LES NODULES THYROIDIENS

LES NODULES THYROIDIENS

Qui sont ils, commente les explorer, indications chirurgicales.

 

Professeur Jean-Louis WEMEAU

 

 

La nodulation constitue d’abord un remaniement physiologique lié au vieillissement de la thyroïde. Environ 5 % des nodules cliniquement ou échographiquement découverts sont des cancers. La reconnaissance de tous les cancers n’apparaît pas pour une nécessité car beaucoup d’entre eux (micro-cancers de moins de 1 cm de diamètre) ne déterminent aucune morbidité. Enfin 10 % des nodules sont fonctionnels, captent les isotopes, et sont à risque de déterminer une hyperthyroïdie.

 

L’évaluation clinique est essentielle : il est de règle de se méfier des nodules durs, irréguliers, rapidement évolutifs, compressifs. Les nodules sont plus suspects lorsqu’ils apparaissent chez l’homme, chez l’enfant et chez le sujet âgé, après irradiation externe ou dans certaines maladies générales.

 

La TSH constitue l’examen à réaliser en premier lors de l’évaluation de tout nodule thyroïdien. Une valeur accrue fait suspecter une thyroïdite auto-immune et conduit alors seulement à la mesure des anticorps antithyropéroxydase. Une valeur basse suggère un nodule hyperfonctionnel, ce qu’authentifie l’examen scintigraphique. La calcitonine est indispensable pour tout nodule suspect et avant chirurgie. La thyroglobuline circulante ne constitue pas un marqueur diagnostique des cancers thyroïdiens localisés.

 

L’échographie couplée à l’évaluation des flux vasculaires au Doppler apporte des précisions pronostiques importantes sur le nodule et l’éventuelle dystrophie nodulaire du reste du parenchyme. Elle évalue les aires ganglionnaires. Elle est maintenant fréquemment couplée à l’élastométrie qui quantifie la dureté du nodule. Elle guide le choix des nodules qui doivent bénéficier de la ponction écho-guidée pour l’étude cytologique.

 

La cyto-ponction est contre-indiquée seulement sous anticoagulants et en cas de troubles de l’hémostase. Ses résultats sont maintenant communément présentés en six classes dites de BETHESDA qui apportent des précisions pronostiques quantifiées :

- classe 1 : cytologie ininterprétable

- classe 2 : bénin (3 % de cancers)

- classe 3 : lésion vésiculaire (5 à 15 % de cancers)

- classe 4 : tumeur folliculaire ou oncocytaire (15 à 30 % de cancers)

- classe 5 : suspect de malignité (60 à 75 % de cancers)

- classe 6 : malin (97 % de cancers)

 

Eventuellement la détection du gène BRAF aide à la reconnaissance des cancers papillaires. Cependant 15 à 30 % des cytologies restent indéterminées (classes 3,4 et 5). On voit venir avec intérêt l’avènement de tests diagnostiques appréciant l’expression de gènes permettant une meilleure distinction entre adénome et carcinome vésiculaires, avec une sensibilité de plus de 90 %.

 

Dans l’immédiat, seulement dans certaines situations ambiguës se justifient encore des scintigraphies au Technétium ou à l’Iode 123, puisque 10 % des nodules sont captants, en faveur de leur bonne différenciation. Elles peuvent être couplées à la scintigraphie au MIBI, électivement capté par les cellules en division.

 

Sont à opérer les nodules qui paraissent suspects de malignité cliniquement, échographiquement, cytologiquement, ou en raison de leur évolution (notamment d’un accroissement supérieur à 20 % par an). Dans les autres situations peut se discuter la surveillance progressivement espacée. Chez les sujets jeunes, l’hormonothérapie thyroïdienne à visée frénatrice peut être proposée, surtout dans les familles à risque pour prévenir l’évolution vers la constitution des goitres plurinodulaires.

 

 

 

Référence :

Recommandations de la Société Française d’Endocrinologie pour la prise en charge des nodules thyroïdiens. Jl Wémeau et al. Presse Med. 2011, 40 : 793-826

 

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Messages actuels

Docteur Thomas HULEUX

LE PATIENT VIH EN MEDECINE GENERALE ET EN MEDECINE DE VILLE

Depuis la découverte du VIH il y a plus de 30 ans, 30 millions de personnes en sont décédées et plus de 30 millions de personnes vivent avec le VIH dans le monde dont plus 95% dans les pays les plus défavorisés économiquement.

En France,  ce sont 140 à 150 000 personnes qui vivent avec le VIH avec une incidence annuelle de 6 000 nouveaux cas (306 dans le Nord-Pas-de-Calais).

Depuis l’ère des trithérapies antirétrovirales, une meilleure prise en charge rime avec une meilleure espérance de vie d’où une augmentation du nombre de personne vivant avec le VIH de 3 500 par an.

A) ACCIDENT D’EXPOSITION SEXUEL AU VIRUS:

« Dans le cadre de ses missions de soins de santé primaires, le médecin généraliste :

… informe les patients de la conduite à tenir en cas d’exposition au VIH (Accord fort sur le caractère approprié)

… accueille une personne ayant été exposée à un risque de transmission du VIH, lui propose une orientation, et l’adresse à un service d’urgences ou de maladies infectieuses dans les délais adaptés (Accord fort sur le caractère approprié)

… aborde la question de la transmission et de la prévention des IST en général, de l’infection par le VIH en particulier (Accord fort sur le caractère approprié)

… pratique les vaccinations recommandées (accord relatif sur le caractère approprié) »

Les recommandations de prise en charge en cas d’accident d’exposition sexuel au virus sont définies dans le rapport d’expert YENNI 2010; elles sont aussi disponibles sur le site

www.infectio-lille.com dans les procédures régionales des accidents d’exposition aux virus.

Il est nécessaire de connaître le risque de transmission du VIH selon le statut du patient source qui serait porteur du VIH, le risque maximum étant celui d’un rapport anal réceptif non protégé.

-    Rapport anal réceptif non protégé = 0,3-3 %

-    Rapport anal insertif non protégé = 0,05-0,18 %

-    Rapport vaginal réceptif non protégé = 0,05 a` 0,15 %

-    Rapport vaginal insertif non protégé = 0,03 a` 0,09 %

-    Fellation = 0,04 %

Le statut sérologique du patient source et /ou les conditions d’exposition déterminent la conduite à tenir :

-    Pour le VIH : Le traitement antiviral en post exposition diminue ou prévient le risque de contamination. La prise de la trithérapie doit être précoce dans les 4 heures au mieux et avant 48 heures.

-    Pour le VHB: Le statut vaccinal et ou sérologique de la personne exposée et de la source permettent l’indication dans les 72 heures, d’un rappel vaccinal ou d’une primo vaccination associée ou non aux Immunoglobulines spécifiques anti-VHB. Assurer une protection par une vaccination VHB complète et certifiée est une priorité absolue.

-    Pour le VHC: Il n’y a toujours pas d’indication de traitement immédiat en post exposition. Une surveillance rapprochée est recommandée pour dépister précocement une hépatite biologique par l’élévation des ALAT et ou la détection de l’ARNVHC pour la mise précoce sous traitement par bithérapie : Peginterféron et Ribavirine.

 

Les critères de mise en route d’un traitement post exposition (TPE) au VIH sont définis dans le tableau suivant :

 

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Usage de drogue intraveineuse ; homme ayant des rapports avec des hommes (HSH) ; statut source inconnu et appartenance à un groupe de prévalence > 1% ; situation à risque comme rapport non protégé, rupture préservatifs, prise de substances psycho actives, partenaires sexuels multiples.

Un TPE peut donc être indiqué et initié rapidement (< 48h00) dans un service de référence aux heures ouvrables (SURMIV 03/20/69/46/05) ou dans un service d’urgence 24h/24 au moyen d’un KIT de 2-3 jours avec réévaluation ensuite par un médecin référent. Le TPE est prescrit pour un mois et le contrôle des sérologies VIH après celui du bilan initial sera effectué à 2 mois puis à 4 mois de l’exposition.

Si un TPE n’est pas indiqué ou s’il n’a pas pu être initié dans les délais recommandés, le contrôle de la sérologie VIH sera effectué à 6 semaines après l’exposition à risque, délai de séroconversion avec les derniers tests ELISA combiné de 4ème génération (VIH1/2/AgP24).

Le dépistage des autres IST sera également effectué (chlamydia trachomatis par PCR, syphilis, VHB, VHC…) et une contraception du lendemain sera également proposée.

B) DÉPISTAGE : POUR QUI?

On estime que  30 à 50 000 personnes vivent avec le VIH en France sans le savoir.

Dans le plan national de lutte contre le VIH et les IST 2010-2014, l’une des mesures est de proposer, dans le système de soin par les professionnels de santé de premier recours, un test de dépistage du VIH à la population générale hors notion de risque d’exposition ou de contamination par le VIH. Il est alors recommandé de proposer un test de dépistage à la population générale de 15 à 70 ans à l’occasion d’un recours aux soins notamment chez les médecins généralistes. Le dépistage sera proposé à tout patient n’ayant pas été dépisté.

En effet, 5 millions de sérologie VIH sont réalisées annuellement dont les ¾ en ville. Une part croissante des séropositivités est diagnostiquée en ville avec plus de diagnostics précoces notamment chez les homosexuels par rapport à l’hôpital mais moins de « séniors » comme l’indique le tableau INVS suivant :

vih2

 

Un tiers des découvertes de séropositivité sont encore réalisées à un stade très tardif de l’infection et quand on regarde le stade au moment de la découverte de séropositivité, on dépiste plus à un stade précoce un jeune appartenant à un groupe  à risque mais plus tardivement une personne plus âgée n’appartenant pas à un groupe à risque. Les découvertes de séropositivité après 50 ans ne sont pas exceptionnelles puisqu’elles concernent environ 1 100 personnes en 2010, soit 18% de l’ensemble des découvertes. La part de cette classe d’âge a augmenté depuis 2003 avec un diagnostic souvent réalisé à un stade tardif.

C) LE TEST À VISÉE DIAGNOSTIC :

« Dans le cadre de ses missions de soins de santé primaires, le médecin généraliste :

… identifie les situations cliniques devant faire évoquer une infection par le VIH (Accord fort sur le caractère approprié)

… propose le dépistage de l’infection par le VIH et prescrit les tests adaptés au dépistage et au diagnostic de l’infection par le VIH (Accord fort sur le caractère approprié) »

« Le médecin de ville doit proposer un test de diagnostic de l’infection à VIH :

… en cas de tableau clinique évocateur de primo-infection (Accord fort sur le caractère approprié)

… dans les situations cliniques mineures classant au stade B de la classification internationale, tels une candidose oro-pharyngée, une leucoplasie orale chevelue, un zona notamment chez un adulte jeune, une mono névrite (paralysie faciale, oculo-motrice) ou une polynévrite, une dysplasie du col utérin (Accord fort sur le caractère approprié)

… certaines manifestations dermatologiques inhabituelles, tels un prurigo, un prurit inexpliqué, une dermite séborrhéique récurrente (Accord fort sur le caractère approprié)

… des situations biologiques, telles une thrombopénie, une lymphopénie, une hyperlymphocytose avec syndrome mononucléosique, (Accord fort sur le caractère approprié)

… dans les situations cliniques majeures classant au stade C de la classification internationale (Accord fort sur le caractère approprié) : infections opportunistes (pneumocystose pulmonaire, toxoplasmose cérébrale, candidose œsophagienne, tuberculose quel que soit son siège, infection systémique à CMV, mycobactériose, herpès chronique ou viscéral), cancers opportunistes (LMNH, maladie de Kaposi, cancer invasif du col utérin), démence d’un sujet jeune, altération importante et inexpliquée de l’état général »

En cas de positivité VIH d’un test ELISA de 4ème génération (détection combinée des anticorps anti-VIH-1 et -2 et de l’Ag p24), le laboratoire a recours à un test de confirmation (western-blot ou immunoblot) sur le même prélèvement. Mais le diagnostic de l’infection VIH ne sera posé qu’après avoir validé la positivité du test de dépistage sur un nouveau prélèvement.

Il s’agit d’une maladie à déclaration obligatoire et la fiche de déclaration a été récemment modifiée :

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D) EN CAS DE SÉROPOSITIVITÉ VIH CONFIRMÉE :

Il faut définir le statut immuno-virologique du patient. Celui-ci permet d’orienter plus ou moins en urgence le patient vers une structure de référence dans la prise en charge du VIH. Il est défini biologiquement au moyen du typage lymphocytaire (nombre de lymphocyte TCD4+) pour le statut immunologique et au moyen de la quantification de la charge virale VIH par PCR pour le statut virologique.

Le risque d’infection opportuniste est important avec un statut immunologique fortement déprimé à moins de 200 CD4/mm3 (corrélée avec une charge virale VIH le plus souvent élevée). Il nécessite dans ce cas une prise en charge urgente. Par ailleurs, dans ce cas et en l’absence de signe clinique, une chimioprophylaxie primaire anti-pneumocystose par BACTRIM faible® devrait être instaurée à la posologie d’un comprimé par jour.

Les indications actuelles de mise sous traitement sont : sur le plan immunologique, des CD4 < 500/mm3 ; sur le plan virologique, une charge virale VIH > 100 000 copies/ml; sur le plan clinique, un VIH symptomatique.

