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VIH


VIH

Messages actuels

Docteur Thomas HULEUX

LE PATIENT VIH EN MEDECINE GENERALE ET EN MEDECINE DE VILLE

Depuis la découverte du VIH il y a plus de 30 ans, 30 millions de personnes en sont décédées et plus de 30 millions de personnes vivent avec le VIH dans le monde dont plus 95% dans les pays les plus défavorisés économiquement.

En France,  ce sont 140 à 150 000 personnes qui vivent avec le VIH avec une incidence annuelle de 6 000 nouveaux cas (306 dans le Nord-Pas-de-Calais).

Depuis l’ère des trithérapies antirétrovirales, une meilleure prise en charge rime avec une meilleure espérance de vie d’où une augmentation du nombre de personne vivant avec le VIH de 3 500 par an.

A) ACCIDENT D’EXPOSITION SEXUEL AU VIRUS:

« Dans le cadre de ses missions de soins de santé primaires, le médecin généraliste :

… informe les patients de la conduite à tenir en cas d’exposition au VIH (Accord fort sur le caractère approprié)

… accueille une personne ayant été exposée à un risque de transmission du VIH, lui propose une orientation, et l’adresse à un service d’urgences ou de maladies infectieuses dans les délais adaptés (Accord fort sur le caractère approprié)

… aborde la question de la transmission et de la prévention des IST en général, de l’infection par le VIH en particulier (Accord fort sur le caractère approprié)

… pratique les vaccinations recommandées (accord relatif sur le caractère approprié) »

Les recommandations de prise en charge en cas d’accident d’exposition sexuel au virus sont définies dans le rapport d’expert YENNI 2010; elles sont aussi disponibles sur le site

www.infectio-lille.com dans les procédures régionales des accidents d’exposition aux virus.

Il est nécessaire de connaître le risque de transmission du VIH selon le statut du patient source qui serait porteur du VIH, le risque maximum étant celui d’un rapport anal réceptif non protégé.

-    Rapport anal réceptif non protégé = 0,3-3 %

-    Rapport anal insertif non protégé = 0,05-0,18 %

-    Rapport vaginal réceptif non protégé = 0,05 a` 0,15 %

-    Rapport vaginal insertif non protégé = 0,03 a` 0,09 %

-    Fellation = 0,04 %

Le statut sérologique du patient source et /ou les conditions d’exposition déterminent la conduite à tenir :

-    Pour le VIH : Le traitement antiviral en post exposition diminue ou prévient le risque de contamination. La prise de la trithérapie doit être précoce dans les 4 heures au mieux et avant 48 heures.

-    Pour le VHB: Le statut vaccinal et ou sérologique de la personne exposée et de la source permettent l’indication dans les 72 heures, d’un rappel vaccinal ou d’une primo vaccination associée ou non aux Immunoglobulines spécifiques anti-VHB. Assurer une protection par une vaccination VHB complète et certifiée est une priorité absolue.

-    Pour le VHC: Il n’y a toujours pas d’indication de traitement immédiat en post exposition. Une surveillance rapprochée est recommandée pour dépister précocement une hépatite biologique par l’élévation des ALAT et ou la détection de l’ARNVHC pour la mise précoce sous traitement par bithérapie : Peginterféron et Ribavirine.

 

Les critères de mise en route d’un traitement post exposition (TPE) au VIH sont définis dans le tableau suivant :

 

vih2

Usage de drogue intraveineuse ; homme ayant des rapports avec des hommes (HSH) ; statut source inconnu et appartenance à un groupe de prévalence > 1% ; situation à risque comme rapport non protégé, rupture préservatifs, prise de substances psycho actives, partenaires sexuels multiples.

Un TPE peut donc être indiqué et initié rapidement (< 48h00) dans un service de référence aux heures ouvrables (SURMIV 03/20/69/46/05) ou dans un service d’urgence 24h/24 au moyen d’un KIT de 2-3 jours avec réévaluation ensuite par un médecin référent. Le TPE est prescrit pour un mois et le contrôle des sérologies VIH après celui du bilan initial sera effectué à 2 mois puis à 4 mois de l’exposition.

Si un TPE n’est pas indiqué ou s’il n’a pas pu être initié dans les délais recommandés, le contrôle de la sérologie VIH sera effectué à 6 semaines après l’exposition à risque, délai de séroconversion avec les derniers tests ELISA combiné de 4ème génération (VIH1/2/AgP24).

Le dépistage des autres IST sera également effectué (chlamydia trachomatis par PCR, syphilis, VHB, VHC…) et une contraception du lendemain sera également proposée.

B) DÉPISTAGE : POUR QUI?

On estime que  30 à 50 000 personnes vivent avec le VIH en France sans le savoir.

Dans le plan national de lutte contre le VIH et les IST 2010-2014, l’une des mesures est de proposer, dans le système de soin par les professionnels de santé de premier recours, un test de dépistage du VIH à la population générale hors notion de risque d’exposition ou de contamination par le VIH. Il est alors recommandé de proposer un test de dépistage à la population générale de 15 à 70 ans à l’occasion d’un recours aux soins notamment chez les médecins généralistes. Le dépistage sera proposé à tout patient n’ayant pas été dépisté.

En effet, 5 millions de sérologie VIH sont réalisées annuellement dont les ¾ en ville. Une part croissante des séropositivités est diagnostiquée en ville avec plus de diagnostics précoces notamment chez les homosexuels par rapport à l’hôpital mais moins de « séniors » comme l’indique le tableau INVS suivant :

vih2

 

Un tiers des découvertes de séropositivité sont encore réalisées à un stade très tardif de l’infection et quand on regarde le stade au moment de la découverte de séropositivité, on dépiste plus à un stade précoce un jeune appartenant à un groupe  à risque mais plus tardivement une personne plus âgée n’appartenant pas à un groupe à risque. Les découvertes de séropositivité après 50 ans ne sont pas exceptionnelles puisqu’elles concernent environ 1 100 personnes en 2010, soit 18% de l’ensemble des découvertes. La part de cette classe d’âge a augmenté depuis 2003 avec un diagnostic souvent réalisé à un stade tardif.

