Le coût des pilules est à prendre en compte – surtout chez les jeunes femmes. Les grossesses non désirées dues à un arrêt de contraception pour raison financières ne sont pas un mythe.
  • Attention aux gastro-entérites !! Même sans vomissement, un trouble de l’absorption est probablement en cause. Les demandes d’IVG ne sont pas rares..
  • La dose de progestatif n’est pas comparable d’un progestatif à l’autre

 

Diane 35® (et ses génériques)

C’est un traitement efficace de l’acné dont l’efficacité contraceptive ne fait pas de doute (malgré l’absence d’AMM)

 

La Drospirénone (Jasmine®,Jasminelle®, Yaz® etc..)

C’est un dérivé de l’aldactone (diurétique) qui donc ne favorise pas une perte de poids (contrairement à ce que pensent certaines patientes) : intérêt limité (et coûteux) dans les œdèmes cycliques.

 

Pilules de 3ème génération et pilules faiblement dosées.

-   Le seul avantage clinique démontré des pilules de 3ème génération (sur les 2ème) concerne l’acné (pas le risque cardio-vasculaire, pas la prise de poids).

-   Les études ont montré une baisse des accidents thrombo-emboliques quand la dose d’Ethinyl-œstradiol est inférieure à 50. Mais rien n’a été démontré pour ce qui est des doses inférieures à 30-40.

-   La prescription de pilule très faiblement dosée (15 ou 20 microgramme) voire de micro-pilule progestative (Cérazette®) chez une jeune femme qui fume (en vue de limiter le risque cardio-vasculaire) n’a pas de fondement scientifique en 2012.

-   Les pilules très faiblement dosées exposent à un risque plus élevé de grossesse non désirée.

-   Les pilules très faiblement dosée  entrainent un risque de spotting, de tensions mammaires (par blocage hypophysaire insuffisant qui se traduit par une dystrophie ovarienne avec ovaires gros et sensibles et des mastodynies).

-   Une  contraception plus dosée (les anciennes minidosées comme Minidril® ou Adépal®) voire normodosée (il n’en existe plus qu’une : Stédiril®) doit être proposée dans ces cas.

 

Contraception progestative

Progestatifs Microdosés

1.Ne prescrire que Cérazette® -non remboursée- qui a une tolérance de retard de 12 heures, au lieu de 3 heures pour Microval® -remboursée- ou Milligynon®.

2.Ce ne sont pas des contraceptions de première intention et elles ne doivent être prescrite qu’en cas de contre-indication à une contraception œstro-progestative (antécédent d’accident thromboembolique, HTA, allaitement). Les effets indésirables sont assez fréquents car les cycles (et donc saignements) sont mal contrôlés : aménorrhée pouvant faire craindre une grossesse (assez stressant pour la patiente) ou au contraire saignements fréquents et imprévisibles. Les pilules micro-progestatives sont à éviter chez les femmes ayant des manifestations d’hyperœstrogénie relative : dystrophie ovarienne, mastodynie, mastopathie bénigne, hyperplasie de l’endomètre, fibromes utérins.

3.Rappel important : le risque de GEU est augmenté (par diminution de la mobilité tubaire).

 

Progestatifs Macrodosés.

  • Peu utilisés en France faute d’AMM (mais beaucoup plus dans d’autres pays). Il s’agit essentiellement du Lutéran® 10 et du Lutényl® à raison de 1 comprimé par jour 21 jours sur 28 (d’autres posologies sont possibles). Le risque d’oubli a moins de conséquence, l’efficacité est excellente. L’inconvénient majeur est une (possible) augmentation de l’appétit entrainant une prise de poids (moindre qu’avec les anciens progestatifs comme l’Orgamétril®). Autre effet intéressant : une diminution importante de l’abondance des règles avec maintien de la régularité du cycle, ainsi qu’une indication dans l’endométriose. Classiquement utilisés en préménopause. Y penser également en cas de contre-indication à un œstro-progestatif, quand les autres solutions (Nexplanon®, Cérazette®, DIU) posent problème (ça arrive..)
  • Contrairement aux Progestatifs Microdosé (Cérazette®), en préménopause, les Progestatifs Macrodosés améliorent : syndrome prémenstruel, mastodynie, dysménorrhée, irrégularité menstruelle.
  • L’acétate de cyprotérone (Androcur®) a une réelle efficacité sur l’hirsutisme (et bien sûr, sur l’acné). Il est conseillé de l’associer avec un œstrogène naturel percutané (comme dans la ménopause) (par exemple Dermestril® ou Œsclim 50®) pris conjointement 21 jours sur 28
  • Pour mémoire : Diane 35® = 2 mg (acétate de cyprotérone) Androcur® = 50 mg

 

Nexplanon®.

  • Efficacité maximale (pas d’oubli possible) mais mêmes remarques que pour Cérazette®. Ce n’est officiellement pas une contraception de première intention. Noter que la tolérance de Cérazette® concernant les règles  ne permet absolument pas de prévoir la tolérance de Nexplanon® (trop abondantes et n’importe quand ou au contraire absente). Le mauvais contrôle du cycle est la cause principale de demande de retrait (le retrait n’est pas si difficile que ça, s’il n’a pas été posé trop profond)(voir sur internet : Retrait IMPLANON® – Le Petit Journal du Geekologue de Campagne )
  • Les saignements mal tolérés sous Nexplanon® peuvent être contrôlés par :
  • La prise d’Exacyl® ou de Ponstyl® (si le problème est ponctuel)
  • L’adjonction de Cérazette® pendant 1 ou 2 mois (pas d’AMM, bien sûr, pour ces «trucs de cuisine»)

 

Contraceptif injectable

Peu utilisé en France où il est réservé, de fait, à une population particulière (psy)

Dépo-Provera® (1 injection tous les 3 mois) peut parfois servir (coût dérisoire, pas d’oubli, invisibilité, pas de retrait à faire contrairement à l’implant). Utilisation marginale.

 

 


 

Oublis de pilule.

 

C’est un problème fréquent dont les conséquences peuvent être

dramatiques. Quelques solutions possibles en prévention :

 

  1. Eviter les produits à risque élevé : pilule trop peu dosée (très à la mode mais sans aucune preuve d’intérêt clinique pour les patientes..sauf les grossesses non désirées), et micro-pilule progestative (sauf nécessité)
  2. Une contraceptions différente : DIU, Nexplanon®, patch (Evra®), anneau intra-vaginal (Nuvaring®)
  3. Donner une information sur la conduite à tenir en cas d’oubli de pilule (si possible écrite, par exemple en l’imprimant sur l’ordonnance de la pilule)
  4. Suggérer de prendre la pilule le matin (plutôt que le soir) :1) les automatismes du matin font que les médicaments pris le matin sont moins souvent oubliés, 2) en cas d’oubli à 8h on peut y penser à 9h à 10h etc.. (écart de prise limité), 3) la prise de la pilule n’est plus associée à l’activité sexuelle.
  5. Prévoir une contraception d’urgence si la patiente pense que ça peut lui être utile (rappeler également que le DIU est une contraception d’urgence jusqu’à 5 jours )
  6. Norlevo®, le contraceptif d’urgence est aussi efficace que son concurrent plus coûteux (Ellaone®) mais malgré tout pas extraordinaire (compter 25% d’échec) : plus tôt pris = plus efficace

 

Quelques remarques sur les contre-indications des œstro-progestatifs :

  • Les varices et phlébites superficielles ne sont pas une contre-indication aux œstro-progestatifs.
  • Une HTA gravidique (non persistante) n’est pas une contre-indication aux œstroprogestatifs.
  • Ne sont PAS des contre-indications, sauf s’ils sont associés entre eux :
  • Tabac > 15 cigarettes / jour
  • âge > 35 ans
  • Obésité
  • Diabète sans complication
  • Migraine sans aura (il faudra cependant changer de mode de contraception si les migraines augmentent) : c’est une (rare) bonne indication pour une pilule faiblement dosée en œstrogènes ou à l’œstrogène naturel (Qlaira® ou Zoély®)

 

  • Restent des contre-indications formelles :
  • antécédent de migraine avec signes neurologiques focaux.
  • HTA en cours même équilibrée.
  • Diabète avec complication (rétinopathie, néphropathie, neuropathie..)
  • Et, bien entendu, les contre-indications classiques (voir Dorosz® et Vidal®)

 

  • Attention aux interactions avec les inducteurs enzymatiques !
  • Ne pas oublier d’arrêter une pilule œstro-progestative lors d’une immobilisation (plâtre) et la remplacer par une micro-pilule progestative

 

 

DIU

 

  • Le DIU peut être utilisé chez les adolescentes
  • L’efficacité du DIU n’est PAS diminuée par la prise d’AINS.
  • Le DIU est une contraception d’urgence jusqu’à 5 jours.
  • Le DIU DIMINUE le risque de GEU
  • Des MG posent des DIU (avis aux amateurs..)
  • Le DIU est sous-utilisé en France.