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E) LE SUIVI DU PATIENT VIH SOUS TRAITEMENT:

« Dans le cadre de ses missions de soins de santé primaires, le médecin généraliste :

… s’informe des traitements médicamenteux pris par le patient, y compris les traitements alternatifs, et vérifie leurs interactions possibles (Accord relatif sur le caractère approprié)

… s’assure de l’observance de son traitement par le patient  (Accord fort sur le caractère approprié) 

… prend contact rapidement avec un médecin spécialiste en cas d’effet indésirable grave en relation avec un traitement antirétroviral (Accord fort sur le caractère approprié) »

Le traitement anti-rétroviral est basé sur la trithérapie. Cependant, la bithérapie voire la monothérapie sont également possibles. Les prises sont généralement simplifiée (possibles en une seule prise par jour et possibles avec un seul comprimé par jour). La tolérance globale est bonne et les effets indésirables à court et moyen terme connus et peuvent être évités.

L’objectif immuno-virologique d’un traitement ARV est d’obtenir une charge virale VIH indétectable et un statut immunologique satisfaisant (> 500/mm3). On estime qu’une personne ayant atteint cet objectif a la même espérance de vie qu’une personne non infectée par le VIH.

Afin d’atteindre cet objectif, il est nécessaire :

-          de s’assurer d’une bonne observance thérapeutique du patient : prise régulière et sans oubli, à heure fixe, avec (ex : classe d’inhibiteur de protéase) ou à distance (ex : SUSTIVA® contenu également dans l’ATRIPLA®) d’un repas selon le traitement utilisé

-          de vérifier l’absence d’interaction médicamenteuse pouvant diminuer la concentration et donc l’efficacité des anti-rétroviraux, y compris en automédication (ex des IPP qui diminue la concentration du REYATAZ® ou de l’EVIPLERA®)

 

 

F) LES COMORBIDITÉS :

 

-          Carcinologique : suivi gynécologique/proctologique avec frottis cervico-vaginal/anal annuel

-          Cardio-vasculaire : considérer le VIH comme un facteur de risque cardio-vasculaire à part entière (suivi cardiologique et prévention sur les autres facteurs de risque évitables)

-          Osseux : apport vitamino-calcique selon recommandation, activité physique, osteodensitométrie…

-          Rénal : attention aux co-médications (exemple AINS/VIREAD® néphrotoxique), surveillance biologique…

-          Neurologique : troubles mnésiques à dépister….

 

 

 

 

 

EN CONCLUSION :

 

- En cas d’accident d’expositions sexuelles aux virus : indication d’un traitement post-exposition le plus rapidement et dans les 48h00 au maximum

- Dépister qui?

- Tout le monde

- Régulièrement en cas de facteur de risque

- En cas de signes cliniques/biologiques pouvant faire évoquer une infection VIH

- La prévention de transmission du VIH/IST reste le préservatif

- Un traitement anti-rétroviral est indiqué si CD4 < 500/mm3, VIH >100 000 copies/ml et/ou VIH symptomatique

- Prise en charge urgente si CD4 < 200/mm3

- Indication à une prophylaxie primaire pneumocystose par BACTRIM faible® si CD4 < 200/mm3

- S’assurer d’une bonne observance thérapeutique si le patient est mis sous ARV

- Attention aux interactions médicamenteuses et co-médications

- Co morbidités cardio-vasculaires, carcinologique, osseux, … = insister sur les mesures préventives et de dépistage

OPTIMISER LES PRESCRIPTIONS CHEZ LES PERSONNES AGEES

OPTIMISER LES PRESCRIPTIONS CHEZ LES PERSONNES AGEES

Entre prudence et performance, redéfinir les objectifs du traitement

 

Professeur François PUISIEUX

 

En France, comme dans tous les pays développés, la consommation de médicaments augmente plus vite que le produit intérieur brut (PIB). Selon le rapport du Haut Comité pour l’Avenir de l’Assurance Maladie publié en juillet 2006, la France est le pays du monde où le poids du médicament dans le PIB est le plus élevé. La France figure au deuxième rang mondial pour la consommation de médicaments en coût par habitant et par an, derrière les Etats-Unis. Ce coût est 2 fois plus élevé en France qu’aux Pays-Bas, au Danemark ou en Irlande.

Rapportée à la population, la consommation de médicaments et autres produits pharmaceutiques a été en moyenne de 522 euros par habitant en 2007 en France, les personnes âgées et celles atteintes de maladies graves étant les plus gros consommateurs. La consommation de médicaments exprimée à prix constants a augmenté continument depuis plusieurs décennies. Cette augmentation est due principalement aux progrès thérapeutiques, les médicaments innovants coûtant plus cher, et pour une moindre part à la progression des quantités consommées.

Le rapport des français au médicament est singulier, comme l’a bien illustré une étude publiée par la CNAMTS en octobre 2005 intitulée  « Le rapport des Français et des Européens à l’ordonnance et aux médicaments ». L’équation « consultation = ordonnance = médicaments » est plus forte en France qu’ailleurs. La proportion de consultations françaises se concluant par une ordonnance est de 90 % contre 83 % en Espagne, 72 % en Allemagne et 43 % aux Pays-Bas.

En 2001, selon les données de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, les plus de 65 ans représentaient 16% de la population et consommaient 39% des médicaments prescrits en ville. Selon l’Enquête Santé et Protection Sociale (ESPS) menée en 2000, parmi les personnes âgées vivant à domicile :

- 67 % des 65 ans et plus avaient acquis au moins un produit pharmaceutique en un mois versus 35 % pour les moins de 65 ans. Cette proportion augmentait avec l’âge : 65 % parmi les personnes âgées de 65 à 74 ans, 70 % chez les 75-84 ans et 69 % chez les 85 ans et plus.

- En moyenne, la consommation journalière s’établissait à 3,6 médicaments par personne âgée de 65 ans et plus (3,3 médicaments différents par jour pour les 65-74 ans, à 4,0 pour les 75-84 ans et

4,6 pour les 85 ans et plus). Les femmes consommaient plus que les hommes à tous les âges (3,8 versus 3,3).

- En un mois, 8,6 % des personnes âgées achetaient au moins un médicament sans ordonnance (4 % des médicaments acquis par les personnes âgées l’étaient sont sans ordonnance).

- La consommation pharmaceutique était dominée par les médicaments à visée cardiovasculaire : en un mois, 51 % des personnes âgées enquêtées déclaraient acquérir au moins une fois un médicament de ce groupe. Puis venaient les médicaments de l’appareil digestif, les antalgiques et les médicaments du système nerveux central dont les antalgiques, pour lesquels les taux de consommateurs sont de 16 à 17 %.

Une autre particularité française est la consommation importante de psychotropes. La France se situe depuis de nombreuses années parmi les plus grands consommateurs de certaines classes thérapeutiques tels que les tranquillisants et hypnotiques.

 

Les personnes vivant en institution semblent consommer plus de médicaments que celles vivant au domicile. Dans l’étude PAQUID,  elles consommaient en  moyenne 5,2 médicaments par jour, 56% d’entre elles prenant plus de 4 médicaments.

 

Prescription inadéquate chez la personne âgée

 

L’importante consommation médicamenteuse chez la personne âgée et son corolaire la polymédication est souvent légitime. La polymédication est directement liée à la polypathologie.

Cependant, la polymédication augmente le risque iatrogène et diminue l’observance des traitements.

La prescription peut être inadéquate, parce qu’excessive, ou au contraire insuffisante, ou bien encore inappropriée, car d’autres médicaments que ceux prescrits sont disponibles qui sont plus efficaces ou mieux tolérés.

 

L’excès de traitements ( » Overuse « )

Il concerne la prescription de médicaments pour lesquels il n’y a pas d’indication ou qui ont une efficacité limitée ou non démontrée.

Dans l’étude ESPS 2000, parmi les 30 premiers médicaments achetés par les sujets âgés, on trouvait 6 antalgiques, 3 vasodilatateurs et 3 veinotoniques. Huit de ces 30 premiers médicaments sont des produits pour lesquels la Commission de Transparence a rendu un avis de  » service médical rendu  » insuffisant.

En termes de dépenses, le classement était différent : l’oméprazole était en première position, suivi par la simvastatine, la trimétazidine et le Ginko biloba. Hors, la prescription d’ oméprazole et de trimétazidine chez le sujet âgé sort souvent du cadre de l’AMM, l’utilisation des statines fait toujours l’objet de controverses après 75 ans, et le Ginko biloba a un  » service médical rendu  » insuffisant.

 

La prescription inappropriée ( » misuse « )

Elle est définie par le fait que le risque du médicament dépasse le bénéfice escompté. Beers a le premier défini une liste de médicaments considérés comme inappropriés chez le sujet âgé vivant en institution, critères revus ensuite pour les adapter à une population ambulatoire. A titre d’exemple, l’association dextropropoxyphène – paracétamol qui est en France le médicament le plus acheté par les sujets âgés est considéré par Beers comme inapproprié. Mais, ces critères ne font pas l’objet d’un consensus et ne résument pas tous les cas de prescription inappropriée.

Dans l’étude SAFEs (Sujet Agé Fragile: Evaluation et suivi) qui a inclus 1306 patients hospitalisés de 75 ans et plus (SAFEs), le nombre moyen de médicaments était de  5.7 +/- 2.9 par patient. 28% des patients patients prenaient au moins un médicament inapproprié (selon la liste de Beers). 589 (50.1%) avaient pris au moins un psychotrope dans les deux semaines précédant l’hospitalisation (en moyenne 1.6 +/- 0.9 psychotropes par patient). La prise d’un psychotrope était liée à:

–      démence (odds ratio [OR] = 1.4; 95% CI 1.1, 1.9; p = 0.03),

–      Syndrome dépressif (OR = 1.7; 95% CI 1.3, 2.1; p < 0.001),

–      Vie en institution (OR = 2.2; 95% CI 1.5, 3.4; p < 0.001),

–      Ustilisation de plus de 5 médicaments (OR = 3.2; 95% CI 2.5, 4.2; p < 0.001),

–      Index de comorbidité de Charlson (OR = 0.6; 95% CI 0.5, 0.8; p = 0.001).

 

 

L’insuffisance de traitement ( » underuse »)

Elle se définit par la non prescription d’un traitement efficace, chez les sujets ayant une pathologie, pour laquelle une ou plusieurs classes médicamenteuses ont démontré leur efficacité.

L’insuffisance de traitement concerne un grand nombre de maladies chroniques :

  • HTA systolique
  • Insuffisance coronaire : aspirine, b -bloquant et IEC
  • Insuffisance cardiaque : IEC et b-bloquant
  • Fibrillation auriculaire non valvulaire : AVK
  • Dépression : antidépresseur
  • Ostéoporose fracturaire : calcium / vitamine D et biphosphonates
  • Morphine dans les douleurs intenses non contrôlées par les autres traitements antalgiques

Ce défaut de traitement ne peut pas s’expliquer seulement par l’insuffisance d’évaluation des médicaments chez le sujet âgé avant leur mise sur le marché, insuffisance qui est cependant bien réelle. Les essais cliniques incluent en effet trop peu de malades âgés et surtout de malades très âgés et/ou polypathologiques, de sorte qu’il est de bien difficile d’évaluer le rapport bénéfice / risque d’un médicament dans cette population. L’underuse s’explique aussi par une crainte souvent exagérée de la survenue d’effets secondaires et par une incapacité des prescripteurs à réévaluer les traitements et à les remettre en cause.

 

 

Iatrogénie

 

Les effets indésirables médicamenteux sont plus fréquents chez les personnes âgées, plus graves et moins faciles à diagnostiquer: il faut toujours y penser !

Dix à 20% de ces effets indésirables sont suffisamment graves pour conduire à une hospitalisation. Les pathologies iatrogènes représenteraient entre 5 et 10 % des motifs d’hospitalisation après 65 ans et plus de 20 % après 80 ans.

Les études ont montré que, parmi ces effets indésirables médicamenteux, 30 à 60% sont prévisibles  et évitables. Ils résultent le plus souvent de l’action pharmacologique du médicament et sont dose – dépendants.

Les symptômes révélateurs peuvent être évocateurs : hémorragie digestive sous AVK, coma sous sulfamides hypoglycémiants, constipation et opiacés…. Ils sont le plus souvent non spécifiques : troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhée), anorexie, malaises, chutes, troubles du comportement, de la vigilance, confusion, troubles du sommeil, sensations vertigineuses,… Une cause médicamenteuse doit être systématiquement évoquée devant toute altération de l’état de santé d’une personne âgée dont l’explication n’est pas d’emblée évidente. C’est le « réflexe iatrogénique ».

Dans une étude prospective ayant duré 6 mois dans deux hôpitaux anglais en 2001-2002, parmi 18820 admissions consécutives, un effet indésirable médicamenteux était observé dans 6.5% des cas qui expliquait totalement l’hospitalisation dans 80% des cas. L’âge moyen des patients ayant à l’entrée un effet indésirable médicamenteux était de 76 ans versus 66 ans pour les autres patients. Parmi ces effets indésirables, 72 % étaient considérés par les auteurs comme évitables. Les médicaments les plus impliqués étaient: les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) 29.6%, devant les diurétiques 27.3 %, les antivitamine K (AVK) 10.5%, puis les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), sartans, antidépresseurs, b-bloquants et morphiniques.