C) LE TEST À VISÉE DIAGNOSTIC :

« Dans le cadre de ses missions de soins de santé primaires, le médecin généraliste :

… identifie les situations cliniques devant faire évoquer une infection par le VIH (Accord fort sur le caractère approprié)

… propose le dépistage de l’infection par le VIH et prescrit les tests adaptés au dépistage et au diagnostic de l’infection par le VIH (Accord fort sur le caractère approprié) »

« Le médecin de ville doit proposer un test de diagnostic de l’infection à VIH :

… en cas de tableau clinique évocateur de primo-infection (Accord fort sur le caractère approprié)

… dans les situations cliniques mineures classant au stade B de la classification internationale, tels une candidose oro-pharyngée, une leucoplasie orale chevelue, un zona notamment chez un adulte jeune, une mono névrite (paralysie faciale, oculo-motrice) ou une polynévrite, une dysplasie du col utérin (Accord fort sur le caractère approprié)

… certaines manifestations dermatologiques inhabituelles, tels un prurigo, un prurit inexpliqué, une dermite séborrhéique récurrente (Accord fort sur le caractère approprié)

… des situations biologiques, telles une thrombopénie, une lymphopénie, une hyperlymphocytose avec syndrome mononucléosique, (Accord fort sur le caractère approprié)

… dans les situations cliniques majeures classant au stade C de la classification internationale (Accord fort sur le caractère approprié) : infections opportunistes (pneumocystose pulmonaire, toxoplasmose cérébrale, candidose œsophagienne, tuberculose quel que soit son siège, infection systémique à CMV, mycobactériose, herpès chronique ou viscéral), cancers opportunistes (LMNH, maladie de Kaposi, cancer invasif du col utérin), démence d’un sujet jeune, altération importante et inexpliquée de l’état général »

En cas de positivité VIH d’un test ELISA de 4ème génération (détection combinée des anticorps anti-VIH-1 et -2 et de l’Ag p24), le laboratoire a recours à un test de confirmation (western-blot ou immunoblot) sur le même prélèvement. Mais le diagnostic de l’infection VIH ne sera posé qu’après avoir validé la positivité du test de dépistage sur un nouveau prélèvement.

Il s’agit d’une maladie à déclaration obligatoire et la fiche de déclaration a été récemment modifiée :

VIH-3

D) EN CAS DE SÉROPOSITIVITÉ VIH CONFIRMÉE :

Il faut définir le statut immuno-virologique du patient. Celui-ci permet d’orienter plus ou moins en urgence le patient vers une structure de référence dans la prise en charge du VIH. Il est défini biologiquement au moyen du typage lymphocytaire (nombre de lymphocyte TCD4+) pour le statut immunologique et au moyen de la quantification de la charge virale VIH par PCR pour le statut virologique.

Le risque d’infection opportuniste est important avec un statut immunologique fortement déprimé à moins de 200 CD4/mm3 (corrélée avec une charge virale VIH le plus souvent élevée). Il nécessite dans ce cas une prise en charge urgente. Par ailleurs, dans ce cas et en l’absence de signe clinique, une chimioprophylaxie primaire anti-pneumocystose par BACTRIM faible® devrait être instaurée à la posologie d’un comprimé par jour.

Les indications actuelles de mise sous traitement sont : sur le plan immunologique, des CD4 < 500/mm3 ; sur le plan virologique, une charge virale VIH > 100 000 copies/ml; sur le plan clinique, un VIH symptomatique.

VIH-4

E) LE SUIVI DU PATIENT VIH SOUS TRAITEMENT:

« Dans le cadre de ses missions de soins de santé primaires, le médecin généraliste :

… s’informe des traitements médicamenteux pris par le patient, y compris les traitements alternatifs, et vérifie leurs interactions possibles (Accord relatif sur le caractère approprié)

… s’assure de l’observance de son traitement par le patient  (Accord fort sur le caractère approprié) 

… prend contact rapidement avec un médecin spécialiste en cas d’effet indésirable grave en relation avec un traitement antirétroviral (Accord fort sur le caractère approprié) »

Le traitement anti-rétroviral est basé sur la trithérapie. Cependant, la bithérapie voire la monothérapie sont également possibles. Les prises sont généralement simplifiée (possibles en une seule prise par jour et possibles avec un seul comprimé par jour). La tolérance globale est bonne et les effets indésirables à court et moyen terme connus et peuvent être évités.

L’objectif immuno-virologique d’un traitement ARV est d’obtenir une charge virale VIH indétectable et un statut immunologique satisfaisant (> 500/mm3). On estime qu’une personne ayant atteint cet objectif a la même espérance de vie qu’une personne non infectée par le VIH.

Afin d’atteindre cet objectif, il est nécessaire :

-          de s’assurer d’une bonne observance thérapeutique du patient : prise régulière et sans oubli, à heure fixe, avec (ex : classe d’inhibiteur de protéase) ou à distance (ex : SUSTIVA® contenu également dans l’ATRIPLA®) d’un repas selon le traitement utilisé

-          de vérifier l’absence d’interaction médicamenteuse pouvant diminuer la concentration et donc l’efficacité des anti-rétroviraux, y compris en automédication (ex des IPP qui diminue la concentration du REYATAZ® ou de l’EVIPLERA®)

 

 

F) LES COMORBIDITÉS :

 

-          Carcinologique : suivi gynécologique/proctologique avec frottis cervico-vaginal/anal annuel

-          Cardio-vasculaire : considérer le VIH comme un facteur de risque cardio-vasculaire à part entière (suivi cardiologique et prévention sur les autres facteurs de risque évitables)

-          Osseux : apport vitamino-calcique selon recommandation, activité physique, osteodensitométrie…

-          Rénal : attention aux co-médications (exemple AINS/VIREAD® néphrotoxique), surveillance biologique…

-          Neurologique : troubles mnésiques à dépister….