 

 

Le DIU peut être utilisé chez les adolescentes et les nullipares : mais attention au risque de stérilité tubaire par infection pelvienne  d’autant que le risque d’IST est plus élevé à cet âge et que ces patientes consultent plus tardivement en cas de problème. (discussion avec la patiente et mise en garde)

 

Le DIU n’augmente pas par lui-même le risque de stérilité tubaire mais le risque de maladie inflammatoire pelvienne est avéré (surtout dans les 3 semaines qui suivent la pose) donc :

  • Il faut dépister Chlamydiae par PCR avant la pose, chez les femmes à risque – femmes jeunes, partenaires multiples -, (sur prélèvement ou par 1er jet urinaire).
  • Rechercher une infection génitale haute récente.
  • Asepsie rigoureuse lors de la pose.
  • La prescription concomitante d’un antibiotique est sans intérêt (multiples études).

 

Le DIU DIMINUE le risque de GEU (10 fois moins de GEU qu’en l’absence de contraception).

 

DIU au Cuivre ou Mirena® (au Lévonorgestrel) ?

Efficacité identique, valables 5 ans officiellement (7 en réalité pour les DIU au cuivre)

  • Cuivre : règles plus abondantes (et pas d’hormones : certaines femmes sont sensibles à cet argument)
    • Mirena® : règles moins abondantes (voire aménorrhée), coût plus élevé, possibilité d’effets indésirables hormonaux (prise de poids, acné, tension mammaire, kystes fonctionnels ovariens)

Laisser la femme choisir..comme d’habitude.

Mirena® = 125,37 € remboursables à 65 %

stérilets au cuivre = 30,65 € remboursé à 65 %

 

Immédiatement après une IVG ou suite à un accouchement : pose dans les 48 heures ou après 4 semaines.

Sinon, peut être inséré à n’importe quel mot à tout moment du cycle en l’absence de grossesse.

Contre-indication peu nombreuses : infections bactériennes gynécologiques en cours cavité utérine fortement déformée, saignements vaginaux inexpliqués, cancer du col utérin ou de l’endomètre. Mirena® est à bannir en cas de cancer du sein.

Alternative de choix aux œstro-progestatifs : pour raisons médicales ou par difficulté d’observance.

 

 

Faciliter la pose par une prémédication: (exemple de produits, pouvant être modifiée)

  • La veille au soir  une BZD : Bromazépam ½ (à visée anxiolytique et myorelaxante)
  • 2 heures avant la pose, un AINS : Naproxène 550 mg
  • Avant la pose de la pince : petite anesthésie locale du col : Xylocaïne 1% quelques cc

 

Hystérométrie avec un hystéromètre jetable (inclus avec certains DIU mais pas Mirena®)

 

Il n’existe pas sur le plan réglementaire, de contraintes d’équipement spécifique pour le médecin qui pose les dispositifs intra-utérins.

 

Contrôle 4 à 6 semaines plus tard : vérifier l’absence de douleur (infection pelvienne) et l’absence d’expulsion

 

Expulsion plus fréquente chez les nullipares : 2 à 8 %

L’utilisation d’un DIU est possible sous anticoagulants.

Ne pas oublier de se protéger des infections sexuellement transmissibles

 

La contraception définitive

Un délai de 4 mois est légal avant sa réalisation.

Ligature de trompe, procédé Essure®, Vasectomie..

 

Quelques remarques sur le suivi :

Biologie :

  • Recommandation actuelles : tous les 5 ans
  • Arrêter une pilule sous prétexte d’une légère ascension du taux de cholestérol est une erreur (balance bénéfice-risque catastrophique à cause du risque de grossesse)
  • L’ascension du taux de cholestérol est le plus souvent en rapport avec une augmentation du HDL cholestérol (protecteur) : il est judicieux de demander directement une «exploration du risque lipidique» pour éviter ce type d’écueil
  • Une sérologie de la rubéole permet de vacciner les femmes non immunisées à une période où aucune grossesse n’est envisagée.
  • Conclusion : ordonnance-type de suivi (suggestion) : glycémie + EAL + sérologie rubéole

 

Examen gynécologique :

  • Il est proposé (et non imposé !) une fois par an.
  • Il est motivé par l’existence d’une activité sexuelle et non en rapport avec la prise d’une contraception (sauf DIU)

 

Le Frottis de dépistage du cancer du col:

  • Tous les 3 ans (si le précédent est normal) (sauf les 2 premiers : à un an d’intervalle)
  • À partir de 25 ans +++ (plus tôt, la fréquence élevée d’anomalies TRANSITOIRES va être la source d’une surmédicalisation coûteuse et délétère : risque de conisations indues avec toutes les conséquences sur des grossesses futures)

 

 

 

 

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Ce qu’il faut retenir

 

  • Les pilules de première intention sont les bonnes vielles pilules de 2ème génération
  • Le DIU peut être utilisé chez les adolescentes
  • Pilule + Tabac = pas pire que Tabac tout seul (sauf chez les femmes > 35 ans fumant > 15 cigarettes / jour)
  • Pilule moins dosée, ne veut pas dire moins d’effets indésirables (attention aux effets de mode)
  • Les AINS ne sont pas contre-indiqués en cas de DIU

 

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Le risque de thrombose de la prise de pilule

 

Une étude cas-témoins rétrospective MEGA (Dutch Mega study) a été conduite aux Pays-Bas chez 1 524 sujets versus 1 760 témoins [7], Le risque relatif (RR) moyen de thrombose sous pilule est de 5, mais différent selon le progestatif associé :

– EE + lévonorgestrel (LNG) : 3,6 [3,7-4,6], – EE + gestodène (GSD) : 5,6,
– EE + désogestrel (DSG) : 7,3,
– EE + acétate de cyprotérone (CPA) : 6,8, – EE + drospirénone (DRSP) : 6,3.

 

 

L’AFSSAPS fait le point sur le risque de thrombose de la prise de pilule. C’est résumé en une phrase : pour 100 000 femmes par an, la grossesse génère 60 accidents thromboemboliques, les pilules à base de lévonorgestrel (2ème génération) environ 20 cas, les pilules à base de désogestrel ou de gestodène (3ème génération) ou à base de drospirénone (4ème génération) environ 40 cas et les femmes non utilisatrices de pilules 5 à 10 cas. Dans 1 à 2 % des cas, les accidents thromboemboliques veineux sont d’évolution fatale.

 

HTA et Pilule

Une conférence de consensus de la Société française d’endocrinologie (SFE) en 2010 sur la contraception des femmes à risque signalait que, chez les hypertendues, les œstro-progestatifs – quelle que soit la voie d’administration – ne sont pas des molécules de première intention. La contre-indication est relative chez les femmes âgées de moins de 35 ans, traitées et équilibrées, sans complication ni autre facteur de risque. Elle est absolue dans tous les autres cas. À noter aussi que les œstro-progestatifs ne sont pas contre-indiqués chez les femmes ayant un antécédent d’HTA gravidique sans aucune séquelle

 

 

  • Indications et contre-indications des méthodes contraceptives vues par l’OMS : http://whqlibdoc.who.int/hq/2008/WHO_RHR_08.19_fre.pdf
  • Mise à jour : http://whqlibdoc.who.int/hq/2008/WHO_RHR_08.17_fre.pdf

 

Sources : HAS, AFSSAPS, OMS, Dorosz (principalement)

 

J’ai fait le choix volontaire de citer les noms de marque (quand ils me semblent mieux connus et moins apte à induire des confusions que les DCI) afin de faciliter la compréhension.