Facteurs favorisant la iatrogénie

 

Facteurs de risque liés au patient

 

Vieillissement

Les modifications pharmacocinétiques sont les plus importantes :

- réduction de la fonction rénale: la posologie des médicaments à élimination rénale doit être adaptée au débit de filtration glomérulaire, qui peut être évaluée simplement par la formule de Cockcroft ou la formule MDRD;

Formule de Cockcroft

  • Homme : Cl (ml/mn) = (140-âge) x poids en kg

Créatininémie (µmol/l) x 0.8

  • Femme : Cl (ml/mn) = (140-âge) x poids en kg x 0.85

Créatininémie (µmol/l) x 0.8

- hypoprotidémie chez les patients dénutris qui s’associe à un risque de surdosage des médicaments fortement fixés aux protéines plasmatiques par augmentation de la fraction libre active et à un risque d’interactions compétitives pour les composés à forte affinité (AVK, sulfamides hypoglycémiants, AINS, fibrates…) ;

- diminution du rapport masse maigre/masse grasse et qui change les volumes de distributions, les médicaments lipophiles ayant tendance à être stockés fortement puis relargués. Ainsi, les Benzodiazépines, liposolubles, ont une demi-vie augmentée chez le sujet âgé ;

- modification de la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique pouvant entraîner une plus grande sensibilité aux médicaments agissant au niveau du système nerveux central (notamment effet sédatif).

D’autres changements liés à l’âge comme celles du métabolisme hépatique (diminution de la masse hépatique, du flux sanguin hépatique) ou de l’absorption digestive (diminution de la sécrétion acide gastrique, de la vidange gastrique, de la motilité gastrointestinale, du débit sanguin et de la surface d’absorption) jouent un rôle moindre en pratique.

Au total, en ce qui concerne les modifications pharmacocinétiques liées au vieillissement :

• les médicaments ne sont pas tous concernés,

• les variations inter-individuelles sont importantes,

• les données sont incomplètes, parfois contradictoires,

• le retentissement clinique reste incertain sauf en ce qui concerne le rein.

Les modifications pharmacodynamiques sont moins bien connues et semblent jouer un rôle moins important. Cependant, il faut tenir compte :

-       de l’altération avec l’âge du tissu nodal cardiaque qui peut entraîner une plus grande sensibilité à certains médicaments (risque majoré de troubles conductifs) ;

-       de la diminution avec l’âge de la réponse aux catécholamines par défaut de transduction du message en aval des récepteurs bêta-adrénergiques ;

-       de la diminution et de la moindre sensibilité des récepteurs dopaminergiques au niveau du système nerveux central ;

-       de la plus grande sensibilité du sujet âgé aux benzodiazépines ;

-       de la moindre efficacité des bêta-2 mimétiques chez le sujet âgé en raison d’une diminution du nombre ou de la sensibilité des récepteurs bêta-2 adrénergiques (alors qu’au contraire les anticholinergiques gardent toute leur efficacité chez le sujet âgé;

La modification des systèmes de régulation joue un rôle important : par exemple de la régulation tensionnelle, du débit sanguin cérébral, de la soif…

Facteurs sociaux

- isolement social ou géographique,

- dépendance,

- changements de mode de vie (déménagement, institutionnalisation),

- conditions climatiques extrêmes

Comorbidité

La dépendance physique ou psychique, la maladie d’Alzheimer et maladies apparentées (et psychotropes ou anticholinergiques), la baisse de l’acuité visuelle ou de l’audition, les troubles de la déglutition, la dénutrition (médicaments liés à l’albumine), les déficiences rénales, cardio-respiratoires ou hépatiques,  l’hypertrophie prostatique  (et anticholinergiques)… augmentent le risque de survenue d’un accident iatrogène.

La survenue d’une pathologie aiguë, en déséquilibrant le traitement habituellement pris par le patient, augmente considérablement le risque iatrogène. Ainsi, la déshydratation en causant une insuffisance rénale fonctionnelle, augmente les concentrations plasmatiques des médicaments éliminés par le rein.

Défaut d’observance

Adéquation entre les recommandations du médecin et le comportement du patient, l’observance concerne aussi bien le suivi de la prescription des médicaments que les conseils et la planification des soins. Les traitements non suivis ou les médicaments pris à des doses excessives par rapport à celles prescrites constituent des défauts d’observance.

Les études sur l’observance des personnes âgées sont relativement peu nombreuses de sorte que l’impact clinique d’un défaut d’observance des traitements est mal connu.

Le défaut d’observance peut favoriser la survenue d’effets indésirables par sur-dosage ou sevrage intempestif, et conduire à un échec thérapeutique (en cas de sous-dosage), exposant alors à la prescription de médicaments supplémentaires avec les conséquences potentielles en termes d’iatrogénie et de surcoût financier.

On considère habituellement qu’un patient âgé sur deux n’est pas observant, mais ce chiffre n’est probablement pas différent chez l’adulte jeune. Environ 90 % de la non observance est sous forme de sous-médication (doses, horaires, produits oubliés, etc.).

Les traitements concernés sont principalement les affections chroniques, les affections ayant peu de signes fonctionnels (HTA, maladies métaboliques) ou les affections neuro-psychiatriques.

Plus que l’âge lui-même, les facteurs qui favorisent la mauvaise observance sont :

  • le nombre, la durée et la complexité des prescriptions,
  • le manque d’information,
  • l’incapacité à prendre (troubles de la vision, difficultés à manipuler les flacons, ouvrir les bouchons, couper les comprimés……) ou à comprendre (troubles cognitifs),
  • l’absence de perception ou la sous-estimation de la gravité potentielle de la maladie,
  • l’attitude de déni de la maladie,
  • l’auto-observation d’un effet indésirable que le malade n’ose pas déclarer,
  • des avis apparemment divergents entre les prescripteurs ou entre médecin et soignant,
  • un syndrome dépressif,
  • le coût élevé, l’absence de ticket modérateur,
  • les hospitalisations au cours desquelles le traitement est fréquemment modifié sans que le patient en soit correctement informé,
  • les génériques.

Automédication

L’automédication correspond à la prise d’un médicament en l’absence de prescription médicale

Il y a l’automédication par consommation de médicaments accessibles sans ordonnance.  Il y a surtout l’automédication par consommation de médicaments de l’armoire à pharmacie familiale. L’automédication est fréquente chez le sujet âgé (1/3 des patients selon une étude).

Les médicaments les plus souvent impliqués sont les antalgiques, l’aspirine, les anti-inflammatoires non stéroïdiens et les laxatifs. Cette automédication, sans faire l’objet d’une interdiction stricte, doit systématiquement être recherchée et le patient doit être informé des risques auxquels il s’expose.

Nomadisme médical

A l’origine de prescriptions multiples par des prescripteurs multiples sans coordination.

 

Facteurs de risque liés aux médicaments

 

  • Polymédication+++ : le nombre d’effets secondaires augmente exponentiellement avec le nombre de médicaments administrés. Il a été démontré que la diminution du nombre de médicaments administrés réduit significativement les effets secondaires sans altérer la qualité de vie,
  • Interactions médicamenteuses,
  • Marge thérapeutique étroite,
  • Longue ½ vie,
  • Documentation pré-AMM insuffisante (la plupart des médicaments de référence n’ont pas fait l’objet d’études spécifiques chez les sujets âgés et très âgés, sains ou polypathologiques),
  • Sous-estimation des évènements post-AMM.

 

Facteurs de risque liés à la prescription

 

  • Objectifs et/ou moyens thérapeutiques inadaptés au malade,
  • Désir louable mais utopique de vouloir tout traiter en même temps,
  • Méconnaissance des associations dangereuses ou contradictoires,
  • Défaut d’approche globale du sujet âgé au profit de traitements symptomatiques,
  • Redondances,
  • Méconnaissance de la comorbidité,
  • Connaissance insuffisante des modalités de prescription du médicament,
  • Efficacité non validée,
  • Dose excessive ou inadaptée aux insuffisances,
  • Durée non précisée ou indapatée,
  • Existence d’une alternative thérapeutique plus efficace ou mieux toléré,
  • Indications non validées,
  • Absence d’harmonisation de l’ensemble des prescriptions,
  • Information insuffisante du malade et de son entourage,
  • Réévaluation thérapeutique et/ou surveillance inadaptées. Il est souvent difficile pour le médecin traitant d’interrompre un médicament, en particulier lorsqu’il a été initié par un médecin spécialiste.
  • un relâchement de la surveillance clinique et biologique de médicaments longtemps bien tolérés.

Le tableau 1 présente les principales situations à risque chez le sujet âgé.

 

Les bonnes règles de prescription chez le sujet âgé

 

Les médicaments sont d’abord une chance pour la personne âgée, pourvu qu’ils soient bien utilisés.

 

Principes généraux

  • L’âge ne contre-indique aucun traitement.
  • L’âge peut modifier les objectifs et les modalités des traitements.
  • Le traitement  ne se limite pas à la prescription de médicaments, il comporte aussi une approche non médicamenteuse et psychologique.

 

Avant de prescrire

 

  • Ecouter, examiner ;
  • Comprendre la demande du patient ;
  • Faire le ou les diagnostics. Ne pas s’arrêter aux symptômes ;
  • Connaître tous les antécédents du patient ;
  • Connaître tous les médicaments pris par le patient ;
  • Connaître l’état cognitif et le mode de vie du patient ;
  • Connaître le poids, la fonction rénale, la TA couché et debout, l’état d’hydratation, l’état nutritionnel ;
  • Hiérarchiser les pathologies ;
  • Fixer des objectifs raisonnables en tenant compte du pronostic vital et fonctionnel du patient et de ses souhaits ;

 

Au moment de prescrire

 

  • Choisir le médicament ayant le meilleur rapport bénéfice/risque, le moins d’effets secondaires et d’interactions, la demi-vie la plus courte (sauf pour les AVK), le plus simple à prendre: 1 prise par jour, ayant la voie d’administration et la forme galénique la plus adaptée aux handicaps du patient, le moins cher;
  • Bien connaître le médicament choisi: voie d’élimination, demi-vie plasmatique, principales interactions médicamenteuses et principaux effets secondaires ;
  • Adapter la posologie à la fonction rénale en cas de médicament à élimination rénal;
  • Expliquer pour chaque médicament: son choix, son but, ses modalités, ses effets indésirables possibles en expliquant comment agir s’ils survenaient ;
  • Fixer la durée du traitement ;
  • Rédiger une ordonnance lisible ;
  • S’assurer que le traitement est bien compris ;
  • S’assurer que le traitement pourra être pris (pilulier, semainier,…). Si besoin, évaluer la capacité et la disponibilité de l’entourage pour assister le malade dans la prise des médicaments.

 

Après la prescription

 

  • Surveiller (programmer la surveillance clinique et paraclinique ;
  • Evaluer et réévaluer régulièrement: efficacité, tolérance ;
  • Savoir « déprescrire » c’est-à-dire arrêter un ou des médicaments transitoirement ou définitivement,
    • Parce que le malade est guéri ou le facteur déclenchant de la décompensation a disparu ;
    • Parce que la hiérarchie des pathologies à traiter à changé ;
    • Parce que la thérapeutique à échoué ;
    • Parce qu’une  pathologie iatrogène est suspectée ;
    • Parce que le médicament est d’utilité et/ou d’efficacité insuffisamment prouvées.
  • Améliorer l’observance : avant la prescription, il faut évaluer a priori la qualité potentielle de l’observance et les facteurs favorisant les erreurs. Lors de la prescription, il est nécessaire d’informer le malade, les soignants et l’entourage, à la fois de l’intérêt du traitement, mais aussi des risques de mal le suivre; les ordonnances doivent être expliquées, limitées aux médicaments indispensables et indiquer des heures d’administration mémorisables et limitées en nombre. Lors de la surveillance du traitement, une écoute attentive du malade et des soignants doit permettre de dépister une mauvaise observance débutante.

 

Tableau 1 : Situations à risque de survenue d’un effet indésirable médicamenteux

  • Prescription chez les sujets :
    • Polypathologiques
    • Insuffisants rénaux
    • Dénutris
    • Ayant un équilibre cardiovasculaire précaire
    • Déments
    • Ayant des troubles de l’équilibre et de la marche
    • Ayant un déficit sensoriel
    • Prescription d’un médicament :
      • A marge thérapeutique étroite
      • Psychotrope
      • Cardiovasculaire
      • Récemment mis sur le marché
      • Association de principes actifs
      • Avec d’autres ayant une même action pharmacologique
      • Affection intercurrente aiguë :
        • Troubles digestifs, fièvre avec anorexie, coup de chaleur et toute situation induisant une déplétion sodée
        • Infection

 

Pour en savoir plus

 

  1. Afssaps. Mise au point : prévenir la iatrogénèse médicamenteuse chez le sujet âgé Juin 2005
  2. Avray L Sermet C. Enquête Santé et Protection Sociale (ESPS). Consommations et prescriptions  pharmaceutiques chez les personnes âgées. Un état des lieux. Gérontologie et Société 2002;103:13-27.
  3. Beers MH, Ouslander JG, Rollingher I, Reuben DB, Brooks J, Beck JC. Explicit criteria for determining inappropriate medication use in nursing home residents. UCLA Division of Geriatric Medicine. Arch Intern Med 1991;151(9):1825-32.
  4. DRESS ; Le marché du médicament dans cinq pays européens, structure et évolution en 2004, Etudes et Résultats, 502, 2006 : 7
  5. Fick DM, Cooper JW, Wade WE, Waller JL, Maclean JR, Beers MH. Updating the Beers criteria for potentially inappropriate medication use in older adults: results of a US consensus panel of experts. Arch Intern Med 2003; 163: 2716–24.
  6. Haute Autorité de Santé. Programme EPP. Prescription chez le sujet âgé (outils téléchargeables et synthèse bibliographique) www.has-sante.fr
  7. Haut Conseil Pour l’Avenir de l’Assurance Maladie, Rapport du haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, 2006, 129
  8. Lechevallier-Michel N, Gautier-Bertrand M, Alperovitch A, Berr C, Belmin J, Legrain S, et al. Frequency and risk factors of potentially inappropriate medication use in a community-dwelling elderly population: results from the 3C Study. Eur J Clin Pharmacol 2005;60(11):813-9.
  9. Mallet L, Spinewine A, Huang A. Prescribing In Elderly People 2. The challenge of managing drug interactions in elderly people. Lancet 2007; 370: 185–91.
  10. Pirmohamed M, James S , Meakin S, Green C, Scott AK, Walley TJ, et al. Adverse drug reactions as cause of admission to hospital: prospective analysis of 18 820 patients BMJ 2004;329:15–19.
  11. Prudent M, Dramé M, Jolly D, et al. Potentially Inappropriate Use of Psychotropic Medications in Hospitalized Elderly Patients in France : Cross-Sectional Analysis of the Prospective, Multicentre SAFEs Cohort. Drugs Aging. 2008;25:933-46.
  12. Spinewine A, Schmader KE, Barber N, Hughes C, Lapane KL, Swine C, Hanlon JT. Prescribing in Elderly People 1. Appropriate prescribing in elderly people: how well can it be measured and optimised? Lancet 2007; 370: 173–84.