 

 

 

 

 

EN CONCLUSION :

 

- En cas d’accident d’expositions sexuelles aux virus : indication d’un traitement post-exposition le plus rapidement et dans les 48h00 au maximum

- Dépister qui?

- Tout le monde

- Régulièrement en cas de facteur de risque

- En cas de signes cliniques/biologiques pouvant faire évoquer une infection VIH

- La prévention de transmission du VIH/IST reste le préservatif

- Un traitement anti-rétroviral est indiqué si CD4 < 500/mm3, VIH >100 000 copies/ml et/ou VIH symptomatique

- Prise en charge urgente si CD4 < 200/mm3

- Indication à une prophylaxie primaire pneumocystose par BACTRIM faible® si CD4 < 200/mm3

- S’assurer d’une bonne observance thérapeutique si le patient est mis sous ARV

- Attention aux interactions médicamenteuses et co-médications

- Co morbidités cardio-vasculaires, carcinologique, osseux, … = insister sur les mesures préventives et de dépistage

SURVEILLANCE ACTIVE DU CANCER DE LA PROSTATE

SURVEILLANCE ACTIVE DU CANCER DE LA PROSTATE

Comment et pourquoi ne pas traiter ?

 

Docteur Georges CAVROIS

 Le protocole de surveillance active est mis en place dans de nombreux centres depuis plusieurs années, parce que l’on constate que les tumeurs prostatiques à faible risque de progression, sont en augmentation constante, partant de l’hypothèse qu’il existe deux groupes de cancer prostatiques : une forme quiescente qui pourrait être surveillée, une forme agressive qui doit être traitée précocement.

La difficulté réside dans la différentiation des ces deux formes, le PSA, le toucher rectal, l’IRM s’ils sont des indicateurs ne peuvent orienter vers l’une ou l’autre forme de cancer, seules les biopsies permettent actuellement de les différencier, par la mesure de la masse tumorale et le grade de Gleason qui permet d’appréhender l’agressivité des cellules tumorales.

Les objectifs de la surveillance active sont :

  • différer le traitement au moment où sont constatés les signes de progression de la maladie
  • préserver la qualité de vie des patients tout en leur offrant une prise en charge curative
  • identifier et ne traiter que les cancers prostatiques menaçants.

Les différentes séries internationales publiées, avec un recul allant jusqu’à 8 ans montrent que dans 30% des cas les patients inclus dans un protocole de surveillance active vont être reclassés et traités, généralement parce que le suivi a montré une progression de la maladie mais aussi parce que certains patients ont souhaité sortir de ce protocole et être traités alors qu’ils ne présentaient pas de signe de progression.

D’autres séries viennent conforter l’hypothèse des formes quiescentes ou agressives du cancer de la prostate, en constatant que les patients en progression sont des patients dont l’évaluation initiale était insuffisamment documentée, ces patients présentant d’emblée une forme agressive passée inaperçue.

C’est dire l’importance de l’évaluation initiale, en répétant la nécessité de doser le PSA une fois par an à partir de 50 ans, voire 45 ans en cas de forme familiale, de pratiquer le toucher rectal annuellement : un tiers des cancers prostatiques se développe sans modification significative du PSA, et surtout en insistant sur l’importance de l’IRM pré biopsies qui pour des tumeurs d’un volume supérieur à 0,5 cc a une spécificité de 95%, une sensibilité de 86% et une valeur prédictive négative de 95%.

Le protocole de biopsies est également un élément fondamental de l’évaluation initiale, parfois insuffisamment précis, il peut être complété par un protocole plus complet de « re biopsies précoces  » qui selon les séries, permet d’exclure 25 à 30 % de patients du protocole de surveillance active, mais retrouve 26 % de biopsies négatives.

Quels sont les critères d’inclusion ?

Le stade clinique T1c ou T2

L’IRM non suspecte.

Le PSA < 10

Une longueur tumorale < à 3mm par carotte biopsique

Moins de 3 biopsies positives

L’absence de grade 4 ou de score 7 de Gleason

La décision de « re biopsies » sera prise en réunion de concertation multidisciplinaire au vu du PSA, des biopsies et de l’IRM pré biopsies.

La proposition de surveillance active sera évoquée en consultation d’annonce avec le patient, la décision ne pourra être prise sans son consentement.

Comment le patient sera t il suivi ?

Dosage du PSA tous les 6 mois.

Toucher rectal, IRM comparative, biopsies à un an.

Résultats

Parmi les différentes équipes ayant mis en place un protocole de surveillance active, et avec un suivi moyen variant de 3,4 à 8 ans, le pourcentage de patients traités varie de 8 à 35 %, incluant les patients sans progression souhaitant sortir du protocole.

L’apport de l’IRM avant les biopsies témoigne d’une avancée dans l’évaluation initiale significative : lorsque l’IRM est suspecte: 41% de progression, lorsqu’elle ne l’est pas : 4% de progression.

Conclusion

La surveillance active permet d’éviter le sur traitement, sans négliger les formes dangereuses, menaçantes, de cancer prostatiques, celles qui tuent et deviennent incontrôlables.

Les contre indications actuelles dépendent de la masse tumorale et du grade de Gleason > 6.

La valeur du PSA est à discuter en fonction du volume prostatique et des valeurs antérieures connues.