 

Lymphoceles suite à la chirurgie du cancer du sein

LYMPHOCELES SUITE A LA CHIRURGIE DU CANCER DU SEIN

Une ponction à réaliser au cabinet médical. 

Docteur Marie-Pierre CHAUVET

 

SEROME (LYMPHOCELE)

 

Contexte

Le cancer du sein touche actuellement une femme sur 8 en France, avec une sur-incidence dans notre région.

Le dépistage organisé augmente régulièrement le nombre de cas pris en charge au stade infra-clinique.

De ce fait, la chirurgie reste pour la très grande majorité des cas la première étape du traitement.

Ce type d’intervention entraine très souvent la formation de sérome (appelé lymphocèle) nécessitant souvent des ponctions évacuatrices réalisées par les chirurgiens le plus souvent, ou parfois par des infirmières, par transfert de compétence.

Les médecins généralistes sont de plus en plus souvent amenés à prendre en charge ces patientes au décours du geste chirurgical après, le plus souvent, une hospitalisation courte (48h pour un traitement conservateur).

Ils peuvent être également des partenaires précieux pour réaliser ces ponctions. Ceci permettant d’une part de soulager les patientes en limitant leurs déplacements et d’autre part, de répondre aux demandes des instances en développant des soins de proximité.

Physiopathologie

La formation de sérome plus fréquemment dénommé « lymphocèle », est connue comme étant un phénomène extrêmement fréquent après chirurgie mammaire en particulier carcinologique. Il s’agit d’une réaction physiologique correspondant à une transsudation de sérum dans une zone de décollement non physiologique. Ce comblement liquidien sera secondairement remplacé par un tissu fibreux cicatriciel donnant au bout de quelques semaines un aspect cliniquement induré de la zone opérée souvent mal vécu par les patientes (crainte de la tumeur qui « repousse ») et qui disparait au bout de quelques semaines.

Les facteurs de risque de survenue de sérome sont surtout liés à un BMI élevé et au type de geste réalisé.

Les sites de ponctions concernent donc essentiellement:

-        Les mastectomies totales

-        Les curages axillaires

-        Les reconstructions par lambeau de grand dorsal (loge dorsale)

-        Les mastectomies partielles (à ne ponctionner qu’en cas de douleur, en raison du risque de déformation ultérieure du sein)

Clinique

D’un point de vue clinique, le sérome se manifeste par une collection rénitente responsable d’inquiétude, d’inconfort et parfois de douleur chez les patientes concernées. Du fait de la tension qu’elle entraine, elle s’accompagne souvent d’une réaction inflammatoire localisée, parfois importante.

Ces séromes sont très souvent pris à tort pour des abcès et c’est la raison pour laquelle, bon nombre de ces patientes sont traitées par antibiothérapie.

Il est important de connaitre ce phénomène qui ne se traduit que par une réaction inflammatoire qui s’améliorera très rapidement après réalisation d’une ponction évacuatrice.

En l’absence de fièvre, traduisant probablement une infection, la ponction sera le seul geste à envisager en première intention chez toute patiente présentant une collection non infectée en période postopératoire.

Cette collection sera localisée au niveau du sein opéré (le plus souvent après mastectomie totale mais parfois après traitement conservateur) ou au niveau du creux axillaire (en cas de curage axillaire presque constamment).

L’échographie ne sera d’aucun recours, ne faisant que confirmer le caractère liquidien que l’on avait déjà diagnostiqué à l’examen clinique !

Cette ponction est également le meilleur moyen de faire le diagnostic entre abcès (qui relèvera d’une mise à plat chirurgicale) et sérome (traitable par ponctions éventuellement itératives) en montrant la couleur du liquide.

 

Technique

La ponction de sérome est un geste simple qui peut être réalisé au cabinet médical dans de bonnes conditions.

  • Matériel nécessaire
    • Seringue de 30 ou 50 cc
    • Trocart  18G  (ou IM verte si doute sur la poche, mais ne permet pas d’évacuer)
    • Compresses stériles
    • Antiseptique
    • Gants stériles
    • Verre à pied gradué

Elle nécessite, après désinfection locale de la zone rénitente, de ponctionner jusqu’à épuisement et en douceur, à l’aide du trocart, le liquide pouvant être légèrement épais.

 

Un examen bactériologique doit être demandé devant :

  • un liquide trouble
  • en cas d’érythème très important
  • systématiquement avant toute prescription d’antibiotiques (antistaphylococcique).

Il est inutile de demander des examens cytologiques sur le liquide

En cas de fièvre associée, le diagnostic pourra être facilement confirmé par une ponction cette fois à visée diagnostique confirmant le caractère purulent de la collection.

Le rythme des ponctions est variable selon les cas et les symptômes. Jusqu’à parfois 2 par semaine les premières semaines, une ponction hebdomadaire peut se révéler rapidement suffisante.

Il convient d’interrompre ces ponctions en deçà de 50-70cc en l’absence de signe fonctionnel du fait du risque, d’une part d’infection et d’autre part de pérenniser la lymphorrhée.

Les médecins généralistes ont un rôle important à jouer dans cette prise en charge en soulageant ses patientes de façon simple et efficace.

Le chirurgien doit bien évidemment rester facilement accessible en cas de doute ou de problème. Une organisation « médecin/hôpital » est peut être à réfléchir dans le domaine de la chirurgie carcinologique mammaire pour un partenariat encore plus efficace et économique.

 

Correction des déformations thoraciques de l’enfant

CORRECTION DES DEFORMATIONS THORACIQUES DE L’ENFANT

Nouvelles techniques : qui opérer et quand ? 

Docteur Eric NECTOUX

I)               INTRODUCTION : Déformations thoraciques les plus fréquentes

Si l’on excepte les déformations ponctuelles dues à des malformations isolées de telle ou telle structure chondro-costale, les déformations globales de la cage thoracique peuvent être regroupées en trois grandes catégories :

-       Le pectus excavatum, ou thorax en entonnoir, présente à décrire une diminution du diamètre antéro-postérieur du thorax, donnant un aspect enfoncé du sternum par rapport au grill costal. Celui-ci se rencontre chez environ 1 à 8 pour 1000 enfants selon les séries publiées, et ce, la plupart du temps, dès la naissance ou dans les premiers mois de vie [1]. Le pectus excavatum rend compte de 85% des déformations thoraciques rencontrées en France. Il concerne en moyenne 4 garçons pour 1 fille. L’étiologie exacte reste inconnue. La théorie la plus communément admise consiste en un excès de longueur des cartilages de croissance costaux, ce qui projetterait en arrière le sternum. A noter une association fréquente avec le syndrome de Marfan, qu’il conviendra de suspecter si d’autres signes sont présents (patient longiligne, arachnodactylie, luxation du cristallin, scoliose, souffle cardiaque…etc.) et avec une scoliose, présente dans 25% des cas environ [2].

-       Le pectus carinatum, ou thorax en carène, présente à décrire une augmentation du diamètre antéro-postérieur du thorax, avec une proéminence du sternum par rapport au grill costal. Beaucoup plus rare en France, il ne représente que 10 à 15% des déformations thoraciques, alors qu’il est retrouvé dans 50% des cas dans les pays sud-américains. L’étiologie n’est pas non plus connue, mais le même mécanisme est suspecté, l’excès de longueur provoquant cette fois ci une projection en avant du sternum.

-       Le pectus arcuatum ou syndrome de Currarino-Silverman, ne rend compte que d’environ 1% des déformations globales du thorax. Il s’agit d’une forme de pectus carinatum des 2 à 3 premières côtes, qui se prolonge par un pectus excavatum sous-jacent. Très rare, il n’est pas décrit dans cet exposé.

 

Toutes ces différentes entités sont évolutives. Parfois, l’évolution va en s’aggravant dès les premiers mois de vie, parfois, il apparait une relative stabilité de la malformation, et c’est pendant le pic de croissance pubertaire que la malformation va subitement s’aggraver. En effet, le volume du thorax va croître de 50% d’un coup en un à deux ans pendant ce pic de croissance.