 

 

 

L’INVALIDITE AU REGIME GENERAL DE SECURITE SOCIALE

L’INVALIDITE AU REGIME GENERAL DE SECURITE SOCIALE

Ce qu’il faut savoir

 

Docteur Philippe PETIT

 

 

1. Définitions

 

1.1 Code de la Sécurité Sociale

Article L. 341-1 CSS

«L’assuré a droit à une pension d’invalidité lorsqu’il présente une invalidité réduisant dans des proportions déterminées sa capacité de travail ou de gain, c’est-à-dire le mettant hors d’état de se procurer, dans une profession quelconque, un salaire supérieur à une fraction de la rémunération normale perçue dans la même région, par des travailleurs de la même catégorie, dans la profession qu’il exerçait avant la date d’interruption de travail suivie d’invalidité ou la date de constatation médicale de l’invalidité si celle-ci résulte de l’usure prématurée de l’organisme ».

 

1.2 Caractéristiques

L’assurance INVALIDITE a pour objectif de compenser une perte de gain liée à une réduction de la capacité de travail du fait d’un ETAT GLOBAL résultant d’une pathologie ou d’une association de pathologies médicales et/ou accidentelles. Il s’agit d’un risque particulier dans la branche maladie.

D’emblée, il faut bien faire la différence entre :

  • Invalidité du Régime Général (notre sujet)
  • Carte d’invalidité de la MDPH (maison départementale des personnes handicapées)
  • Taux d’invalidité des différents régimes d’assurance.

En règle générale, l’instruction d’un dossier d’invalidité s’inscrit dans le droit fil d’un arrêt de travail de longue durée (article L 324-1 du code de la sécurité sociale) et la pension d’invalidité se substitue ainsi aux indemnités journalières de l’Assurance Maladie.

Plus exceptionnellement, si l’assuré n’est pas en arrêt de travail à la date de la demande d’invalidité et s’il n’a pas eu d’indemnités journalières dans l’année qui a précédé cette demande, le médecin conseil aura à se prononcer sur la réduction de la capacité de travail ou de gain : il s’agit alors de la reconnaissance d’invalidité au titre de l’Usure Prématurée de l’Organisme.

La pension d’invalidité relève d’un droit propre, elle est réservée aux assurés sociaux.

 

A l’âge légal d’ouverture du droit à pension de retraite :

  • la pension d’invalidité est transformée en pension vieillesse au titre de l’inaptitude au travail (sauf si l’assuré s’y oppose), si l’assuré n’exerce aucune activité professionnelle.
  • à compter du 1er mars 2010, l’assuré invalide exerçant une activité professionnelle doit expressément demander, s’il le souhaite, à bénéficier d’une pension vieillesse au titre de l’inaptitude. A défaut, il continue à bénéficier de sa pension d’invalidité jusqu’à sa demande de retraite et au plus tard jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de la retraite à taux plein.

Exonération du ticket modérateur :

Les bénéficiaires de l’invalidité (même suspendue) sont exonérés du ticket modérateur pour l’ensemble des soins, sauf les médicaments à vignette bleue (remboursée à 35 %).

Cette exonération se poursuit après la transformation de la pension d’invalidité en pension vieillesse.

 

 

2 Ouverture des droits

 

2.1 Conditions d’âge

Avoir un âge inférieur à l’âge d’ouverture du droit à pension de retraite en application de la Loi n°2010-330 du 09 novembre 2010, portant réforme de la retraite, selon le tableau ci-dessous :

 

 

 

 

Date de

naissance de

l’assuré

Age potentiel de

liquidation de la retraite

à taux plein si nombre

de trimestres requis

Age de la retraite à

taux plein même si

pas nombre de

trimestres requis

Année potentielle limite

de mise en invalidité

1er juillet / 31

décembre 1951

60 ans et 4 mois 65 ans et 4 mois 2011 plus 4 mois après la

date anniversaire

1952 60 ans et 9 mois 65 ans et 9 mois 2012 plus 9 mois après la

date anniversaire

1953 61 ans et 2 mois 66 ans et 2 mois 2014 plus 2 mois après la

date anniversaire

1954 61 ans et 7 mois 66 ans et 7 mois 2015 plus 7 mois après la

date anniversaire

1955 62 ans 67 ans 2017 à la date

anniversaire

 

Exemple : un assuré est né le 1er janvier 1954, il pourra être mis en invalidité jusqu’à l’âge de 61 ans et 7 mois, c’est-à-dire avant 2015 plus 7 mois après la date anniversaire

 

2.2 Conditions administratives

  • Obligation de 12 mois d’immatriculation
    • Obligation d’un nombre d’heures minimum de travail (effectif ou assimilé) au cours d’une période de référence :

- 800 heures au cours de l’année civile ou au cours des 4 trimestres précédant la date d’interruption de travail suivie d’invalidité dont 200 heures au cours du 1er trimestre (le plus éloigné de la date d’interruption de travail).

Ces conditions administratives sont indispensables, et sont étudiées uniquement par la Caisse Primaire.

 

 

3 Conditions médico – administratives

 

Article L. 341-2 CSS

Cet article précise les conditions permettant d’envisager l’état d’invalidité tel que défini par l’article L 341-1.

Ces conditions sont appréciées en fonction d’un état global prenant en compte l’état général, l’âge, les facultés physiques ou mentales ainsi que les aptitudes et la formation professionnelle de l’assuré.

Elles associent pour un assuré n’ayant pas atteint l’âge d’ouverture du droit à pension de retraite :

  • une réduction de la capacité de travail ou de gain de plus de 2/3
    • l’impossibilité de prétendre à une rémunération supérieure au 1/3 du salaire de référence.

C’est dire que si le fait médical est un élément essentiel pour la décision, les renseignements d’ordre social et professionnel jouent aussi un rôle important.

Ainsi le médecin conseil doit procéder à une évaluation globale de l’incapacité de travail ou de gain de l’assuré

La réglementation n’interdit pas le cumul avec un revenu d’activité professionnelle, dans la limite du revenu antérieur.

 

 

4 Modes d’entrée

 

4.1 Origine de la demande

La procédure peut être mise en œuvre à l’initiative :

  • de l’assuré, du conjoint survivant, du médecin traitant (dans ces cas de « demande directe », le délai de réponse de la Caisse est de 2 mois),
  • du Service du contrôle médical (dans le cadre du suivi de l’arrêt de travail),
  • de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (à forclusion des droits aux indemnités journalières).

 

4.2 Prévention de l’invalidité dans le cadre de l’article L 324-1

L’invalidité fait habituellement suite à une prise en charge au titre de l’Assurance Maladie (indemnités journalières), qu’il s’agisse d’une pathologie médicale ou accidentelle (hors risque professionnel).

La gestion par le médecin conseil de l’arrêt de travail, dans le cadre de l’article L 324-1 (affection de longue durée) a comme finalité première, la prévention de l’invalidité :

  • soit par une orientation précoce vers un reclassement professionnel s’il estime que le malade aura des difficultés à reprendre son activité antérieure,
  • soit par la notification de l’aptitude à la reprise d’une activité professionnelle quelconque, mettant ainsi fin aux indemnités journalières de l’Assurance Maladie (la capacité de travail n’étant pas réduite des 2/3).

Ainsi, pour tout arrêt de travail prolongé, et au plus tard avant la fin du 12ème mois, le médecin conseil devra établir un bilan médico-socio-professionnel complet (BMSP) : il devra, si possible, prendre en considération les difficultés physiques, psychologiques ou sociales qu’éprouvent les assurés en arrêt de travail prolongé à reprendre un emploi.

Le salarié peut solliciter auprès du médecin du travail une visite de pré-reprise (articles L 323-4-1 et D 323-3 du Code de la Sécurité Sociale) ; cette visite de pré-reprise doit être encouragée le médecin traitant et/ou le médecin conseil dans tous les cas où une réinsertion professionnelle semble possible soit au sein de l’entreprise, soit après une rééducation ou un reclassement professionnel.

 

4.3 Invalidité immédiatement après la fin des indemnités journalières

4.3.1 Par stabilisation (ou consolidation)

Stabilisation :

Moment où la maladie n’est plus susceptible d’amélioration significative sous l’effet de la thérapeutique et que la reprise d’un travail ne peut être définitivement envisagée.

Consolidation :

En cas d’accident non régi par la législation sur les accidents du travail : moment où la lésion se fixe et prend un caractère sinon définitif, du moins permanent, tel qu’un traitement n’est plus nécessaire si ce n’est pour éviter une aggravation.

En général, on utilise le terme «stabilisation» dans le risque maladie et on réserve le terme «consolidation» au risque professionnel (AT/MP) : cependant, il est licite d’employer le terme consolidation en lieu et place du terme stabilisation, quand la pathologie est d’ordre traumatique (par analogie à ce qui se passe en droit commun).

En pratique :

  • La stabilisation est le moment où le recul est suffisant pour estimer que la situation n’est plus susceptible d’évolution significative. C’est donc le moment où le médecin conseil, avec un recul suffisant, est capable de statuer sur la réduction de la capacité de travail ou de gain.
  • Le passage en invalidité peut survenir sur proposition du médecin conseil dès qu’il constate que l’état du malade n’est plus susceptible d’une amélioration telle, qu’une reprise d’une activité salariée soit envisageable (sous réserve que cette stabilisation se solde par une incapacité de travail ou de gain supérieure au 2/3).

Ce mode d’admission sera privilégié et proposé, au cours du suivi de l’arrêt de travail, dès que la stabilisation est acquise.

 

4.3.2 A la fin des droits aux indemnités journalières : forclusion

Articles L 324 -1 – L 323-1 – R 323-1 CSS.

  • Au terme de 3 ans d’indemnisation pour une affection individualisée (3 ans d’arrêt continu ou d’arrêts discontinus avec des reprises d’activité inférieures à 1 an),
    • Après 360 jours d’indemnités journalières en 3 ans pour des affections différentes.

La Caisse interroge le Service du contrôle médical sur la justification éventuelle d’une invalidité.

Le médecin conseil se prononce alors sur l’existence ou non d’une incapacité de gain au moins égale aux 2/3.

 

4.4 Invalidité en dehors de toute période d’indemnité journalière

4.4.1 L’assuré ne perçoit plus d’indemnités journalières depuis moins d’un an

Article L 341-8 CSS : Le médecin conseil se prononce à la date de la demande ou éventuellement au lendemain de la dernière indemnité journalière versée.

4.4.2 L’assuré ne perçoit pas d’indemnités journalières depuis plus d’un an

Le médecin conseil se prononce à la date de la demande au titre de l’usure prématurée de l’organisme.

 

4.5 Accompagnement de l’invalide

L’Assurance Maladie a créé une offre de service pour les personnes entrant en Invalidité : une information complète sur le dispositif « invalidité » sous forme de plaquette est remise à l’assuré par le service médical.

4.6 Mise en invalidité et information de l’employeur – Visite de reprise auprès du médecin du travail

Par deux arrêts des 25 janvier 2011 (n°09-42.766) et 15 février 2011 (n°09-43.172), la Cour de cassation est venue préciser que : « dès lors que le salarié informe l’employeur de son classement en invalidité de 2ème catégorie sans manifester la volonté de ne pas reprendre le travail, l’employeur doit le faire convoquer à une visite de reprise auprès du médecin du travail ».

A la lumière de cet arrêt, plusieurs situations peuvent se présenter :

Situation A : le salarié ne se présente pas dans l’organisme à l’expiration des arrêts de travail et n’informe pas son employeur de l’octroi de la pension d’invalidité

L’employeur peut, dans ce cas, lui demander de justifier de son absence. Si le salarié ne répond pas à cette demande, l’employeur peut le licencier pour faute (absence injustifiée).

Situation B : le salarié informe son employeur de son admission au bénéfice d’une pension d’invalidité.

L’employeur doit, dans cette hypothèse, organiser sans tarder la visite de reprise (Cass. Soc. 25/01/2011, n°09-42.766).