LES PROTHESES DISCALES

LES PROTHESES DISCALES

Quelles indications ? Quels critères ? Quels résultats

 

Professeur Richard ASSAKER

 

Définition

L’arthroplastie discale consiste en la réalisation d’une dissectomie complète par voie antérieure suivie de la mise en place d’une prothèse discale, préservant ainsi la mobilité.

Introduction

La dégénérescence discale est la première étiologie de la lombalgie chronique et constitue la principale cause d’incapacité de travail chez les moins de 45 ans. Le contrôle des facteurs de risque (surpoids, tabac,..) et la prise en charge médicale conservatrice demeurent essentiels. Les traitements conservateurs ne s’avèrent pas efficaces dans tous les cas. On estime que 2,5% à 5% des patients lombalgiques chroniques résistent aux traitements conservateurs et présentent une invalidité telle qu’elle empêche toute reprise d’activité [1]. Dans ces situations, la chirurgie d’arthrodèse a démontré sa supériorité sur le traitement conservateur fonctionnel comme cela a été rapporté par Fritzell [2] dans une étude multicentrique prospective randomisée. Les techniques d’arthrodèse ont été développées dans le but de supprimer la douleur en neutralisant l’instabilité algogène du segment mobile rachidien. En dépit des bons résultats cliniques, de nombreuses controverses sont apparues quant au développement ultérieur de discopathies adjacentes et certaines études rapportent des taux pouvant atteindre 20% des cas à 10 ans [3]. Ceci a conduit au développement de nouvelles techniques, dont le remplacement prothétique du disque intervertébral [4]. Les progrès techniques et la meilleure connaissance du comportement biomécanique du disque intervertébral ont permis le développement d’implants plus fiables.

Indication

La prise en charge chirurgicale d’un patient présentant une lombalgie chronique d’origine discale (discogénique) nécessite le respect de plusieurs critères.

Clinique :

  • Le traitement chirurgical de la lombalgie ne peut se concevoir qu’après l’échec du traitement conservateur pendant plus de six mois.
  • Le handicap fonctionnel doit être significatif. Pour cela l’utilisation d’un score reproductible est souhaitable. Un score d’Oswestry (ODI) supérieur à 20/50      (40%) est requit avant d’envisager un traitement chirurgical.
  • La lombalgie discogénique doit répondre à certains critères sémiologiques. Le clinicien s’efforcera d’écarter des lombalgies liées à un déconditionnement      musculaire ou à un syndrome articulaire postérieur. La lombalgie discogénique est classiquement diffuse, irradiant en ceinture, impulsive et majorée par la position assise. Une irradiation « pseudo radiculaire » est classique mais elle doit demeurer au second plan du tableau clinique.

Radiologique :

Le bilan radiologique se doit d’être exhaustif aussi bien pour établir le diagnostic positif que pour dépister les éventuelles contre indications.

  • L’IRM constitue l’examen clé du diagnostic. Elle permet d’identifier le niveau      pathologique et d’objectiver l’atteinte discale [5]. La présence de remaniements inflammatoires des plateaux vertébraux  constitue un facteur pronostic [6].
  • Le scanner rachidien demeure un examen nécessaire car il évalue la qualité de la trame osseuse et l’état des articulaires postérieures. Un angioscanner des vaisseaux iliaques peut être couplé à l’examen pour évaluer les difficultés d’accès en fonction de l’anatomie vasculaire du patient.
  • Radiographies : les téléradiographies en charge sont également très informatives. Elles permettent d’évaluer les paramètres de l’équilibre sagittal du patient et de dépister une déformation scoliotique (contre-indication à l’arthroplastie).
  • Discographie : le diagnostic de lombalgie discogénique repose donc sur un faisceau d’arguments clinique et radiologique. Un test discographique de provocation a été prôné par certains de part sa sensibilité importante (Se>90%). Toutefois, cet examen invasif n’est plus systématique et ne sera proposé qu’en cas de doute diagnostic important, pour mieux préciser le niveau lésionnel.
  • Ostéodensitométrie : elle sera pratiquée en présence de facteurs de risques. Un  T-Score <-1 constitue une contre indication à l’arthroplastie.

Avantages théoriques de l’arthroplastie

Au terme de ce bilan, si un patient est éligible à une prise en charge chirurgicale, il convient de définir la stratégie la plus adaptée. L’arthroplastie doit être proposée à certains patients car elle présente de nombreux avantages :

  • L’abord antérieur permet de réaliser l’exérèse complète du disque qui est la source de la douleur (pain generator).
  • L’abord antérieur permet une meilleure restauration des hauteurs discale et foraminale.
  • La prothèse permet de préserver ou restaurer la mobilité segmentaire.
  • La prothèse permet de protéger les segments adjacents.
  • La prothèse permet une réhabilitation et une reprise d’activité plus rapide.

Contre-indications

Dans le cas où une arthroplastie est envisagée, il convient de s’assurer de l’absence de contre-indication.

Liées au patient : l’arthroplastie nécessite un abord antérieur qui expose à des risques vasculaires (rares) et d’éjaculation rétrograde (<1%) par dissection du plexus hypogastrique. Le patient doit en être clairement informé au préalable. De plus, tout antécédent de chirurgie vasculaire ou abdominal peut accroître les difficultés de dissection, et constituer une limite.

L’obésité constitue également une limite à l’arthroplastie. La morbidité accrue de l’abord antérieur et les contraintes mécaniques accrues exercées sur l’implant doivent limiter l’utilisation de l’arthroplastie pour un BMI< 35.

L’ostéoporose : un T-Score <-1 constitue une contre-indication classique de part le risque d’impaction de la prothèse dans les plateaux adjacents (« trop fragiles »).