 

II)              PECTUS EXCAVATUM

1)     Qui opérer ? [3]

Différents critères doivent être évalués avant de décider d’une intervention. Souvent sont retrouvées les constatations suivantes :

-        à l’inspection clinique un creux de plus de 3cm fait l’objet le plus souvent d’une correction chirurgicale

-        l’enfant fait part de plaintes fonctionnelles : intolérance à l’effort, essoufflement, douleurs parasternales…

-        à l’auscultation, présence d’un souffle cardiaque éventuel

-        gêne esthétique

Dans ce cas, il parait licite de proposer un bilan complémentaire. Il faut rappeler à l’enfant et à ses parents qu’une indication opératoire absolue pour raisons fonctionnelles cardio-respiratoires n’est retenue que dans 5% des cas. Toutefois, une participation de symptômes cardio-pulmonaires, mêmes mineurs, à la décision, est fréquente. Il n’en reste pas moins que l’indication est plutôt esthétique que fonctionnelle dans 95% des cas.

Le bilan comprend :

-        une radiographie standard de thorax de face et de profil : elle permet d’évaluer s’il existe des zones d’atélectasie, de s’assurer de l’absence de malformations de segmentation costales, d’évaluer l’enfoncement sternal.

-        des Explorations Fonctionnelles Respiratoires : les EFR vont permettre de quantifier le syndrome restrictif dû au pectus, d’objectiver une éventuelle compression bronchique voire trachéale en mesurant le coefficient de Tiffeneau. Chez l’enfant sportif, le retentissement en situation d’effort peut être également exploré afin d’objectiver la sensation d’inconfort en situation d’effort sous-maximal.

-        une échocardiographie : elle permet d’objectiver la compression cardiaque droite qui est source de gêne au remplissage droit, et participe ainsi à l’explication de la sensation d’intolérance à l’effort. Elle permet aussi de s’assurer de l’absence d’anomalies valvulaires, notamment de prolapsus de la valve mitral, et permet également de repérer des anomalies du rythme cardiaque. Le syndrome de Wolff-Parkinson-White est retrouvé fréquemment chez les patients porteurs de pectus excavatum.[4]

-        une TDM thoracique qui permet au chirurgien de mesurer l’index de Haller qui est le rapport de la plus grande largeur du thorax sur la plus petite profondeur du thorax. Idéalement inférieur à 2, cet index doit être supérieur à 3 pour indiquer de manière formelle la chirurgie. La TDM permet aussi au chirurgien de s’assurer de l’absence d’anomalie entre le sternum et le cœur dans l’optique de réaliser une correction thoracoscopique. En raison de l’irradiation du scanner, il est préférable d’avoir un faisceau d’arguments cliniques et paracliniques au préalable avant d’en demander la réalisation en premier lieu.

Il est également souhaitable de disposer de l’avis d’un psychologue pour toute demande esthétique pure, en raison de la lourdeur du geste chirurgical. Il ne faut pas oublier que les adolescents traversent tous une période de changement d’image corporelle, et qu’ils sont souvent peu satisfaits de cette image. Nous proposons toujours une entrevue avec notre psychologue, et la décision d’opérer ne se fait jamais au premier rendez vous. Il ne faut pas hésiter à voir et revoir les patients avant de prendre la décision.

Enfin, il est important de s’assurer de la bonne compréhension et de l’acceptation des risques inhérents à la chirurgie par le patient et sa famille avant d’opérer.

2)     La technique de Nuss

Auparavant, les techniques employées faisaient appel à des résections chondro-costales, la plus connue étant la technique de Ravitch modifiée par le Pr Würtz à Lille. Cette technique reste indiquée chez les patients adultes avec un thorax très rigide, ou pour les malformations complexes avec asymétrie thoracique majeure et rotation sternale. En effet, cette technique a l’avantage de corriger parfaitement tous types de déformations, sachant qu’un réglage fin de la longueur de chaque côte peut être réalisé. En revanche, elle nécessite une incision bi-sous mammaire ou bi-sous-pectorale qui parfois cicatrise de manière hypertrophique. Dans ce cas la rançon cicatricielle ne fait finalement que déplacer le problème esthétique.

Donald Nuss, à Norfolk en Virginie aux Etats Unis, a eu l’idée de corriger la déformation en poussant le sternum en avant, à l’aide d’une barre métallique introduite en thoracoscopie, concavité en avant. En retournant cette barre, on obtient un système d’appui trois points côte-sternum-côte relativement stable. Cette technique profite ainsi de la grande souplesse du thorax de l’enfant et de l’adolescent. Pour cette raison, la technique de Nuss n’est pas conseillée chez l’adulte. De même, il semble que l’âge minimal de 12 ans soit préférable pour faire cet intervention, afin de prévenir tout risque de limitation de croissance du thorax, ou d’éviter de devoir réopérer l’enfant plusieurs fois pour accompagner la croissance. Le thorax étant très mobile de nature, il convient de stabiliser la barre de différentes manières : stabilisateurs latéraux, fixation costale, doublement de la barre, combinaison de ces techniques.

Principe de l’intervention de Nuss : le retournement d’une barre concave

 préalablement formée repousse le sternum en avant.

Le patient doit toujours être prévenu des complications principales de la technique. Outre l’infection, comme pour toute intervention orthopédique, il convient de signaler la très rare mais très redoutable perforation cardiaque, ainsi que le fréquent mais décevant déplacement secondaire de la barre (5 à 10%), quand bien même elle a été solidement fixée. La chirurgie de reprise est toujours possible mais plus difficile. L’attente psychologique des patients est telle que la déception dans ces cas là est toujours très importante.

Enfin, cette technique ne corrige pas l’anatomie car elle ne fait que repousser des cartilages de croissance trop longs en avant. Il est nécessaire de garder la barre en place deux à trois ans afin d’attendre une conformation définitive des cartilages costaux. Toute activité physique est interdite les trois premiers mois à l’exception d’exercices d’inspiration forcée pour développer les poumons et éviter les atélectasies postopératoires. Tout choc violent doit également être évité après trois mois même si le risque de déplacement est devenu alors beaucoup plus faible : sports de combats, traumatismes de la ceinture de sécurité, chutes avec impact sternal…

 

III)            PECTUS CARINATUM

Les indications chirurgicales pour pectus carinatum sont beaucoup plus rares. En effet, la carène répond très bien à la correction orthopédique par compression. Encore actuellement cette compression est réalisée à l’aide de corsets orthopédiques comprenant des appuis sternaux en mousse. L’ajout régulier de mousse permet la correction progressive du pectus en 6 mois à un an. L’idéal est de commencer le traitement tant qu’il reste de la croissance thoracique, au mieux pendant le pic de croissance pubertaire.

Récemment, un système de compression dynamique a été mis au point en Amérique du Sud [5] et sera prochainement disponible en France. Il consiste en une brassière permettant la compression du sternum, en laissant la possibilité au thorax de regagner en largeur ce qu’il perd en antéro-postérieur.

A titre indicatif, citons dans les cas de thorax très raides qui ne répondent pas à la compression externe la correction par chondrectomie étagée thoracoscopique est à l’étude, même si la technique ouverte comprenant résections chondro-costales et sternotomie reste le gold-standard [3]

Références :

1 : Molik KA, Engum SA, Rescorla FJ, et al. Pectus excavatum repair: experience with standard and minimal invasive techniques. J Pediatr Surg. 2001;36:324–328

2 : Shamberger RC. Chapter 11: Repair of Pectus Excavatum. In: Prem P, Höllwarth M. Pediatric Surgery ,Springer-Verlag Ed. 6th Edition 2006

3: Goretsky MJ, Kelly RE, Croitoru D, Nuss D. Chest wall anomalies: Pectus Excavatum and Pectus Carinatum. Adolesc Med 15 (2004) 455–471

4: Lawson ML, Cash TF, Akers RA, Vasser E, Burke B, Tabangin M, et al. A pilot study of the impact of surgical repair on disease–specific quality of life among patients with pectus excavatum. J Pediatr Surg 2003;38:916–8

5: Martinez-Ferro M, Fraire C, Bernard S. Dynamic compression system for the correction of Pectus Carinatum. Seminars in Pediatric Surgery (2008) 17, 194-200

Enfin, pour ceux qui sont intéressés par l’aspect technique de l’intervention de Nuss, et en français !: Jouve JL. Correction du pectus excavatum de l’enfant et de l’adolescent par la technique de Nuss. In : Conférences d’enseignement de la SOFCOT 2010. Ed. Elsevier Masson SAS.