L’employeur devra ensuite organiser une deuxième visite devant le médecin du travail, de cette visite découlera pour l’employeur l’obligation de reclassement et, le cas échéant, l’obligation de procéder au licenciement pour inaptitude.

Situation C : le salarié informe son employeur de son admission au bénéfice d’une pension d’invalidité et exprime dans le même temps son souhait de ne pas reprendre le travail.

L’employeur n’a pas à organiser de visite de reprise.

S’agissant des salariés classés en invalidité depuis plusieurs mois ou années et toujours présents à l’effectif, cet arrêt ne devrait pas modifier la gestion des situations existantes. En effet, la volonté des salariés en invalidité de ne pas reprendre le travail pourrait valablement se présumer au regard de la durée de leur absence au travail.

 

 

5 Etats invalidants ne relevant pas de l’invalidité

 

5.1 Les éléments douverture de droits ne sont pas respectés

Quel que soit l’état clinique.

L’invalidité ne pourra pas être attribuée, l’assuré relève peut-être d’un autre type d’indemnisation :

  • après 60 ans : relève de l’inaptitude ?
  • avant 60 ans : droit éventuel à l’Allocation d’Adulte Handicapé (AAH) ?

(demande à faire auprès de la CAF par les personnes n’ayant pas de droits administratifs ouverts à l’invalidité).

 

5.2 Etat antérieur à limmatriculation

L’état clinique constaté à la date de la demande

  • existait AVANT la première immatriculation et ne s’est pas aggravé depuis
  • et il n’existe pas de nouvelle affection surajoutée

Dans ce cas, l’assuré peut demander le bénéfice de l’Allocation d’Adulte Handicapé.

 

5.3 Etat entièrement en rapport avec une pathologie indemnisée à un autre titre

•        Etat entièrement en rapport avec l’article L.115 des pensions militaires,

•        Etat entièrement en rapport avec les séquelles d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle déjà indemnisés

 

A noter : la mise en invalidité est toujours possible lorsqu’il existe une ou des affections déjà indemnisées en accident du travail ou par une pension militaire, et qu’une affection nouvelle se soit surajoutée. Dans ce cas, la réduction de la capacité de gain doit être au moins des 2/3 toutes pathologies confondues.

 

5.1 Les états évolutifs

Dans la limite de l’ouverture des droits aux indemnités journalières.

 

 

6 Cas particulier : le conjoint survivant

 

Le conjoint survivant de l’assuré ou du titulaire de droit à pension de vieillesse ou d’invalidité, qui est lui-même atteint d’une invalidité de nature à lui ouvrir droit à pension d’invalidité, bénéficie d’une pension de veuve ou de veuf

 

6.1 Conditions administratives :

  • conjoint de salarié du régime général,
  • âge inférieur à 55 ans,
  • absence de remariage.

 

6.2 Conditions médicales :

  • Réduction de la capacité de travail ou de gain de plus des 2/3 au moment de l’appréciation, par le médecin conseil,

 

6.4 A noter que la pension de veuve ou de veuf dun assuré invalide :

  • n’est jamais assortie de la majoration pour tierce personne
  • prend fin :

- * en cas de remariage

- * si le bénéficiaire cesse d’être invalide

- * à 55 ans, une pension vieillesse se substituant alors à l’ancienne pension.

 

 

7 Catégories

 

7.1 Définitions

L’appréciation de la réduction de capacité de travail ou de gain permet de classer les invalides en :

  • catégorie 1 : invalides capables d’exercer une activité rémunérée,
  • catégorie 2 : invalides absolument incapables d’exercer une profession quelconque,
  • catégorie 3 : invalides qui, étant absolument incapables d’exercer une profession, sont, en outre, dans l’obligation d’avoir recours à l’assistance d’une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie.

N.B. : le classement dans la 2ème ou 3ème catégorie des invalides, étant une appréciation médicale d’un handicap, ne saurait constituer une interdiction de travailler.

L’invalidité est toujours attribuée à titre temporaire et l’amélioration de l’état de santé ou, le plus souvent, l’adaptation d’un poste de travail, permet à un certain nombre de ces malades d’exercer une activité. S’appliqueront alors des règles administratives de limitation de cumul.

 

7.2 Montant de la pension

La pension d’invalidité est versée mensuellement et basée sur le salaire annuel moyen (S.A.M.) calculé à partir des dix meilleures années.

Elle est liquidée sur la base de :

•        30% du S.A.M. pour la 1ère catégorie

•        50% du S.A.M. pour la 2ème catégorie

•        50% du S.A.M. pour la 3ème catégorie + majoration tierce personne

Les pensions d’invalidité sont revalorisées chaque année.

 

7.3 Majoration de tierce personne

C’est l’incapacité d’effectuer seul, les actes ordinaires de la vie.

La définition de ces actes, précisée par une réponse ministérielle du 19 février 1958, a été complétée par la jurisprudence de la Cour de Cassation et de la Commission Nationale Technique.

Sont limitativement considérés comme tels :

  •  l’alimentation : boire, manger
  • La toilette : se laver, s’habiller
  • L’autonomie locomotrice : se lever, se coucher, se déplacer dans son logement
  • Procéder à ses besoins naturels

 

Remarque :

Ces actes ordinaires de la vie sont distincts des actes domestiques (aide ménagère).

 

 

8 Voies de recours

 

Sujet du litige Contentieux compétent
- Stabilisation au cours d’un arrêt de travail :

l’assuré peut contester une stabilisation avant la fin

du droit aux indemnités journalières

- Etat antérieur à l’immatriculation

NON aggravé depuis celle-ci et absence

d’affection nouvelle

- Etat déjà totalement indemnisé par une autre

législation

(accident du travail – article 115 pension militaire)

et absence d’affection nouvelle

EXPERTISE MEDICALE

L.141-1

DU     CODE     DE     LA    SECURITE

SOCIALE

- Refus d’ordre administratif (exemple : litige sur

ouverture des droits)-

CONTENTIEUX GENERAL

(CRA puis TASS …)

- Réduction de la capacité de gain inférieure au

2/3

CONTENTIEUX TECHNIQUE

(TCI puis CNITAAT)

 

 

9 Points essentiels

 

  • Etat global. Il prend en compte l’état clinique mais aussi le contexte socio-économique.
  • Etat antérieur NON aggravé. Relativement facile quand la première immatriculation est récente, beaucoup plus difficile quand l’assuré a travaillé 15 ou 20 ans …
  • Stabilisation. Etat globalement stable et l’assuré n’est plus apte à travailler. Mais aussi : état évolutif, péjoratif pour un assuré qui ne sera plus jamais apte à retravailler.
  • Réduction de 66 % de la capacité de gain. Ce critère est commun à toutes les catégories d’invalidité : il peut être difficile à évaluer.
  • Catégorie 1 ou 2. Etre ou ne pas être apte à exercer une activité aménagée ou à temps partiel
  • Catégorie 3. Assistance d’une tierce personne pour les actes essentiels de la vie

 

LA PUBERTE PRECOCE

LA PUBERTE PRECOCE

Age, causes, conséquences… quel avenir ?

Docteur Sophie LEVIVIER

 

La puberté est l’ensemble des modifications physiques, métaboliques, endocriniennes et psychiques qui vont permettre le passage de l’enfance à l’âge adulte, et l’acquisition de la  fonction de reproduction. Elle se superpose à peu de choses près à la période de l’adolescence.

La puberté précoce est un motif de consultation fréquent en pédiatrie. Elle pose plusieurs problèmes : la puberté est elle réellement précoce ? Si oui, est-elle d’origine centrale ou périphérique ? Quelle est son étiologie ? Un traitement est il nécessaire ? Pour quels objectifs ?

Pour répondre à ces questions, un bon interrogatoire et un examen clinique précis sont nécessaires, complétés par quelques examens paracliniques incontournables tels une radiographie squelettique pour déterminer l’âge osseux, et une échographie pelvienne. Les dosages biologiques seront réalisés en deuxième intention si les premiers orientent vers un diagnostic de puberté précoce.

Ainsi, repérer rapidement une puberté pathologique conduit à la réalisation d’explorations  afin d’initier une thérapeutique adéquate, pour un pronostic optimal. Reconnaître une puberté normale permet en outre d’éviter des investigations inutiles, et anxiogènes pour les patients.

  1. 1.   La puberté « normale »

La puberté normale survient entre 8 et 13 ans chez la fille, entre 9 et 14 ans chez le garçon.

Elle se caractérise par :

-       l’apparition des caractères sexuels secondaires

-       un gain statural

-       des modifications de la composition corporelle et de la masse osseuse

 

  1. 1.    Les caractères sexuels secondaires :

Ils seront appréciés par l’examen clinique, en comparant aux Stades de Tanner (fig.1)

PubertePrecoce-1

 

A. Chez la fille :

Par ordre d’apparition, l’on retrouve :

 

  1. a.     Le développement de la glande mammaire :

Les bourgeons mammaires apparaissent entre 10,5 et 11 ans, sont volontiers asymétriques et parfois douloureux. La glande se mature jusque l‘âge de 15 ans.

De façon concomitante, ou en décalage de quelques mois, apparaît.

  1. b.     La pilosité pubienne :

De type sexuel, constituée de poils longs et drus, à bien différencier d’un simple duvet pubien. Elle se complète en 2 ans.

  1. c.     La pilosité axillaire :

Elle apparaît plus tardivement.

 

  1. d.     Les modifications vulvaires :

La vulve se modifie : elle passe de la position verticale à la position horizontale, les petites lèvres se développent, le volume clitoridien augmente, les muqueuses deviennent rosées et sécrétantes (leucorrhées).

Enfin apparaissent

  1. e.     Les ménarches :

2 à 3 ans après le développement de la glande mammaire.

L’âge des ménarches se situe en moyenne vers 13 ans (10 à 15 ans). Les cycles sont initialement irréguliers et anovulatoires,  pendant 1 à 2 ans.

 

B. Chez le garçon :

On retrouvera chronologiquement :

  1. a.     l’augmentation du volume testiculaire :

Un volume testiculaire supérieur à 4 mL signe l’entrée en puberté.  On l’apprécie à l ‘aide d’un orchidomètre (photo). On peut aussi mesurer le grand axe qui est alors supérieur à 2,5 cm.  Cette augmentation survient en moyenne vers  l’âge de 11,5 ans (9,5 à 14 ans).

PubertePrecoce-2

  1. b.     la pilosité pubienne :

Elle apparaît vers l’âge de 12 ans, les caractéristiques sont les même que chez la fille.

 

  1. c.     l’augmentation de la verge :

Au début du pic pubertaire, elle mesure 5-6 cm.

 

  1. d.     La pilosité axillaire :

Elle apparaît plus tardivement, pour un stade de pilosité pubienne P4.

 

  1. e.     La pilosité faciale ,corporelle, mue de la voix

ATTENTION : une gynécomastie bilatérale parapubertaire peut apparaître en milieu de puberté. Elle survient dans 30 à 65% des cas. Elle n’a aucune valeur pathologique et régresse en quelques mois.

 

  1. 2.     Le gain statural :

 

La puberté se caractérise également par une accélération de la vitesse de croissance, qui  passe de 5-6 cm par an avant la puberté à 8-9 cm par an au moment du pic pubertaire. Ce pic survient vers 12 ans chez, la fille, et est décalé de 2 ans chez le garçon.

Il est rendu possible grâce à l’action synergique des stéroïdes sexuels avec l’hormone de croissance (GH) via l’IGF-1. Le gain statural moyen est de 20 à 25 cm. La croissance touche d’abord les os longs, conférant au sujet un aspect macroskèle, puis le rachis en fin de puberté.

Les filles grandissent en moyenne de 4 à 7 cm après l’apparition des règles. La taille finale est obtenue vers 16 ans, en moyenne 163 cm.

La taille finale du garçon est obtenue vers 18 ans, en moyenne 175 cm.

 

  1. 3.     Les modifications corporelles et la masse osseuse :

 

Il existe également un accroissement pondéral (8,5 kg par an chez la fille), par augmentation de la masse maigre mais surtout de la masse grasse, et de la masse musculaire chez le garçon.

D’où l’importance de ne pas débuter la puberté en surpoids.

 

Enfin, plus de la moitié du calcium contenu dans le squelette de l’adulte est acquise en fin de période pubertaire.

D’où la nécessité d’une nutrition adéquate au cours de cette période (produits laitiers, vitamine D).

 

  1. 4.     Les examens complémentaires :

 

  1. a.     L’âge osseux :

Il consiste en la réalisation d’une radiographie du poignet et de la main gauches, que l’on interprète par comparaison avec les standards de Greulich et Pyle. On peut également faire une radio du coude (méthode de Nahum et Sauvegrain). Très rarement l’os iliaque.

 

Il permet de déterminer s’il y a une avance osseuse, témoin de la maturation osseuse liée aux stéroïdes sexuels, et d’établir un pronostic de taille finale (tables de Bailey Pineau, peu précis cependant). Il est l’un des éléments du suivi en cas de traitement.

 

  1. b.     L’échographie pelvienne :

Pratiquée par un opérateur entrainé, elle recherche des signes d’imprégnation hormonale pour authentifier l’entrée en puberté : longueur de l’utérus, rapport col/corps, ligne de vacuité, aspect des ovaires et structure, folliculaire ou non. Les critères évoquant une puberté sont regroupés   dans le tableau suivant :

 

 

Utérus

 

 

  • Longueur> 35 mm
  • Rapport corps/col>1 : devient piriforme
  • Endomètre visible

Ovaires

  • L> 3cm ,ou v 3> 3 cm3
  • plusieurs follicules

 

 

 

Elle recherchera en outre des signes évoquant une tumeur surrénalienne, lorsque la pilosité est au premier plan (corticosurrénalome ?), ou une masse ovarienne.