Une atteinte articulaire postérieure doit faire contre-indiquer l’arthroplastie. Si le patient présente une douleur articulaire associée, le maintient de la mobilité va entretenir ces contraintes et être à l’origine d’un mauvais résultat thérapeutique. En cas de doute, une infiltration articulaire peut servir de test thérapeutique (« block-test »). Une hypertrophie articulaire objectivée au scanner doit imposer la même prudence.

Une déformation vertébrale (scoliose ou spondylolisthésis) connue ou dépistée constitue une contre-indication classique à l’arthroplastie. 

Résultats

Efficacité

Plusieurs études prospectives randomisées ont été publiées comparant la chirurgie d’arthrodèse avec la prothèse discale. De nombreuses études ont démontrées un bénéfice immédiat après arthroplastie. La mise en place d’une prothèse permet une hospitalisation plus courte et une reprise d’activité plus précoce. Les douleurs postopératoires sont également largement diminuées. Concernant le contrôle de la lombalgie et le statut fonctionnel, l’arthroplastie a démontré son efficacité en comparaison à l’arthrodèse qui demeure toutefois le traitement chirurgical de référence. Certaines études rapportent une supériorité de l’arthroplastie tandis que d’autres ne retrouvent pas de différence significative entre les deux modalités de traitement [7-9]. Il n’existe que peu d’études rapportant les résultats à long terme, et nombreux sont ceux qui s’interrogent sur la pérennité de l’implant [10].

Discopathie adjacente

La préservation des disques adjacents est un des avantages « théoriques » de la prothèse discale, qui a initialement justifié sa mise au point. De manière paradoxale, il n’existe que très peu de données attestant de ce bénéfice [11]. Un suivi à très long terme est nécessaire et des travaux ultérieurs devraient nous renseigner.

Complications

Les complications de l’abord antérieur sont inhabituelles en chirurgie rachidienne et le patient doit en être clairement informé. Des complications digestives, vasculaires, neurologiques, ou sexuelles peuvent se rencontrer mais demeurent tout à fait exceptionnelles. Ces mêmes études ont rapporté des taux de complications et de morbidité similaires entre l’arthrodèse postérieure et la prothèse lombaire. Les complications sont plus liées à la voie d’abord ou à la technique de pose ce qui souligne que cette chirurgie doit être réservée à des chirurgiens spécialisés et expérimentés à cette technique.

Conclusion

Le traitement chirurgical de la lombalgie discogénique ne s’envisage qu’en cas d’échec des mesures conservatrices. La prothèse discale est une alternative thérapeutique séduisante. Une sélection drastique des indications est nécessaire. Les résultats préliminaires sont encourageants mais les résultats à long terme demeurent largement inconnus.

 

HAS 2011 : 

1. « La prise en charge est assurée en cas de lombalgie discogénique, chronique et invalidante, résistant à un traitement médical bien conduit pendant au moins 6 mois et de préférence 1 an, chez un sujet adulte de moins de 60 ans, porteur d’une discopathie lombaire ou lombo-sacrée symptomatique. Un seul disque pathologique doit être remplacé par prothèse discale lombaire.»

2. « La décision de pose d’une prothèse discale lombaire doit prendre en compte les trois dimensions suivantes : clinique, imagerie et psycho socio professionnelle.»

3. « Le nombre d’implantations de prothèses discales lombaires attendu par an doit être d’au moins 15 par équipe chirurgicale.»

4. « Un chirurgien ayant des compétences en chirurgie vasculaire doit être disponible au sein de l’établissement.» 

Références

1. Koes BW, van Tulder MW, Thomas S. Diagnosis and treatment of low back pain. BMJ,2006;  332: 1430-4

2. Fritzell P, Hägg O, Wessberg P, Nordwall A; Swedish Lumbar Spine Study Group. 2001 Volvo Award Winner in Clinical Studies: Lumbar fusion versus nonsurgical treatment for chronic low back pain: a multicenter randomized controlled trial from the Swedish Lumbar Spine Study Group. Spine 2001;26:2521-32.

3. Kumar MN, Jacquot F, Hall H. Long-term follow-up of functional outcomes and radiographic changes at adjacent levels following lumbar spine fusion for degenerative disc disease. Eur Spine J 2001; 10: 309-13.17.

4. Fernström U.Arthroplasty with intercorporal endoprothesis in herniated disc and in painful disc. Acta Chir Scand Suppl, 1966; 357:154-9.

5. Griffith JF, Wang YX, Antonio GE, Choi KC, Yu A, Ahuja AT, Leung PC. Modified Pfirrmann grading system for lumbar intervertebral disc degeneration. Spine (Phila Pa 1976). 2007 Nov 15; 32(24): E708-12.

6. Blondel B, Tropiano P, Gaudart J, Huang RC, Marnay T. Clinical results of lumbar total disc arthroplasty in accordance with Modic signs, with a 2-year-minimum follow-up. Spine (Phila Pa 1976). 2011 Dec 15; 36(26): 2309-15.

7. Blumenthal S, McAfee PC, Guyer RD, et al. A Prospective, Randomized, Multicenter Food and Drug Administration Investigational Device Exemptions Study of Lumbar Total Disc Replacement with the CHARITÉ™ Artificial Disc Versus Lumbar Fusion. Spine 2005; 30:1565-75.

8. Sasso RC, Foulk DM, Hahn M. Prospective, randomized trial of metal-on-metal artificial lumbar disc replacement: initial results for treatment of discogenic pain. Spine 2008; 33:123-31.

9. Zigler J, Delamarter R, Spivak JM, Linovitz RJ, Danielson GO 3rd, Haider TT, Cammisa F, Zuchermann J, Balderston R, Kitchel S, Foley K, Watkins R, Bradford D, Yue J, Yuan H, Herkowitz H, Geiger D, Bendo J, Peppers T, Sachs B, Girardi F, Kropf M, Goldstein J. Results of the prospective, randomized, multicenter Food and Drug Administration investigational device exemption study of the ProDisc-L total disc replacement versus circumferential fusion for the treatment of 1-level degenerative disc disease. Spine, 2007 May 15; 32 (11): 1155-62.