 

Les troubles de la marche chez l’enfant

LES TROUBLES DE LA MARCHE CHEZ L’ENFANT

Pieds dedans, pieds dehors, genoux dedans, genoux dehors.

 

Docteur Eric NECTOUX

Département de Chirurgie et Orthopédie de l’Enfant, Pôle Enfant

CHRU LILLE, Hôpital Jeanne de Flandre

Avenue Eugène Avinée 59037 LILLE Cedex

Eric.nectoux@chru-lille.fr

Les troubles de la marche de l’enfant sont le pain quotidien de l’orthopédiste pédiatre, étant le motif de consultation le plus fréquent. Ce dernier n’est qu’exceptionnellement en rapport avec une plainte de l’enfant, en revanche l’inquiétude parentale prime : « il tombe tout le temps », « il s’emmêle les pieds ». Après un bref rappel de la croissance physiologique de l’enfant, nous envisagerons les principales pathologies et les conduites à tenir.

 

I)              PIEDS DEDANS, PIEDS DEHORS

1)    Développement normal de la torsion des os longs du membre inférieur [1]

L’orientation des pieds en station debout immobile mais aussi à la marche est fonction de la torsion des deux segments du membre inférieur, fémoral et tibial.

La torsion fémorale se définit par l’angle formé entre le plan col-tête du fémur avec le plan frontal bicondylien. Orienté en avant, cet angle est de 35° à la naissance, et se stabilise entre 10 et 15° à la fin de la puberté. Ainsi, en cas d’antéversion du col fémoral (=antétorsion fémorale), le plan bicondylien va se retrouver orienté en dedans (genoux qui louchent).

La torsion tibiale se définit par l’angle formé entre le plan frontal du genou et le plan passant par l’axe bimalléolaire. Cet angle nul à la naissance, atteint 20 à 30° en fin de puberté en raison de l’apparition progressive d’une torsion tibiale externe physiologique. Genou au zénith, toute hypertorsion tibiale externe ou toute torsion tibiale interne excessive va porter le pied en dehors ou en dedans.

Ces deux torsions, ainsi que leurs variantes pathologiques, peuvent s’associer.

2)    Examen clinique [2]

Les troubles de l’orientation des pieds se démasquent mieux à la marche. L’enfant à tendance à corriger son trouble en se sachant observé, et il faut toujours essayer de lui détourner l’attention plutôt que de le faire marcher « comme pour un défilé de mode ». Il faut regarder l’axe des genoux qui doivent être « droit devant » plutôt qu’orientés en dedans ou en dehors. L’axe du pas doit être neutre ou légèrement en dehors de 10°. Le saut monopodal (après 5 ans) entraîne une accentuation des troubles.

La torsion fémorale s’apprécie en décubitus ventral hanche en extension complète et genou fléchi à 90°. Normalement on retrouve un volant d’amplitudes de 45° en rotation interne et externe. En cas d’hyperantéversion du col fémoral, il est possible d’amener la jambe en dehors dans le plan de la table d’examen (rotation interne+++), alors qu’il est difficile de gagner plus d’une dizaine de degrés en rotation externe.

La torsion tibiale s’apprécie en décubitus dorsal, genou au zénith. La ligne bimalléolaire donne alors le sens et l’importance de la torsion jambière.

Enfin l’examen des pieds s’assure qu’il n’y a pas d’anomalies coexistantes, notamment un metatarsus varus du jeune enfant qui peut donner le change avec une torsion tibiale interne au premier abord.

3)    Examens complémentaires

Ils sont exceptionnellement utiles. Chez l’enfant qui apprend à marcher, il est classique de demander une radiographie de bassin pour ne pas méconnaître une subluxation congénitale de hanche uniquement en cas de forte hyperantéversion dite du col fémoral. La mesure radiologique par TDM, ou plus récemment par stéréoradiographie EOS [3], reste de l’indication du chirurgien orthopédiste, qu’à titre préopératoire, le cas échéant.

4)    Attitude thérapeutique pour les pieds en dedans [4]

a)     Augmentation de la torsion fémorale

C’est le plus fréquent vice de torsion (70% des consultations  pour pieds qui tournent). Il est responsable des rotules qui louchent avec un faux aspect de genu varum. En première approche, il faut viser à supprimer la position assise en W dite « en grenouille ». Dans un tiers des cas, la correction est spontanée jusque vers 15 ans, dans 20% des cas la démarche en rotation interne persiste. Dans 50% des cas environ, le trouble disparait malgré la persistance de l’anomalie architecturale fémorale, grâce à une hypertorsion tibiale externe compensatrice. Dans les cas très sévères et très gênants, une ostéotomie de dérotation peut être pratiquée après l’âge de 8 ans (globalement 1 cas sur 1000).

b)    Torsion interne de jambe

Elle se rencontre chez le jeune enfant (2-3 ans), qui n’a pas commencé sa torsion tibiale externe physiologique. Il faut essayer de supprimer la position assise pieds sous les fesses dite « en prière mahométane ». Ce trouble se corrige tout seul jusqu’à 7 ans environ dans la grande majorité des cas. Exceptionnellement il est indiqué de confectionner des attelles nocturnes avec chaussons de mise en rotation externe. Si le trouble est encore constaté tardivement à l’adolescence, une dérotation de jambe peut être indiquée (là encore de manière très exceptionnelle).

 

5)    Attitude thérapeutique pour les pieds en dehors [4]

 

a)     Coxa retrorsa

Cette rétroversion du col fémorale est rare, caractérisée par des rotules et des pieds orientés en dehors. Cette anomalie se découvre souvent tardivement vers 12-15ans. Cette situation clinique doit pour autant TOUJOURS faire suspecter en premier lieu la bien plus fréquente épiphysiolyse fémorale supérieure de l’adolescent. Il est conseillé dans ce cas de faire pratiquer une radiographie de bassin de face et de hanche de profil selon Dunn. Une correction chirurgicale n’est qu’exceptionnellement nécessaire en fonction des troubles.

b)    Hypertorsion tibiale externe

Elle se définit par une torsion tibiale externe de plus de 55° environ. Cette fois ci, si l’anomalie est isolée, l’angle du pas est exagéré mais les rotules sont dans l’axe.

Souvent cette anomalie correspond très souvent à la correction sous-jacente de l’hyperantéversion du col fémoral évoquée en 4)a). On a alors une « triple déformation » avec hyperantéversion du col fémoral, genoux en dedans, et pieds en dehors. La quadruple ostéotomie de correction, très lourde, n’est qu’exceptionnellement proposée en l’absence de gêne majeure.

6)    Conclusion

La démarche pieds en dedans ou en dehors est donc expliquée par un trouble de torsion des segments jambiers sus-jacents, isolé ou combiné. Ce trouble disparait presque toujours spontanément, ou du moins se corrige de manière à ne pas provoquer de gêne chez l’enfant. Ces pieds qui tournent ne nécessitent donc une consultation spécialisée qu’en cas de persistance du trouble, de gêne importante, ou si le médecin traitant habituel de l’enfant tient à éliminer une possible cause pathologique sous-jacente (épiphysiolyse fémorale supérieure, malformation de membre, séquelle de traumatisme, pathologie centrale…etc.…)

 

II)            GENOUX DEDANS, GENOUX DEHORS

1)    Croissance normale des membres inférieurs. [5]

Comme les déviations de l’axe du pied, les déviations axiales du genou dans le plan frontal sont extrêmement fréquentes chez l’enfant. Le genu varum est physiologique chez le nouveau-né en raison d’une arcuature tibiale frontale. Il doit avoir disparu vers 2 ans. Ensuite apparait un valgus fémoro-tibial jusque vers l’âge de 5 ans, qui va ensuite se résorber. Le morphotype incriminé est souvent retrouvé dans la famille.