 

  1. c.     Les dosages biologiques :

Ils ne sont pas nécessaires avant la consultation spécialisée. La sécrétion de l’oestradiol est pulsatile, et un taux bas serait faussement rassurant.

Quant aux dosages de gonadotrophines, ils peuvent être réalisés, mais un bilan hormonal complet sera de toute façon réalisé après la consultation spécialisée, rendant cette ponction veineuse supplémentaire inutile…

 

  1. 2.   La puberté précoce ( PP):

 

  1. 1.     Quelques définitions :

 

La PP se définit par l’apparition des premiers signes pubertaires avant l’âge de 8 ans chez la fille, 9 ans chez le garçon.

Les caractères sexuels secondaires apparaissent, associés à une accélération de la vitesse de croissance et de la maturation osseuse, cette dernière aboutissant à la soudure prématurée des cartilages de croissance, mettant ainsi en péril le pronostic statural.

 

La puberté débute parfois un peu tôt, entre 8 et 10 ans chez  la fille, entre 9 et 11 ans chez le garçon : on parlera alors de puberté avancée. Cette entité ne nécessite pas de traitement dans la majorité des cas, car elle ne menace pas le pronostic statural. L’indication d’un traitement peut se discuter au cas par cas, en cas de puberté « explosive », ou si l’apparition des caractères sexuels secondaires est particulièrement mal vécue.

 

Parfois un seul signe se développe, on parle alors de puberté dissociée: c’est le cas de la prémature thélarche (développement prématuré de la glande mammaire) et de la prémature pubarche (développement prématuré de la pilosité pubienne).

 

  1. 2.     Diagnostic clinique:

 

Il nécessite un interrogatoire et un examen clinique précis.

 

  1. a.     L’interrogatoire :

Il recherchera :

 

-       les antécédents personnels (maladie chronique ? Chimiothérapie ? Radiothérapie)

-       les antécédents familiaux (âge de la puberté des parents, notion de petites tailles familiales)

 

 

  1. b.     L’examen clinique :

Il évaluera :

 

-       les signes d’imprégnation hormonale (stades de Tanner)

-       les signes d’orientation étiologique : signes évoquant une PP centrale (céphalées, troubles visuels), ou périphérique (tâches café au lait, signes d’hyperandrogénie, masse abdominale ou testiculaire)

-       la vitesse de croissance : en reconstituant la courbe de croissance, pour déterminer s’il y a ou non une accélération.

-       Le poids, et l’IMC

 

  1. c.     Les examens complémentaires :

Le bilan paraclinique initial comprend l’échographie pelvienne qui  confirme les signes d’imprégnation hormonale et apporte éventuellement un argument étiologique (cf. plus haut), et l’âge osseux qui montre une avance de la maturation osseuse, plus ou moins importante selon la précocité du diagnostic.

 

Les autres examens seront réalisés en fonction de la clinique et de ces premiers résultats.

 

Le test au LH-RH, réalisé en hospitalisation de jour, après une consultation spécialisée affirme le diagnostic de PP, et oriente le diagnostic étiologique :

-       augmentation de la réponse LH (>5 UI/L) et augmentation du rapport pic LH/ pic FSH en cas de PP centrale

-       réponse faible ou nulle, coexistant avec des concentrations élevées de stéroïdes circulants en cas de PP périphérique

-       profil correspondant à un stade pré-pubère

 

L’IRM cérébrale centrée sur la région hypothalamo- hypophysaire sera demandée en cas de PP d’origine centrale. Une imagerie abdomino-pelvienne sera demandée en cas de PP d’origine périphérique.

 

  1. d.     Les causes de PP :

La PP  peut être centrale (dans la plupart des cas), par activation trop précoce du gonadostat ; ou périphérique, par sécrétion hormonale inappropriée ovarienne, testiculaire, ou surrénalienne (on parle parfois de pseudo-puberté précoce)

La PP centrale idiopathique est 8 fois plus fréquente chez la fille que chez le garçon. Une organicité doit être suspectée en cas de puberté « très » précoce (avant 6 ans), et chez le garçon.

 

Les différentes étiologies des PP sont regroupées dans le tableau ci-après.

PP CENTRALE

  • Idiopathique +++
  • Lésion du SNC :
    • Tumeurs hypothalamiques : hamartomes, germinomes, kystes arachnoïdiens, gliomes
    • Hydrocéphalie
    • Radiothérapie cérébrale
  • Adoption
  • Adiposité
  • RCIU
  • Mutation activatrice gène du R GPR54 ?
  • Polymorphisme du gène KISS ?

 

PP PÉRIPHÉRIQUE

  • Syndrôme de Mac Cune Albright
  • Tumeur de la granulosa
  • Tumeur ovarienne
  • Tumeur surrénalienne (corticosurrénalome)
  • HCS forme tardive (bloc en 21 OHase)
  • Sd de Cushing

 

 

 

 

  1. 5.     Le traitement des PP :

 

Il dépend de l’étiologie.

 

En cas de PP centrale, un traitement freinateur de l’axe gonadotrope est utilisé : ce sont les analogues de la LH-RH :

 

-       triptoréline (Décapeptyl LP 3 mg ou Gonapeptyl LP 3,75 mg et 11,25 mg) 20 à 40 mg/kg/ 28 jours

-       leuproreline (Enantone LP 3,75 mg et 11,25 mg) 50 mg/kg/ 28 jours

 

Les formes retard à 12 semaines ont la même efficacité.

 

Le traitement se justifie si la PP survient avant 6 ans, ou chez le garçon. Chez les filles, entre 6 et 8 ans, l’abstention est parfois de mise, si la croissance n’est pas explosive. Les indications de traitement font l’objet d’un consensus depuis 2008.

Un traitement est parfois indiqué dans les pubertés avancées, chez les filles aux antécédents de RCIU, et qui ont un pronostic de taille finale médiocre (âge osseux).

 

L’efficacité du traitement se juge sur la régression des signes cliniques pubertaires dans les trois premiers mois, et la stabilisation de la croissance et de la maturation osseuse dans l’année. En cas de doute sur l’efficacité, une ré-évaluation par un nouveau test LH-RH est nécessaire en fin d’action des analogues. Un rapprochement des injections peut être nécessaire.

La durée du traitement dépend des objectifs de taille fixés, mais il est arrêté en général vers 12 ans d’âge osseux. La puberté reprend alors et se complète dans les deux ans.

 

En cas de PP périphérique, le traitement est étiologique si possible: traitement d’une HCS, ablation d’une tumeur.

Dans le Syndrôme de Mac Cune Albright, le traitement est plus difficile et repose sur les inhibiteurs de l’aromatase.

 

 

  1. 3.   Les pubertés dissociées :

 

1. La prémature thélarche :

 

La prémature thélarche est définie par l’apparition d’un développement mammaire isolé avant l’âge de 8 ans. Sa fréquence est plus élevée entre 1 et 3 ans, diminue jusqu’à 5ans, puis augmente légèrement jusqu’à 8 ans. Il n’y a dans ce cas aucun autre signe évoquant une puberté précoce : pas de signes d’oestrogénisation, pas d’accélération de la vitesse de croissance, pas d’avance de la maturation osseuse (en principe).

 

Un test au LH-RH peut être nécessaire en cas de doute diagnostique sur une puberté précoce, mais les dosages hormonaux de base ne présentent pas d’intérêt.

 

Ces prémature thélarches – pour certains variantes du développement pubertaire chez certaines petites filles -  nécessitent une surveillance semestrielle car elles peuvent évoluer dans 10 à 15% des cas vers une authentique PP : examen clinique, courbe de croissance, et, au moindre doute, âge osseux et échographie pelvienne se justifient.

 

Les autres prémature thélarches régressent dans la première année, ou persistent, voire ont une évolution cyclique.

 

Chaque situation nécessite une analyse rigoureuse, pour ne pas méconnaître une PP.

 

En pratique, l’enfant est revue 3 à 6 mois après la première consultation, et en l’absence d’évolution, il est indiqué aux parents de reconsulter en cas de suspiscion de démarrage pubertaire.

 

 

2. La prémature pubarche :

 

Elle  correspond à l’apparition d’une pilosité pubienne isolée (ou associée à une pilosité axillaire plus modérée) avant l’âge de 8 ans chez la fille, 9 ans chez le garçon.

Elle touche volontiers la fille en surpoids.

La croissance et la maturation osseuse ne sont pas ou peu accélérées.

 

Avant de conclure au diagnostic de prémature pubarche idiopathique, il faudra avoir recherché des signes de virilisation ou d’hyperandrogénie, afin de ne pas méconnaître une tumeur ovarienne ou surrénalienne.

En l’absence de signes de virilisation ou d’hypertrophie clitoridienne, il faut savoir évoquer une forme non classique à révélation tardive de bloc en 21 OHase. Les dosages hormonaux et un test au Synacthène feront alors le diagnostic.

 

3. La prémature ménarche :

Exceptionnellement, la puberté peut démarrer par un saignement vaginal isolé. Il s’agit d’un diagnostic d’élimination et il faudra avoir recherché les autres causes de saignements vaginaux (tumeurs, corps étrangers) avant de conclure à ce diagnostic. Généralement l’épisode ne se reproduit pas et la puberté s’installe ultérieurement.

PubertePrecoce-4

VC : vitesse de croissance

AO : âge osseux

AS : âge statural

PPC : puberté précoce centrale

PPP : puberté précoce périphérique

CLU : cortisol libre urinaire

HCS : hyperplasie congénitale des surrénales

Références :

 

Carel JC, Leger J. Clinical practice. Precocious puberty. N Engl J Med 2008 ; 358(22) : 2366-77

Prete G et al. Idiopathic central precocious puberty in girls : presentation factors. BMC pediatrics 2008 ; 8 : 27.

De Vries L et al. Ultrasonographic and clinical parameters for early differentiation between precocious puberty and premature thelarche. Eur J Endocrinol ; European Federation of Endocrine Societies 2006 ; 154(6) : 891-8

Bar A et al. Method of height prediction in girls with central precocious puberty : correlation with adult height. J Pediatr 1995 ; 126(6) : 955-8

Carel JC et al. ; ESPE-LWPES GnRH Analogs Consensus Conference Group. Consensus statement on the use of gonadotropin-releasing hormon analogs in children. Pediatrics 2009 ; 123(4) : e752-62.

Eugste E. Peripheral precocious puberty : causes and current management. Horm Res 2009 ; 71 : 64-7

De vries L et al. Premature thelarche : age at presentation affects clinical course but not clinical characteristics or risk to progress to precocious puberty. J Pediatr 2010 : 156 : 466-71

Gynecologie de l’enfant et de l’adolescente. Claire Bouvattier Elisabeth Thibaud. Progrès en pédiatrie. Editions Doin

DECOUVERTE INATTENDUE D’UN SYNDROME INFLAMMATOIRE

DECOUVERTE INATTENDUE D’UN SYNDROME INFLAMMATOIRE

Eléments de débrouillage, les pathologies les plus fréquentes

Docteur Eric AUXENFANTS

La mesure des paramètres  inflammatoires fait souvent partie du bilan biologique demandé par le médecin généraliste lors d’un contrôle biologique  systématique, ou devant des manifestations fonctionnelles diverses, aspécifiques (asthénie, anorexie, amaigrissement…).

La découverte, dans ce contexte, d’une élévation des paramètres inflammatoires sans orientation clinique franche amène à la pratique d’une enquête étiologique méthodique qui se rapproche de celle effectuée en contexte de fièvre persistante,  et à la réalisation d’explorations complémentaires qu’il faut hiérarchiser. Le cadre diagnostique étiologique rejoint celui de ces fièvres inexpliquées : infections, pathologies inflammatoires et néoplasiques.

Une proportion non négligeable de ces syndromes inflammatoires restent inexpliqués au terme de ces explorations, amenant à maintenir une surveillance clinique et biologique régulière des patients, voire la reprise à distance des explorations paracliniques . Certains  de ces syndromes inflammatoires inexpliqués vont régresser spontanément.

 

Protéines de l’inflammation : quels  paramètres  tester ?

Les protéines de l’inflammation peuvent être divisées en protéines dites « positives « et protéines dites « négatives » en fonction de leur fluctuation à la hausse ou à la baisse au cours de la réaction inflammatoire  (tableau 1).

Parmi les protéines dites positives c’est en première intention à la CRP que l’on va faire appel pour rechercher l’existence d’un syndrome inflammatoire, de par sa cinétique rapide, sa spécificité et sa sensibilité au diagnostic positif d’un état inflammatoire.

La VS tend à être moins utilisée, du fait qu’il s’agit un test plus global, qui reflète d’éventuels désordres protéiques sériques et  s’avère moins spécifique pour le diagnostic  de syndrome inflammatoire ; elle est source de faux positifs et de faux négatifs (tableau 2) mais reste pourtant intéressante dans certaines situations pathologiques notamment la maladie lupique ou la CRP est classiquement peu élevée en dehors d’une infection..