10. Tropiano P, Huang RC, Girardi FP, Cammisa FP Jr, Marnay T. Lumbar total disc replacement, 7 to 11 years of follow up. J Bone Joint Surg Am, 2005; 87: 490-96.

11. Harrop JS, Youssef JA, Maltenfort M, et al. Lumbar adjacent segment degeneration and disease after arthrodesis and total disc arthroplasty. Spine 2008; 33:1701-7.

Lymphoceles suite à la chirurgie du cancer du sein

LYMPHOCELES SUITE A LA CHIRURGIE DU CANCER DU SEIN

Une ponction à réaliser au cabinet médical. 

Docteur Marie-Pierre CHAUVET

 

SEROME (LYMPHOCELE)

 

Contexte

Le cancer du sein touche actuellement une femme sur 8 en France, avec une sur-incidence dans notre région.

Le dépistage organisé augmente régulièrement le nombre de cas pris en charge au stade infra-clinique.

De ce fait, la chirurgie reste pour la très grande majorité des cas la première étape du traitement.

Ce type d’intervention entraine très souvent la formation de sérome (appelé lymphocèle) nécessitant souvent des ponctions évacuatrices réalisées par les chirurgiens le plus souvent, ou parfois par des infirmières, par transfert de compétence.

Les médecins généralistes sont de plus en plus souvent amenés à prendre en charge ces patientes au décours du geste chirurgical après, le plus souvent, une hospitalisation courte (48h pour un traitement conservateur).

Ils peuvent être également des partenaires précieux pour réaliser ces ponctions. Ceci permettant d’une part de soulager les patientes en limitant leurs déplacements et d’autre part, de répondre aux demandes des instances en développant des soins de proximité.

Physiopathologie

La formation de sérome plus fréquemment dénommé « lymphocèle », est connue comme étant un phénomène extrêmement fréquent après chirurgie mammaire en particulier carcinologique. Il s’agit d’une réaction physiologique correspondant à une transsudation de sérum dans une zone de décollement non physiologique. Ce comblement liquidien sera secondairement remplacé par un tissu fibreux cicatriciel donnant au bout de quelques semaines un aspect cliniquement induré de la zone opérée souvent mal vécu par les patientes (crainte de la tumeur qui « repousse ») et qui disparait au bout de quelques semaines.

Les facteurs de risque de survenue de sérome sont surtout liés à un BMI élevé et au type de geste réalisé.

Les sites de ponctions concernent donc essentiellement:

-        Les mastectomies totales

-        Les curages axillaires

-        Les reconstructions par lambeau de grand dorsal (loge dorsale)

-        Les mastectomies partielles (à ne ponctionner qu’en cas de douleur, en raison du risque de déformation ultérieure du sein)

Clinique

D’un point de vue clinique, le sérome se manifeste par une collection rénitente responsable d’inquiétude, d’inconfort et parfois de douleur chez les patientes concernées. Du fait de la tension qu’elle entraine, elle s’accompagne souvent d’une réaction inflammatoire localisée, parfois importante.

Ces séromes sont très souvent pris à tort pour des abcès et c’est la raison pour laquelle, bon nombre de ces patientes sont traitées par antibiothérapie.

Il est important de connaitre ce phénomène qui ne se traduit que par une réaction inflammatoire qui s’améliorera très rapidement après réalisation d’une ponction évacuatrice.

En l’absence de fièvre, traduisant probablement une infection, la ponction sera le seul geste à envisager en première intention chez toute patiente présentant une collection non infectée en période postopératoire.

Cette collection sera localisée au niveau du sein opéré (le plus souvent après mastectomie totale mais parfois après traitement conservateur) ou au niveau du creux axillaire (en cas de curage axillaire presque constamment).

L’échographie ne sera d’aucun recours, ne faisant que confirmer le caractère liquidien que l’on avait déjà diagnostiqué à l’examen clinique !

Cette ponction est également le meilleur moyen de faire le diagnostic entre abcès (qui relèvera d’une mise à plat chirurgicale) et sérome (traitable par ponctions éventuellement itératives) en montrant la couleur du liquide.

 

Technique

La ponction de sérome est un geste simple qui peut être réalisé au cabinet médical dans de bonnes conditions.

  • Matériel nécessaire
    • Seringue de 30 ou 50 cc
    • Trocart  18G  (ou IM verte si doute sur la poche, mais ne permet pas d’évacuer)
    • Compresses stériles
    • Antiseptique
    • Gants stériles
    • Verre à pied gradué

Elle nécessite, après désinfection locale de la zone rénitente, de ponctionner jusqu’à épuisement et en douceur, à l’aide du trocart, le liquide pouvant être légèrement épais.

 

Un examen bactériologique doit être demandé devant :

  • un liquide trouble
  • en cas d’érythème très important
  • systématiquement avant toute prescription d’antibiotiques (antistaphylococcique).

Il est inutile de demander des examens cytologiques sur le liquide

En cas de fièvre associée, le diagnostic pourra être facilement confirmé par une ponction cette fois à visée diagnostique confirmant le caractère purulent de la collection.

Le rythme des ponctions est variable selon les cas et les symptômes. Jusqu’à parfois 2 par semaine les premières semaines, une ponction hebdomadaire peut se révéler rapidement suffisante.

Il convient d’interrompre ces ponctions en deçà de 50-70cc en l’absence de signe fonctionnel du fait du risque, d’une part d’infection et d’autre part de pérenniser la lymphorrhée.

Les médecins généralistes ont un rôle important à jouer dans cette prise en charge en soulageant ses patientes de façon simple et efficace.