Chez le préadolescent, on retient le diagnostic de genu varum au-delà de 4cm d’écart intercondylien (EIC), et le diagnostic de genu valgum au-delà de 8cm d’écart inter-malléolaire (EIM).

Il est primordial de pouvoir classer ces déformations très tôt dans un des deux grands groupes d’anomalies du plan frontal : idiopathique(de loin le plus fréquent) et secondaire (maladies génétiques, épiphysiodèse post-traumatique ou post-infectieuse, vasculaires, infirmité motrice cérébrale a minima…)

2)    Examen clinique [6]

A la marche, on peut noter si les genoux se touchent ou se croisent.

A l’examen statique, il faut placer l’enfant debout rotules de face. On mesure ensuite l’EIC malléoles internes au contact, ou l’EIM condyles fémoraux médiaux au contact. Il faut ensuite répéter ces mesures couché, rotules au zénith. Cette surveillance simple montre, en cas de stabilité des mesures avec la croissance, une correction du trouble.

Il convient également de noter si des troubles de torsion des segments fémoral et tibial sont présents (cf I)2) ).

3)    Examens complémentaires

Il est préférable de réaliser un pangonogramme debout rotules de face lors de la première consultation, pour ne pas méconnaître une cause pathologique. De plus cela permet de localiser le lieu de la désaxation et l’orientation de l’interligne articulaire. Idéalement, cette radiographie devrait être faite par technique EOS moins irradiante[3], mais la couverture nationale est encore faible. En cas de déviation axiale idiopathique, la surveillance ultérieure peut n’être que clinique.

4)    Attitude thérapeutique pour le genu varum.

a)     Genu varum physiologique

Il s’agit de l’arcuature tibiale du nouveau-né. Bénigne, elle est spontanément résolutive et il convient de rassurer les parents.

b)    Genu varum idiopathique

Il s’agit souvent de la persistance puis de l’aggravation du précédent, après l’âge de 2 ans, régulièrement associé à une hypertorsion tibiale interne. Ceci est souvent retrouvé chez les sujets à peau noire. Une surveillance semestrielle est indiquée afin de diagnostiquer une éventuelle maladie de Blount (tibia vara par anomalie de croissance de la physe proximale et médiale des tibias), mais dans la grande majorité des cas, ce trouble finit par se résorber de lui-même. En cas d’aggravation régulière, une radiographie des genoux et une consultation spécialisée sont indispensables.

c)     Genu varum secondaire : post-traumatique, post-infectieux…)

Il est du à une épiphysiodèse partielle interne de la physe fémorale inférieure ou tibiale supérieure (voire mixte). Toute anomalie de la démarche après une fracture des os longs ou une infection ostéo-articulaire doit conduire à une consultation spécialisée, ne serait ce que pour rassurer l’enfant et sa famille, même si habituellement un suivi post-fracturaire ou post-infectieux est organisé par l’équipe qui a pris en charge l’enfant. Le traitement est complexe, car compléter une épiphysiodèse ou pratiquer une désépiphysiodèse donne des résultats inconstants.

d)    Rachitisme et maladies constitutionnelles

Le rachitisme carentiel est malheureusement de plus en plus souvent rencontré, notamment chez les populations immigrées qui n’ont pas de bonne surveillance médicale. Il faut le suspecter typiquement chez les sujets à peau mate ou noire en présence d’un EIC de plus de 5cm après 2 ans. La guérison est spontanée sous vitamine D dans un délai de 1 à 2 ans.

Les rachitismes vitamino-résistants se transmettent sur un mode autosomique dominant, et une histoire familiale est souvent présente. Le bilan phospho-calcique assure le diagnostic en premier lieu, avant la recherche plus spécialisée du type d’anomalie métabolique. Les déformations associées ne se corrigent pas médicalement, et la chirurgie est alors souvent nécessaire.

Certaines maladies constitutionnelles présentent à décrire un genu varum (hypochondroplasie, dysostose métaphysaire de Schmidt…), qui fait souvent l’objet d’une correction chirurgicale en cas de gêne.

5)    Attitude thérapeutique pour le genu valgum

a)     Genu valgum physiologique

Les parents signalent des chutes fréquentes, entre 2 et 5 ans. Trop souvent ces enfants sont vus en consultation spécialisée avec des  semelles de correction d’axe. Coûteuses et inutiles, souvent vantées à tort par les podologues, elles doivent être évitées ! Il convient au contraire de rassurer les parents, la correction étant spontanée dans l’immense majorité des cas.

b)    Genu valgum de l’enfant obèse

De plus en plus fréquent, il s’agit d’un faux genu valgum dans bon nombre de cas. C’est l’excès de tissu adipeux qui gêne le rapprochement des membres inferieurs. Le traitement est ô combien difficile, car il consiste en un accompagnement psychologique et des règles hygiéno-diététiques souvent difficiles à faire observer par l’enfant, mais surtout par sa famille. En cas de doute sur un toujours possible vrai genu valgum, il est tout à fait licite de faire pratiquer un pangonogramme axé des membres inférieurs.

c)     Genu valgum de l’adolescent à IMC normal

L’examen clinique doit éliminer le faux genu valgum, que l’on retrouve parfois chez certaines jeunes filles pourtant de poids normal. Au-delà de 8cm d’EIM, il sera proposé par le chirurgien orthopédiste pédiatre un ralentissement de croissance de la physe tibiale supérieure ou fémorale inférieure à sa partie interne, à l’aide d’un vissage percutané transphysaire, d’une plaque en 8 de correction, ou d’un agrafage selon Blount, ces différentes techniques étant affaire d’école. Cela nécessite de planifier le timing opératoire, et des clichés d’âge osseux selon Greulich et Pyle (poignet ) et Sauvegrain (coude) sont utiles à la prise de décisions.

6)    Conclusion

Le genu varum, physiologique à la naissance, ne peut être vu par l’orthopédiste qu’en cas d’aggravation, d’asymétrie, ou d’EIC majeur > 4cm.

Le genu valgum est banal et résolutif s’il est bilatéral, symétrique et modéré d’EIM < 8cm. Sinon, il doit faire l’objet d’une consultation spécialisée.

 REFERENCES

1 : Cahuzac JP. Vices de torsion du membre inférieur. Cahiers d’enseignement de la SOFCOT. 1989 ; 34 :35-45

2 :Seringe R. Démarche portant la pointe des pieds en dedans ou en dehors. In : « Orthopédie du nouveau-né à l’adolescent ». Ed.Masson, 2è édition. Paris 2005

3: Gheno R, Nectoux E, Herbaux B, Baldisserotto M, Glock L, Cotten A, et al. Three-dimensional measurements of the lower extremity in children and adolescents using a low-dose biplanar X-ray device. European Radiology 2011 Available from: http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22011904

4: Fenoll B, Senah C, Cadilhac C. Les « pieds qui tournent ». In: Le pied de l’enfant. Monographie du GEOP. Ed Sauramps, Montpellier 2001.

5: Violas P. Physiopathologie de la croissance des membres inférieurs. In: Conférences d’enseignement de la SOFCOT 2009; Ed Elsevier Masson SAS 97: 207-218

6: Seringe R. Déformations des membres. Genu Valgum et Genu Varum. In : « Orthopédie du nouveau-né à l’adolescent ». Ed.Masson, 2è édition. Paris 2005

 

 

Diarrhée chronique de l’adulte

DIARRHEE CHRONIQUE DE L’ADULTE

Le rôle primordial de l’interrogatoire.

Docteur Jean-François CLAERBOUT

La diarrhée chronique se définit par une émission de selles supérieure à 300 grammes pendant 24 heures et cela depuis plus de trois semaines.

Cette définition « officielle » n’est pas celle qu’utilisent nos patients : ils nous parlent d’une fréquence de selles importante, supérieure à leurs habitudes. Ils nous parlent d’un aspect de selles qui ne leur convient pas, car liquide ou mou.

En fait ce sont leurs plaintes, parfois réitérées qui nous amènent à envisager l’exploration de leur transit intestinal.