La réalisation d’un  profil protéique peut  être utile au diagnostic positif et étiologique d’un syndrome inflammatoire, faisant appel à la CRP, la fraction C3 du complément, les dosages des Ig GAM, les couples transferrine/albumine et haptoglobine/orosomucoïde. A défaut, l’analyse de l’électrophorèse des protéines (tableau 3) peut également apporter certaines informations, même si elle pêche par un défaut de sensibilité et de reproductibilité

Que peut révéler le syndrome inflammatoire ?

Pathologies infectieuses

Elles arrivent en première position dans les études de prévalence, sans doute moins fréquentes en proportion chez le sujet âgé que chez le sujet jeune

Bactériennes torpides : foyers ORL ou dentaires, foyers ou abcès profonds (pleuro-pulmonaires, hépatobiliaires, diverticulaires); tuberculose sous toutes ses formes ntamment extra-pulmonaires, endocardites, infections sur prothèses vasculaires ou orthopédiques ; syphilis…

Virales : CMV, EBV, VIH…

Parasitaires chroniques rarement apyrétiques

Pathologies inflammatoires

Rhumatismes inflammatoires chroniques ; PR, spondylo-arthropathies chez le sujet jeune, arthropathies micro-cristallines chez le sujet âgé

Connectivites (lupus essentiellement, Gougerot-Sjögren, myosites, connectivite mixte, sclérodermie, ) chez le sujet jeune

Vascularites, notamment la maladie de Horton qui doit être rapidement évoquée chez le sujet âgé de plus de 60 ans

Sarcoidose

MICI

Pathologies néoplasiques : hantise du clinicien, elles arrivent toutefois derrière  les pathologies infectieuses et inflammatoires à tout âge ;

Tumeurs solides, notamment rénales, coliques, métastatiques hépatiques…

Hémopathies : Hodgkin, LMNH, myélodysplasies

Pathologies vasculaires

Maladie thrombo-embolique veineuse

Pathologies artérielles (dissections aortiques chroniques, anévrysmes aortiques)

 

Quelle démarche diagnostique ?

            1/ en premier lieu, reprendre l’interrogatoire et un examen clinique complet+++

2/ explorations paracliniques , à planifier par niveaux

ü  En première intention :

  • Thorax, sinus, panoramique dentaire, échographie abdomino-pelvienne
  • NFS, urée, créatinine, BU, TGO, TGP, γGT, Palc, calcémie, EDP, TP, TCA, ECBU, Hémocultures; sérologies virales et bactériennes orientées

ü  En seconde intention

  • TDM TAP, Echocardiographie +/- ETO, IDR, recherches de BK, BAT
  • Bilan immunologique (ANA, ANCA, CH50 C3 C4, Cryoglobuline, enzyme de conversion de l’angiotensine)

ü  En dernier lieu

  • Scintigraphie Tc/Ga, Endoscopies digestives
  • Biopsie ostéo-médullaire, TEP scan

 

Et si malgré tout, l’enquête reste vaine…

—  EG stable, pas de nouveau point d’appel clinique:

Surveillance et éventuel nouveau screening étiologique à distance

—  Dégradation de l’état général:

Reprise éventuelle d’emblée des investigations initiales non invasives ou discussion d’un traitement d’épreuve (corticothérapie ou traitement anti-bacillaire d’épreuve s’il y a des arguments en faveur d’une pathologie inflammatoire ou bacillaire)

Quelle évolution à terme ?

Dans une étude récente, parmi ces syndromes inflammatoires inexpliqués au terme de l’enquête diagnostique, 1/3 vont régresser spontanément, 1/3 vont persister , 1/3 vont finir par livrer leur secret (pathologies inflammatoires essentiellement)…

SdInflamm-1SdInflamm-2SdInflamm-3

Pour en savoir plus…

  • Dr N Kaddour, Dr Z Bahloul  Faculté de médecine de Sfax :

Syndrome inflammatoire (accès libre on-line)

  • D Chappuis : Prise en charge des syndromes inflammatoires inexpliqués en médecine générale

Thése de médecine faculté de médecine de Grenoble soutenue publiquement en octobre 2012 (accès libre on-line)

  • Perrin AE et coll Revue de médecine interne 23 (2002) :683-689

Evolution et pronostic à long terme des syndromes inflammatoires biologiques persistants et inexpliqués

  • Pr Lambert Michel service de médecine interne générale cliniques universitaires Saint Luc

SURVEILLANCE DU RACHIS DE L’ENFANT

SURVEILLANCE DU RACHIS DE L’ENFANT

Savoir dépister aux bons moments

 

Docteur Damien FRON

 

  1. Quelles sont les pathologies rachidiennes les plus fréquentes chez l’enfant ?
    • Scoliose

q Déformation non douloureuse

q Gibbosité

    • Cyphose

q Peut être douloureuse (Scheuerman)

q Le plus souvent asthénique

    • Spondylolisthesis

q Fréquent mais le plus souvent asymptomatique

q Lombalgies

    • Dorsalgies banales

q Post-traumatiques

q Peuvent révéler une infection ou une tumeur

q Le plus souvent fonctionnelles

q La scintigraphie peut être un bon examen de débrouillage

  1. L’examen du rachis
    • Il se fait sur un enfant debout et torse nu
    • Il est rapide : recherche d’un déséquilibre, d’une zone douloureuse à la palpation, d’une gibbosité lors de la manœuvre d’anteflexion
  2. La scoliose se diagnostique cliniquement par la gibbosité

La gibbosité se recherche sur un patient torse nu par la manœuvre de flexion antérieure du tronc. Elle se définit par une asymétrie par rapport à la ligne des épineuses. Elle est le témoin de la rotation vertébrale qui est l’élément clé de la scoliose.

  1. La scoliose n’est pas douloureuse

En cas de douleurs, un bilan est nécessaire (biologie, radio selon le type de douleurs) : recherche une infection ou une tumeur

  1. Scoliose aux différents âges
    • La plus fréquente : scoliose idiopathique de l’adolescente (autour de la puberté)
    • Scoliose du nourrisson : évolution souvent spontanément favorable
    • Scoliose du jeune enfant

q Malformative (hémi vertèbre) : traitement chirurgical parfois nécessaire vers 3 ans

q Scoliose idiopathique infantile : évolution souvent péjorative nécessitant un traitement orthopédique lourd et prolongé souvent complété par une intervention chirurgicale

  1. L’attitude scoliotique n’est pas une scoliose

L’attitude scoliotique est une déformation secondaire du rachis, le plus souvent par inégalité de longueur des membres inférieurs. Le rachis ne fait que compenser l’obliquité du bassin. Il n’y a donc pas de gibbosité (et pas de rotation vertébrale)!

  1. La gibbosité nécessite un bilan radiographique

Afin d’évaluer l’importance et la cause de la scoliose, il est nécessaire de réaliser un bilan radiographique (demander un rachis total de face et de profil debout). Ne pas multiplier les examens radiographiques!

Il faut également compenser une éventuelle inégalité de longueur des membres inférieurs en réalisant la radio avec une talonnette sous le membre le plus court.

La radio permettra d’évaluer l’importance de la scoliose en mesurant l’angle de Cobb.

  1. Quel est le traitement (très) schématique d’une scoliose ?
  • Angulation < 15-20° : kinésithérapie (éducation posturale, lutte contre les rétractions musculaires, postures de détorsion, amélioration de la musculature du tronc et des racines)
  • Angulation > 15-20° : traitement orthopédique par corset nécessitant un suivi spécialisé. Kinésithérapie associée
  • Angulation > 40-50° : traitement chirurgical
  1. Surveillance d’une scoliose traitée par corset
    • Relève du spécialiste qui a prescrit le corset
    • Attention à la multiplication des radiographies. Ne pas refaire des radios entre les consultations spécialisées
    • Tolérance du corset : point d’appui
    • Observance du traitement +++
  2. Pas de dispense de sport systématique !!!!

Il n’y a aucune raison de dispenser ces enfants d’activités sportives, bien au contraire! Le sport ne déclenche ni n’aggrave une scoliose !

  1. La cyphose
    • Elle peut être douloureuse (Maladie de Scheuerman ou dystrophie vertébrale de croissance)
    • C’est souvent une cyphose asthénique de l’adolescent : attitude cyphotique en rapport avec  une faiblesse musculaire et la mauvaise tenue rachidienne (courbé, épaules en avant)
    • Ce qui les différencie : la douleur, la radio. La cyphose asthénique n’est jamais douloureuse, la maladie de Scheuermann l’est parfois.
  • La radiographie simple est normale dans l’attitude cyphotique; elle retrouve des anomalies vertébrales dans la maladie de Scheuermann (hernies intraspongieuses, aspect feuilleté des plateaux, déformation trapézoïdale des corps vertébraux).
  • Le risque évolutif ne concerne que la maladie de Scheuermann : déformations vertébrales et cyphose fixée.
  • Le traitement dans la maladie de Scheuermann est utile si la croissance n’est pas terminée : corset anti-cyphose pour éviter les déformations vertébrales ou chirurgie dans les formes sévères.
  • En cas de symptomatologie douloureuse (mais ça ne suffit pas)
  • Avant de rédiger un certificat d’aptitude sportive (mais certains ne sont pas sportifs)
  • Périodes charnières :
  1. Quand et à quel rythme examiner le rachis des enfants ?

q  Après l’acquisition de la marche

q  Début de la puberté (période de forte croissance rachidienne avec risque d’aggravation importante d’une scoliose)

  1. Quand arrêter de traiter et surveiller une scoliose ?
    • Le traitement orthopédique est justifié jusqu’à la fin de la croissance (Risser 4)
    • La scoliose pourra continuer d’évoluer après la fin de la croissance d’autant plus que la courbure sera importante (> 30-35°) mais à un rythme beaucoup plus lent
  2. Quand demander un examen complémentaire ?
    • Devant une gibbosité ou une déformation cyphotique : radiographie simple
    • Bilan d’une lombalgie ou d’une dorsalgie
    • Eviter les scanners ou IRM de débrouillage
    • Surveillance d’une scoliose : radiographies tous les 4 à 6 mois

 

L’EXAMEN DES PAIRES CRANIENNES

L’EXAMEN DES PAIRES CRANIENNES

Une séméiologie rigoureuse à toujours garder en tête

 

Docteur Marc ROUSSEAUX

 

Introduction

Les nerfs crâniens peuvent être atteints :

De façon isolée ou associée.

De façon partielle ou complète.

Les fonctions des nerfs crâniens peuvent être affectées :

Par des atteintes périphériques ou centrales,

Pour les trois grandes fonctions, motricité, perception et contrôle viscéral.

Les déficiences sont très variables d’un cas à l’autre.

Nous envisagerons essentiellement l’examen des atteintes périphériques

 Généralités

  • Examen de la part motrice :

Toujours au repos puis au mouvement volontaire.

Toujours comparatif des deux côtés.

  • Examen de la part perceptive :

Supprimer le contrôle par les autres sens (vision).

Toujours comparatif des deux côtés.

Si doute, tromper le patient par essais vides.

Notion de seuil perceptif.

  • Examen de la part viscérale :

Plus difficile.

NERF OLFACTIF

Neurone olfactif : partie postérieure fosses nasales (chemo récepteurs).

Trajet : Axones traversent la lame criblée et rejoignent le bulbe olfactif. Projection sur cortex piriforme et para hippocampique.

Perceptions : odeurs et gout (fin).

 

Perception olfactive :

 

Interrogatoire :

Hyposmie ou anosmie.

Parosmies ou cacosmies, hallucinations.

Vécu psychologique.

Examen :

Identification yeux fermés substances non irritantes (café, musc).

Chaque narine séparément.

Perception gustative fine (d’origine olfactive)

Interrogatoire :

Agueusie.

Examen :

Identification – discrimination gouts élaborés (aliments).

NERF OPTIQUE

Origine : cônes et bâtonnets puis neurones. Axones ganglionnaires forment papille puis nerf optique.

Trajet : partie postérieure de l’orbite puis en sort (sphénoïde) puis chiasma.

Perception : deux systèmes :

  • Parvocellulaire (80%) projection occipito-temporale (couleur, forme).
  • Magno-cellulaire projection occipito-pariétale (lieu, mouvement).

Perception visuelle 1 (acuité visuelle) :

Interrogatoire :

Baisse de vision uni ou bilatérale et conséquences.

Examen :

Acuité visuelle, avec et sans correction.

Perception visuelle 2 (champ visuel) :

Interrogatoire :

Absence de perception unilatérale. Et conséquences ++

Examen :

Champ visuel, doigts ou objet (par œil et quadrant).

Motricité réflexe :

Réflexes photo-moteur et consensuel.

Examen du fond d’œil éventuel

NERF OCULO-MOTEUR

Trajet : émerge du pédoncule puis sinus caverneux, fissure orbitaire supérieure. Division dans l’orbite.

Moteur : noyau dans tegmentum mésencéphalique. Pour  releveur paupière supérieure, droit supérieur, inférieur, interne, petit oblique.

Fibres viscérales pour muscles ciliaire et sphincter iris (parasympathiques).

Motricité extrinsèque (relèvement paupière, adduction, élévation, abaissement, extorsion) :

Interrogatoire :

Diplopie croisée avec décalage vertical.

Examen :

Ptosis. Paralysie relèvement de la paupière supérieure.

Œil repos : strabisme  divergent (exotropie) (principe : œil atteint attiré par antagonistes muscles paralysés).

Œil mouvements : paralysie adduction, élévation et abaissement. Faire cover-test et éventuellement au verre rouge.