Le chirurgien doit bien évidemment rester facilement accessible en cas de doute ou de problème. Une organisation « médecin/hôpital » est peut être à réfléchir dans le domaine de la chirurgie carcinologique mammaire pour un partenariat encore plus efficace et économique.

 

Correction des déformations thoraciques de l’enfant

CORRECTION DES DEFORMATIONS THORACIQUES DE L’ENFANT

Nouvelles techniques : qui opérer et quand ? 

Docteur Eric NECTOUX

I)               INTRODUCTION : Déformations thoraciques les plus fréquentes

Si l’on excepte les déformations ponctuelles dues à des malformations isolées de telle ou telle structure chondro-costale, les déformations globales de la cage thoracique peuvent être regroupées en trois grandes catégories :

-       Le pectus excavatum, ou thorax en entonnoir, présente à décrire une diminution du diamètre antéro-postérieur du thorax, donnant un aspect enfoncé du sternum par rapport au grill costal. Celui-ci se rencontre chez environ 1 à 8 pour 1000 enfants selon les séries publiées, et ce, la plupart du temps, dès la naissance ou dans les premiers mois de vie [1]. Le pectus excavatum rend compte de 85% des déformations thoraciques rencontrées en France. Il concerne en moyenne 4 garçons pour 1 fille. L’étiologie exacte reste inconnue. La théorie la plus communément admise consiste en un excès de longueur des cartilages de croissance costaux, ce qui projetterait en arrière le sternum. A noter une association fréquente avec le syndrome de Marfan, qu’il conviendra de suspecter si d’autres signes sont présents (patient longiligne, arachnodactylie, luxation du cristallin, scoliose, souffle cardiaque…etc.) et avec une scoliose, présente dans 25% des cas environ [2].

-       Le pectus carinatum, ou thorax en carène, présente à décrire une augmentation du diamètre antéro-postérieur du thorax, avec une proéminence du sternum par rapport au grill costal. Beaucoup plus rare en France, il ne représente que 10 à 15% des déformations thoraciques, alors qu’il est retrouvé dans 50% des cas dans les pays sud-américains. L’étiologie n’est pas non plus connue, mais le même mécanisme est suspecté, l’excès de longueur provoquant cette fois ci une projection en avant du sternum.

-       Le pectus arcuatum ou syndrome de Currarino-Silverman, ne rend compte que d’environ 1% des déformations globales du thorax. Il s’agit d’une forme de pectus carinatum des 2 à 3 premières côtes, qui se prolonge par un pectus excavatum sous-jacent. Très rare, il n’est pas décrit dans cet exposé.

 

Toutes ces différentes entités sont évolutives. Parfois, l’évolution va en s’aggravant dès les premiers mois de vie, parfois, il apparait une relative stabilité de la malformation, et c’est pendant le pic de croissance pubertaire que la malformation va subitement s’aggraver. En effet, le volume du thorax va croître de 50% d’un coup en un à deux ans pendant ce pic de croissance.

 

II)              PECTUS EXCAVATUM

1)     Qui opérer ? [3]

Différents critères doivent être évalués avant de décider d’une intervention. Souvent sont retrouvées les constatations suivantes :

-        à l’inspection clinique un creux de plus de 3cm fait l’objet le plus souvent d’une correction chirurgicale

-        l’enfant fait part de plaintes fonctionnelles : intolérance à l’effort, essoufflement, douleurs parasternales…

-        à l’auscultation, présence d’un souffle cardiaque éventuel

-        gêne esthétique

Dans ce cas, il parait licite de proposer un bilan complémentaire. Il faut rappeler à l’enfant et à ses parents qu’une indication opératoire absolue pour raisons fonctionnelles cardio-respiratoires n’est retenue que dans 5% des cas. Toutefois, une participation de symptômes cardio-pulmonaires, mêmes mineurs, à la décision, est fréquente. Il n’en reste pas moins que l’indication est plutôt esthétique que fonctionnelle dans 95% des cas.

Le bilan comprend :

-        une radiographie standard de thorax de face et de profil : elle permet d’évaluer s’il existe des zones d’atélectasie, de s’assurer de l’absence de malformations de segmentation costales, d’évaluer l’enfoncement sternal.

-        des Explorations Fonctionnelles Respiratoires : les EFR vont permettre de quantifier le syndrome restrictif dû au pectus, d’objectiver une éventuelle compression bronchique voire trachéale en mesurant le coefficient de Tiffeneau. Chez l’enfant sportif, le retentissement en situation d’effort peut être également exploré afin d’objectiver la sensation d’inconfort en situation d’effort sous-maximal.

-        une échocardiographie : elle permet d’objectiver la compression cardiaque droite qui est source de gêne au remplissage droit, et participe ainsi à l’explication de la sensation d’intolérance à l’effort. Elle permet aussi de s’assurer de l’absence d’anomalies valvulaires, notamment de prolapsus de la valve mitral, et permet également de repérer des anomalies du rythme cardiaque. Le syndrome de Wolff-Parkinson-White est retrouvé fréquemment chez les patients porteurs de pectus excavatum.[4]

-        une TDM thoracique qui permet au chirurgien de mesurer l’index de Haller qui est le rapport de la plus grande largeur du thorax sur la plus petite profondeur du thorax. Idéalement inférieur à 2, cet index doit être supérieur à 3 pour indiquer de manière formelle la chirurgie. La TDM permet aussi au chirurgien de s’assurer de l’absence d’anomalie entre le sternum et le cœur dans l’optique de réaliser une correction thoracoscopique. En raison de l’irradiation du scanner, il est préférable d’avoir un faisceau d’arguments cliniques et paracliniques au préalable avant d’en demander la réalisation en premier lieu.