Plutôt que de chercher à affirmer la réalité de cette diarrhée, il faut dans un premier temps éliminer ce qui n’en est pas une, c’est-à-dire la « fausse diarrhée », symptôme fréquent, souvent méconnu du patient comme de son médecin. La fausse diarrhée correspond en fait à une traduction particulière de sujets constipés(ées) qui ont des exonérations fragmentées, incomplètes, fréquentes dans la journée, mais avec un colon, voire un rectum, empli de matières ne s’éliminant que de façon partielle, insuffisante, donnant ainsi l’illusion de selles fréquentes et d’aspect différent. Un interrogatoire attentif, la notion d’une constipation habituelle, parfois bien tolérée, se modifiant récemment à la faveur d’un blocage intestinal (accident, hospitalisation, médicament constipant) doivent permettre de redresser le diagnostic. Le toucher rectal, par la mise en évidence de matières (voire d’un fécalome) confirmera cette fausse diarrhée. Tout l’art de notre profession sera alors de convaincre ces patients(es) de l’existence de cette constipation, et de modifier leurs habitudes alimentaires et médicamenteuses contraires.

Il convient également de différencier une diarrhée chronique, d’une incontinence fécale difficilement avouée, justifiant alors d’une exploration ano-rectale sphinctérienne.

L’élimination de glaires rectales parfois déclarée comme « diarrhée » amènera à rechercher des lésions rectales tumorales ou inflammatoires.

D’abord deux aphorismes à avoir en tête en permanence :

-       90 % des causes des diarrhées chroniques sont coliques

-       80 % sont fonctionnelles

La démarche diagnostique s’effectue en trois étapes successives :

1-     clinique :

l’enquête clinique initiale permet souvent d’évoquer l’étiologie et oriente les

examens complémentaires

2-     morphologique (endoscopie, histologie, imagerie)

précède toute autre exploration en raison de sa rentabilité diagnostique

3-      chimique : l’exploration des selles n’intervient que secondairement

Première étape clinique

L’interrogatoire est capital et permet d’éviter des examens inappropriés.

Caractères de la diarrhée :

  •  état antérieur du transit
  •  mode de début, évolution dans le temps
  •  facteur déclenchant ou aggravant : aliment, médicament,  événement de vie,  jeûne, médicament

Evolution dans la journée :

  •  une diarrhée chronique nocturne est souvent organique
  •  une diarrhée matinale et post-prandiale est souvent motrice

Aspect des selles :

  •  consistance, présence de sang, glaires, pus, aliments non digérés

Signes associés :

  •  douleurs, ballonnement, vomissements
  • fièvre, signes cutanés, oculaires, articulaires
  • retentissement sur l’état général

Contexte général :

  •  Familial : thyroïde, diabète, cœliaque, mici, polypes et tumeurs
  •  Personnel : chirurgie, profil psy, médicaments, risque HIV, habitudes alimentaires, voyage à l’étranger

L’examen Clinique :

  •  masse abdominale, douleur, hépatomégalie
  •  examen proctologique : fissure, fistule, TR
  •  peau, thyroïde, gg…

 

A l’issue de cette enquête initiale, méthodique, il est possible de répondre à 3 questions :

1 – s’agit-il d’une vraie diarrhée ?

2 – y a-t-il des signes qui orientent vers une démarche spécifique ?

  • antécédents de chirurgie digestive, de radiothérapie abdominale
  • contexte endocrinien
  • séjour en pays d’endémie parasitaire
  • médicament favorisant : faire une enquête quasi policière :
  •  traitements cachés, occasionnels, inavoués, oubliés…

3 – faut-il passer à une deuxième étape stratégique ?

OUI : si la diarrhée est récente < 3 mois

  •   modification brutale et inexpliquée du transit
  •   sujet > 45 ans
  •   éléments d’inquiétude : amaigrissement, hémorragie, fièvre

NON : on peut évoquer alors l’hypothèse  de colopathie fonctionnelle

  • diarrhée ancienne, d’allure motrice, examen clinique normal
  • pas de retentissement sur l’état général, contexte général évocateur
  • on traite  (antispasmodiques, lopéramide..),
  • on surveille et on évalue l’efficacité thérapeutique

Deuxième étape biologique et morphologique

3 objectifs :

  • rechercher une cause parasitaire
  • une anomalie biologique infra clinique
  • une pathologie organique du colon

1- Examen parasitologique des selles

  • standard : lambliase, giardiase
  • adapté : si séjour en pays d’endémie ou HIV

la coproculture n’a ici aucun intérêt en dehors de la recherche particulière de Clostridium si une colite post-antibiotique est évoquée

2- Examens biologiques  « standard »

  •  NF, VS, CRP, glycémie, protidémie, cholestérolémie,
  •  K, Ca, ferritine, TSH

Ils permettront d’évoquer un syndrome inflammatoire, une hémorragie occulte, une malabsorption, une hyperthyroïdie…

3- La coloscopie avec iléoscopie  éventuellement accompagnée de biopsies

objectivera une pathologie tumorale et /ou inflammatoire du colon

et sera complétée au cours de la même AG d’une endoscopie haute

avec biopsies duodénales (malabsorption)

A l’issue de cette deuxième étapeon aura reconnu la grande majorité des causes des diarrhées

S’il n’y a pas d’anomalie biologique et morphologique,l’hypothèse de colopathie fonctionnelle est vraisemblable :

on rassure, on traite et on surveille…

Troisième étape : chimique

Exploration fonctionnelle… et étude du mécanisme de la diarrhée.

Si, comme dit plus haut, la coproculture n’a pas sa place, c’est ici que vient s’inscrire la recherche de graisses sur la totalité des selles de 3 jours, après régime de charge en lipides.

Au-delà de 5 à 7 gr de graisses par 24 heures, on parle de stéatorrhée.

Ce qui permet de distinguer :

-       les diarrhées avec stéatorrhée :

par maldigestion d’origine bilio-pancréatique

par malabsorption d’origine intestinale

-       les diarrhées hydroélectrolytiques sans stéatorrhée :

exsudatives lésionnelles : tumeurs, colites

osmotiques

sécrétoires

motrices

Maldigestion d’origine bilio-pancréatique

Un déficit enzymatique pancréatique, notamment en lipase, crée une insuffisance pancréatique, limitant la dégradation des grosses molécules lipidiques au niveau duodénal, et bloquant les possibilités d’absorption au niveau du grêle, d’où leur élimination fécale.

Etiologies :

pancréatites chroniques,  cancer du pancréas,

cholestases chroniques

la mucoviscidose.

Malabsorption d’origine intestinale

L’insuffisance d’absorption au niveau du grêle se manifeste par une stéatorrhée avec amaigrissement et signes de carence : glycémie, cholestérolémie, K, Ca, ferritine, TP, B12, folates…

Le diagnostic est affirmé par les biopsies duodénales per-endoscopiques, et l’exploration morphologique du grêle (vidéo capsule, entéroscanner, entéroscopie)

Etiologies :

Lambliase

Maladie coeliaque : atrophie des villosités, Atc antitransglutaminase

Ttt : régime sans gluten

Anomalies anatomiques du grêle : résections, fistules, diverticules..

Maladie de Whipple : hypertrophie d’origine bactérienne des villosités

Ttt : antibiothérapie

Lymphome, sclérodermie, amylose, mastocytose, Waldmann

Maladie des chaînes α, lymphangiectasies…

(et autres causes exceptionnelles…)

Diarrhées osmotiques

L’ingestion de solutés de faible poids moléculaire peu ou pas absorbables provoque une hyperosmolarité du contenu fécal et un appel d’eau vers la lumière intestinale.

Cette dilution est à l’origine d’une diarrhée abondante : 500 à 1000 gr / 24 heures. Les selles sont  mousseuses, irritantes.

Météorisme et flatulence sont provoqués par l’augmentation des acides organiques.

Cette diarrhée est améliorée par le jeûne et la réduction des ingestions osmotiques.

Etiologies :

Laxatifs osmotiques: sulfate de Na

lactulose

Antiacides : Mg

Abus d‘Hydrates de Carbone : fermentation

Déficit en lactase, et autres sucrases (congénital ou acquis)

Sorbitol : chewing gum

Mannitol

Fructose : abus de jus de fruits

Diarrhées sécrétoires

par augmentation des sécrétions digestives qui dépassent les capacités de réabsorption.

Les selles sont alors liquides, aqueuses, diurnes et nocturnes

abondantes = 1litre / 24 h

associées à une hypokaliémie, une insuffisance rénale fonctionnelle

La diarrhée résiste au jeûne.

Etiologies :

Laxatifs drastiques : anthraquinones, phénolphtaléines

Biguanides, colchicine

Lésions coliques hyper sécrétantes

tumorales : villeuses

inflammatoires : colites ulcérées, microscopiques

Vipome : Werner-Morisson (tumeur pancréatique)

Diarrhées motrices

Par accélération du transit, le test au carmin est inférieur à 8 heures.Les selles sont nombreuses, impérieuses, matinales : réveille-matin, et postprandiales,

avec résidus alimentaires. Leur abondance est moyenne < 500 gr / 24 h, contrastant avec le nombre d’exonérations.

Cette diarrhée répond aux ralentisseurs du transit, et est améliorée et même stoppée par le jeûne.

Etiologies :

  • Endocriniennes : Hyperthyroïdie : TSH
  • K médullaire Thyroïde : Thyrocalcitonine
  • Carcinoïde : Sérotonine, 5 HIAA urinaires
  • Zollinger-Ellison : Gastrine
  • Chromogranine = tumeur endocrine hyper sécrétante
  • Octréoscan
  • Neurologiques :
  • alcoolisme chronique
  • sympathectomie lombaire, vagotomie
  • neuropathie végétative du diabète

Anatomique : gastrectomie, résections du grêle, fistules

Diarrhée fonctionnelle idiopathique : 80 % des cas

Ce qu’il faut retenir

-       90% des diarrhées chroniques sont d’origine colique

-       les causes des diarrhées chroniques sont très nombreuses mais le diagnostic étiologique est souvent facile, dès le bilan initial

-       les diarrhées hydro électrolytiques sont plus fréquentes que les diarrhées par malabsorption

-       les diarrhées hydro électrolytiques sont le plus souvent idiopathiques correspondant à la colopathie fonctionnelle mais il s’agit néanmoins d’un diagnostic d’élimination

-       la maladie cœliaque est la malabsorption la plus fréquente

-       il y a une cinquantaine d’étiologies possibles, mais 5 doivent être évoquées d’emblée par leur fréquence, leur gravité ou leur facilité diagnostique :

  1. Colopathie fonctionnelle
  2. Tumeur colorectale
  3. Diarrhée médicamenteuse : antibiotiques, laxatifs
  4. Parasitose : giardiase
  5. Crohn et RCH

Pratiques à privilégier

-       un interrogatoire et un examen clinique complets et attentifs, complétés par quelques examens biologiques simples éviteront souvent bien des examens inutiles

-       en l’absence d’éléments d’orientation, le bilan d’une diarrhée débute par des examens morphologiques : iléo coloscopie + endoscopie haute + biopsies-       l’examen parasitologique des selles est utile

Pratiques à éviter

-       l’examen fonctionnel de la digestion n’a aucun intérêt,

-       en revanche, le dosage des graisses fécales peut-être utile secondairement

-       la coproculture n’est pas utile

(sauf chez l’immunodéprimé ou pour rechercher un clostridium)

-       la maladie cœliaque est la malabsorption la plus fréquente

-       il y a une cinquantaine d’étiologies possibles, mais 5 doivent être évoquées d’emblée par leur fréquence, leur gravité ou leur facilité diagnostique :

  1. Colopathie fonctionnelle
  2. Tumeur colorectale
  3. Diarrhée médicamenteuse : antibiotiques, laxatifs
  4. Parasitose : giardiase
  5. Crohn et RCH

 

Fin de vie au domicile

FIN DE VIE AU DOMICILE

Symptômes et environnement : nos difficultés de prise en charge.

Docteur Philippe DELCAMBRE

Docteur Jean-Pierre CORBINAU

Cette intervention s’inscrit dans la suite des précédents Formathons portant sur les  soins palliatifs. Ont déjà été traités les antalgiques et les paliers de l’OMS, les douleurs cancéreuses et leurs traitements, les symptômes autres que la douleur, les HAD et les réseaux, le thème « mon patient a décidé de mourir à domicile ». Vous pouvez retrouver les abstracts des années précédentes dans les cahiers du Formathon sur le site www.formathon.fr

 

Qui mieux que le médecin de famille peut accompagner une personne dans sa fin de vie à domicile ? C’est par sa particularité de médecin traitant, par sa connaissance du patient et de son entourage familier, du fait qu’il les connaît souvent depuis de longues années qu’il peut assumer cette prise en charge difficile.

 

L’évolution ultime d’une maladie s’accompagne de symptômes qu’il faut alors gérer dans le but d’améliorer le confort du patient. Ainsi nous sommes amenés à traiter divers symptômes dont la douleur qui en reste le maître.

 

Il faut aussi tenir compte de l’environnement du patient, savoir anticiper l’apparition des symptômes, prescrire des protocoles anticipés pour les autres soignants du domicile, voire la famille, évoquer si cela n’est déjà fait les directives anticipées et évoquer la loi Léonetti avec le patient et/ou son entourage et notamment la personne de confiance qu’il aura peut-être déjà désignée.

 

Et puis, parfois, de façon claire, de façon implicite ou jamais exprimée, la problématique de la phase ultime, de la « sédation », de l’ « endormissement »… vient compliquer la fin de vie en bousculant les valeurs de chacun…

 

La liste des symptômes est longue et il serait fastidieux et peu intéressant de tous les aborder…

  • AGITATION 
  • ANEMIE 
  • ANGOISSE, DEPRESSION, TROUBLES DU SOMMEIL 
  • ANOREXIE, DENUTRITION, DESHYDRATATION 
  • ASCITE 
  • ASTHENIE 
  • CONFUSION MENTALE 
  • CONSTIPATION 
  • CONVULSIONS 
  • DIARRHEE 
  • DOULEURS
  • DYSPHAGIE 
  • DYSPNEE 
  • ESCARRES 
  • FIEVRE 
  • HEMATURIE 
  • HEMOPTYSIES 
  • HOQUET
  • INCONTINENCE URINAIRE 
  • NAUSEES ET VOMISSEMENTS 
  • OCCLUSION 
  • ODEURS DESAGREABLES 
  • OEDEMES DES MEMBRES 
  • PRURIT 
  • RETENTION URINAIRE 
  • SOINS DE BOUCHE 
  • SPASMES ET TENESMES VESICAUX 
  • TOUX 
  • TROUBLES NEUROLOGIQUES SPECIFIQUES 
  • ULCERATIONS CUTANEES 

Nous aborderons durant ce colloque, toutes ces problématiques de façon interactive avec des cas cliniques où chaque participant pourra s’exprimer et se retrouver dans ses expériences professionnelles.

Deux de nos jeunes confrères, ont élaboré un guide d’aide à la prise en charge des patients en soins palliatifs à domicile destiné aux médecins généralistes. Ce travail de thèse est remarquable et il sera utile à chaque médecin pour les prises en charge à venir. Il est accessible sur le net, mais vous trouverez ce guide sur le site du Formathon et vous aurez la possibilité de l’imprimer.  Il reprend l’essentiel du contexte de prise en charge des soins palliatifs et fournit un annuaire des structures de la métropole de Lille et apporte une synthèse pratique de huit symptômes les plus souvent rencontrés.

http://formathon.fr/new/wp-content/uploads/2012/03/Guide-Soins-Palliatifs-reference.pdf

Une chose à ne pas oublier… il ne faut jamais rester seul pour prendre en charge un patient en soins palliatifs, la notion de pluridisciplinarité est essentielle et primordiale. Ne pas s’enfermer dans ses croyances, dans ses certitudes ; accompagner, c’est être à côté. Il faut respecter l’autre dans son parcours et tout mettre en œuvre pour lui permettre de vivre au mieux le temps qui lui reste.

C’est dans cet état d’esprit que sera animé ce colloque où chacun pourra exprimer son avis, ses difficultés, ses doutes…

Pour en savoir plus :