Il est également souhaitable de disposer de l’avis d’un psychologue pour toute demande esthétique pure, en raison de la lourdeur du geste chirurgical. Il ne faut pas oublier que les adolescents traversent tous une période de changement d’image corporelle, et qu’ils sont souvent peu satisfaits de cette image. Nous proposons toujours une entrevue avec notre psychologue, et la décision d’opérer ne se fait jamais au premier rendez vous. Il ne faut pas hésiter à voir et revoir les patients avant de prendre la décision.

Enfin, il est important de s’assurer de la bonne compréhension et de l’acceptation des risques inhérents à la chirurgie par le patient et sa famille avant d’opérer.

2)     La technique de Nuss

Auparavant, les techniques employées faisaient appel à des résections chondro-costales, la plus connue étant la technique de Ravitch modifiée par le Pr Würtz à Lille. Cette technique reste indiquée chez les patients adultes avec un thorax très rigide, ou pour les malformations complexes avec asymétrie thoracique majeure et rotation sternale. En effet, cette technique a l’avantage de corriger parfaitement tous types de déformations, sachant qu’un réglage fin de la longueur de chaque côte peut être réalisé. En revanche, elle nécessite une incision bi-sous mammaire ou bi-sous-pectorale qui parfois cicatrise de manière hypertrophique. Dans ce cas la rançon cicatricielle ne fait finalement que déplacer le problème esthétique.

Donald Nuss, à Norfolk en Virginie aux Etats Unis, a eu l’idée de corriger la déformation en poussant le sternum en avant, à l’aide d’une barre métallique introduite en thoracoscopie, concavité en avant. En retournant cette barre, on obtient un système d’appui trois points côte-sternum-côte relativement stable. Cette technique profite ainsi de la grande souplesse du thorax de l’enfant et de l’adolescent. Pour cette raison, la technique de Nuss n’est pas conseillée chez l’adulte. De même, il semble que l’âge minimal de 12 ans soit préférable pour faire cet intervention, afin de prévenir tout risque de limitation de croissance du thorax, ou d’éviter de devoir réopérer l’enfant plusieurs fois pour accompagner la croissance. Le thorax étant très mobile de nature, il convient de stabiliser la barre de différentes manières : stabilisateurs latéraux, fixation costale, doublement de la barre, combinaison de ces techniques.

Principe de l’intervention de Nuss : le retournement d’une barre concave

 préalablement formée repousse le sternum en avant.

Le patient doit toujours être prévenu des complications principales de la technique. Outre l’infection, comme pour toute intervention orthopédique, il convient de signaler la très rare mais très redoutable perforation cardiaque, ainsi que le fréquent mais décevant déplacement secondaire de la barre (5 à 10%), quand bien même elle a été solidement fixée. La chirurgie de reprise est toujours possible mais plus difficile. L’attente psychologique des patients est telle que la déception dans ces cas là est toujours très importante.

Enfin, cette technique ne corrige pas l’anatomie car elle ne fait que repousser des cartilages de croissance trop longs en avant. Il est nécessaire de garder la barre en place deux à trois ans afin d’attendre une conformation définitive des cartilages costaux. Toute activité physique est interdite les trois premiers mois à l’exception d’exercices d’inspiration forcée pour développer les poumons et éviter les atélectasies postopératoires. Tout choc violent doit également être évité après trois mois même si le risque de déplacement est devenu alors beaucoup plus faible : sports de combats, traumatismes de la ceinture de sécurité, chutes avec impact sternal…

 

III)            PECTUS CARINATUM

Les indications chirurgicales pour pectus carinatum sont beaucoup plus rares. En effet, la carène répond très bien à la correction orthopédique par compression. Encore actuellement cette compression est réalisée à l’aide de corsets orthopédiques comprenant des appuis sternaux en mousse. L’ajout régulier de mousse permet la correction progressive du pectus en 6 mois à un an. L’idéal est de commencer le traitement tant qu’il reste de la croissance thoracique, au mieux pendant le pic de croissance pubertaire.

Récemment, un système de compression dynamique a été mis au point en Amérique du Sud [5] et sera prochainement disponible en France. Il consiste en une brassière permettant la compression du sternum, en laissant la possibilité au thorax de regagner en largeur ce qu’il perd en antéro-postérieur.

A titre indicatif, citons dans les cas de thorax très raides qui ne répondent pas à la compression externe la correction par chondrectomie étagée thoracoscopique est à l’étude, même si la technique ouverte comprenant résections chondro-costales et sternotomie reste le gold-standard [3]

Références :

1 : Molik KA, Engum SA, Rescorla FJ, et al. Pectus excavatum repair: experience with standard and minimal invasive techniques. J Pediatr Surg. 2001;36:324–328

2 : Shamberger RC. Chapter 11: Repair of Pectus Excavatum. In: Prem P, Höllwarth M. Pediatric Surgery ,Springer-Verlag Ed. 6th Edition 2006

3: Goretsky MJ, Kelly RE, Croitoru D, Nuss D. Chest wall anomalies: Pectus Excavatum and Pectus Carinatum. Adolesc Med 15 (2004) 455–471

4: Lawson ML, Cash TF, Akers RA, Vasser E, Burke B, Tabangin M, et al. A pilot study of the impact of surgical repair on disease–specific quality of life among patients with pectus excavatum. J Pediatr Surg 2003;38:916–8

5: Martinez-Ferro M, Fraire C, Bernard S. Dynamic compression system for the correction of Pectus Carinatum. Seminars in Pediatric Surgery (2008) 17, 194-200

Enfin, pour ceux qui sont intéressés par l’aspect technique de l’intervention de Nuss, et en français !: Jouve JL. Correction du pectus excavatum de l’enfant et de l’adolescent par la technique de Nuss. In : Conférences d’enseignement de la SOFCOT 2010. Ed. Elsevier Masson SAS.