Motricité intrinsèque (accommodation, constriction pupille) :

Examen :

Mydriase + aréactivité convergence et lumière

NERF PATHETIQUE

Trajet : Emergence à la jonction ponto-mésencéphalique, puis sinus caverneux, puis orbite.

Moteur : noyau sous celui du III. Pour grand oblique (supérieur).

Motricité extrinsèque (intorsion, abaissement et abduction discrète) :

Interrogatoire :

Diplopie oblique.

Examen :

Repos œil : strabisme oblique (déviation vers haut et intérieur) avec extorsion.

Repos tête : inclinaison côté sain (compensatrice).

Mouvement œil : paralysie abaissement et abduction (partiel).

Mouvement tête : inclinaison côté paralysé accentue diplopie et divergence (Bielschowsky)

NERF ABDUCTEUR

Trajet : émerge à la jonction bulbo-protubérantielle puis vers le sinus caverneux puis orbite.

Moteur : noyau à la partie inférieure/postérieure protubérance. Pour muscle moteur oculaire externe.

Motricité extrinsèque (abduction) :

Interrogatoire :

Diplopie horizontale prédominant du côté paralysé.

Examen :

Repos œil : Strabisme convergent (esotropie). Faire cover test : divergence plus sévère quand œil atteint fixe.

Repos tête : torsion côté déficitaire (compensatrice).

Mouvements œil : paralysie abduction. Remarque : toujours paralysie de latéralité si atteinte nucléaire.

Fonctions supra et internucléaires

Mouvements de verticalité contrôlés par noyau pédonculaire supérieur (au dessus du noyau du III). Qui projette sur deux noyaux du III.

Mouvements de latéralité contrôlés par noyau pontique paramédian (a coté du noyau du VI). Qui projette sur noyaux du VI ipsilatéral et du III controlatéral.

  • Lésion noyau pédonculaire :

Paralysie élévation et abaissement bilatérale, parfois dissocié et prédominant sur élévation et saccades (ancien syndrome de Parinaud).

  •  Lésion noyau pontique :

Paralysie latéralité ipsilésionnelle.

  • Lésion voie reliant noyau pontique ou du VI au III controlatéral (ophtalmoplégie inter nucléaire) :

Paralysie adduction œil controlésionnel et nystagmus œil abducteur ipsilésionnel.

Fréquent dans la SEP.

NERF TRIJUMEAU

Trajet :

Sensoriel: territoire ophtalmique de Willis (V1), nasal, frontal, lacrymal, maxillaire supérieur (V2), maxillaire inférieur (V3).

Moteur : (tronc antérieur maxillaire inférieur) pour muscles  temporal, massétérin, ptérygoïdiens internes et externes, péristaphylin, du marteau.

Sensibilité (hémiface, cornée, partie interne de joue et langue antérieure) :

Interrogatoire :

Douleurs spontanées et/ou affleurement cutané et/ou mouvement (mastication).

Examen :

Recherche de douleurs provoquées. Hypoesthésie dans 3 territoires + cornée (comparatif). Lésions cutanées cornée). Perte réflexes cornéen, orbiculaire

Motricité (fermeture bouche):

Interrogatoire :

Troubles mastication.

Examen :

Repos : perte relief + palpation.

Fermeture forcée bouche : paralysie palpable.

Ouverture forcée bouche : déviation mandibule coté paralysé.

NERF FACIAL

Trajet : émerge du sillon bulbo-protubérantiel puis aqueduc de Fallope avec trajet en baïonnette, puis cervical.

Moteur : noyau protubérantiel.  Pour muscles face + peaucier du cou.

Sensitif et viscéral (nerf intermédiaire de Wrisberg) : fibres sécrétoires, gustatives et partiellement sensitives.

Motricité  (hémiface, peaucier du cou) : 

Interrogatoire :

Dysphagie, dysarthrie.

Hyperacousie, phonophobie (rare, lésion proximale).

Examen :

Repos : asymétrie faciale, bavage, inocclusion palpébrale. Parfois hémispasme.

Mouvements : examen dans 3 territoires. Augmentent l’asymétrie. Elévation globe oculaire si fermeture forcée yeux (signe de Charles Bell). Parfois hémispasme.

Atteinte réflexes cornéen, clignement (menace et naso-palpébral).

Sensibilité  (conduit auditif externe) :

Examen :

Hypoesthésie zone de Ramsay-Hunt.

Goût (2/3 antérieurs de la langue) :

Interrogatoire :

Agueusie (lésion proximale du nerf).

Examen :

Perte perception salé, sucré, amer, acide.

Sécrétion salivaire (contrôle partiel) :

Interrogatoire :

Sécheresse de bouche (rare).

Examen :

Diminution de la salivation (parotide).

Sécrétion lacrymale :

Examen :

Larmoiement ou tarissement (lésion proximale).

NERF COCHLEAIRE

Origine : récepteurs oreille interne (cochlée).

Trajet : racine acoustique puis entrée dans le tronc (sillon bulbo-protubérantiel).

Voies centrales : noyau acoustique bulbe latéral. Voie ascendante : colliculus inférieur, corps genouillé interne puis cortex primaire (A1).

Perception auditive (hauteur et intensité des sons) :

Interrogatoire :

Hypoacousie, compréhension difficile. Acouphènes.

Examen :

Perception frottement des doigts et diapason (comparatif).

Perception vibratoire (conductions aérienne et osseuse) :

Test de Weber : par voie osseuse, son perçu par oreille saine si surdité de perception, plutôt par l’oreille affectée ou des 2 cotés si surdité de transmission.

Test de Rinne : son mieux perçu par voie aérienne si sujet normal ou surdité de perception (Rinne positif); mieux perçu par voie osseuse si surdité de transmission (Rinne négatif).

NERF VESTIBULAIRE

Origine : canaux semi-circulaires, utricule et saccule. Récepteurs : activité spontanée, augmentée par mouvements de tête.

Trajet : nerf pénètre dans le sillon bulbo-protubérantiel.

Voies centrales : noyaux vestibulaires. Puis vers moelle épinière, substance réticulée, noyaux oculomoteurs, cervelet et cortex pariéto-insulaire.

Fonction vestibulaire :

Interrogatoire :

Vertiges : distinguer vertiges vrais / subjectifs. Nausées.

Examen :

Trouble postural : déviation côté lésé augmentée yeux fermés. Test de Romberg : debout pieds joints, yeux ouverts. Test de Fukuda : marche sur place.

Nystagmus : mouvement lent puis rapide (rappel). Sens = secousse rapide. Atteinte périphérique : bat vers oreille saine. Atteintes centrales : peut être rotatoire (bulbaire), horizontal (protubérantiel) ou vertical (pédonculaire).

Mobilisations latérales rapides de la tête. Déclenchent un nystagmus dans les atteintes centrales.

Verticale subjective visuelle et corporelle: rotation.

NERF PHARYNGIEN

Trajet : Sort du bulbe puis trou déchiré postérieur, puis cervical vers base langue.

Moteur : noyau ambigu. Pour muscles stylo-pharyngien et constricteur supérieur du pharynx.

Sensitif : tympan, sinus mastoïdien, tiers postérieur langue, amygdale, piliers du voile et parois pharynx.

Viscéral : parotide, gustatif postérieur langue.

               

Moteur : partiellement pour pharynx.

Interrogatoire :

Dysphagie, dysarthrie.

Examen :

Asymétrie discrète voile repos.

Sensitif : surtout.

Interrogatoire :

Névralgies glosso-pharyngiennes, déglutition et parole.

Examen :

Hypoesthésie voile, pharynx, 1/3 postérieur langue.

Viscéral :

Examen :

Gout 1/3 postérieur de la langue.

NERF VAGUE

Trajet : Sort du bulbe puis trou déchiré postérieur, puis cervical puis thorax.

Moteur : tous muscles pharynx et larynx.

Sensitif : voile du palais, épiglotte, base langue et pharynx avec nerf pharyngé. Plus larynx et partie trachée, œsophage.

Viscéral : récepteurs sinus carotidien. Efférences viscérales cœur, poumon, œsophage.

Moteur : muscles pharyngés et laryngés (hémi-voile)

Interrogatoire :

Dysphagie, dysphonie, dysarthrie.

Examen :

Asymétrie voile au repos. Augmentée par mouvement.

Dysphonie. Si paralysie larynx en adduction, voix bitonale.

Atteinte réflexes

Sensitif : voile, base de la langue, larynx et pharynx

Interrogatoire :

Syndrome douloureux possible. Dysphagie.

Examen :

Anesthésie. Si nerf pharyngé intact, très réduite.

Viscéral : contrôle fréquence cardiaque

Hypo activité vagale : réduction réponse cardiaque ventilation, Valsalva.

NERF SPINAL

Trajet : branche bulbaire par trou déchiré postérieur. Branche médullaire dans canal rachidien, puis trou occipital, puis trou déchiré postérieur.

Moteur médullaire : participe au nerf récurrent pour larynx.

Moteur spinal : pour sterno-cléido-mastoïdien et trapèze (surtout supérieur).

Moteur 1 : participation contrôle moteur laryngé.

Interrogatoire :

Dysphonie.

Examen :

Dysphonie, voix bitonale.

Paralysie partielle larynx.

Moteur 2 : motricité SCM et trapèze.

Interrogatoire :

Difficultés de rotation / flexion de tête.

Examen :

Paralysie SCM. Mouvement : déficit rotation et flexion tête.

Paralysie trapèze. Repos : moignon épaule abaissé et creux sus claviculaire plus profond.

Mouvement : déficit d’élévation épaule et souvent d’abduction du bras.

NERF LINGUAL

Trajet : quitte le tronc cérébral en avant, puis canal condylien antérieur puis espace sous parotidien postérieur et pénètre dans la langue.

Moteur pur : pour muscles de la langue.

Moteur pur (hémi-langue) :

Interrogatoire :

Dysphagie, dysarthrie.

 Examen :

Repos : amyotrophie de l’hémi-langue avec sillons.

Protraction : déviation côté paralysé. Parfois fasciculation. Si bilatéral, déficit global de protraction.

ANTIBIOTHERAPIE EN MEDECINE GENERALE

ANTIBIOTHERAPIE EN MEDECINE GENERALE

Savoir attendre, choisir, changer

 

Professeur Eric SENEVILLE

 

L’un des enjeux actuels en infectiologie concerne le niveau de la résistance aux antibiotiques atteint par certaines bactéries parmi lesquelles E. coli y compris les souches d’origine communautaire.

La résistance aux antibiotiques des bacilles à Gram négatif (BGN) est actuellement beaucoup plus préoccupante en France que celle du staphylocoque doré pour au moins deux raisons : le risque  de diffusion à partir du tube digestif (BGN) est plus difficilement maitrisable qu’en cas de transmission cutanée (S. doré) et nous avons actuellement un déficit de production de nouveaux antibiotiques actifs sur les BGN multi-résistants tel que nous sommes désormais confrontés à des bactéries  pratiquement résistantes à tous les antibiotiques. On estime que cette situation est à l’origine d’environ 25.000 morts par an en Europe.

La seule solution pour renverser cette situation catastrophique est de réduire la consommation d’antibiotiques. Les âges extrêmes correspondent aux consommations d’antibiotiques non motivées les plus élevées. Chez les enfants il s’agit essentiellement des infections des voies aériennes supérieures alors que chez la personne âgée, il s’agira des infections urinaires et des infections de plaie chronique.

Il existe deux outils diagnostiques fiables de diagnostic positif d’infection bactérienne disponibles en ville dont l’utilisation est le moyen le plus efficace pour réduire (et adapter dans certains cas) le recours à l’antibiothérapie.

 

Le Test de Diagnostic Rapide (TDR) 

50 à 90% des angines sont virales (environ 9 millions d’épisodes par an en France)

Le TDR n’est à faire que devant une forme érythémateuse ou érythémato-pultacée

Performances du TDR:

sensibilité: 90 %

spécificité : 95 %

valeur prédictive positive: 90 %

valeur prédictive négative : 96 %

A l’exception de la diphtérie, de la syphilis et du gonocoque, la seule bactérie à envisager pour l’antibiothérapie est le streptocoque β-hémolytique du groupe A (S. pyogenes):

25-40% chez l’enfant

10-25% chez l’adulte

 

La bandelette urinaire (BU)

  • Chez la femme = haute valeur prédictive négative

leucocytes -  et nitrites -

donc, rechercher un autre diagnostic

  • Chez l’homme = haute valeur prédictive positive

leucocytes + ou nitrites + :

à confirmer par ECBU

si BU négative : n’exclut pas le diagnostic d’infection urinaire

 

 

Infection d’une plaie

Le diagnostic est clinique = au moins 2 parmi les éléments suivants :

gonflement

augmentation de la chaleur locale

douleur

érythème d’au moins 0,5-2 cm autour de la plaie

présence de pus

 

En cas de plaie chronique (ulcère, escarre, mal perforant plantaire) :

 

►    L’antibiothérapie (locale et systémique) n’a pas montré qu’elle:

- favorisait la cicatrisation

- empêchait l’infection de survenir

- améliorait le pronostic des patients

Alors que

►    L’antibiothérapie (locale et systémique) a montré qu’elle:

- augmentait le risque d’effets secondaires

- favorisait l’émergence de bactéries résistantes

- augmentait les coûts

►   PAS D’ANTIBIOTHERAPIE DES PLAIES EN L’ABSENCE D’INFECTION AVEREE

 

LES DOULEURS NEUROPATHIQUES

LES DOULEURS NEUROPATHIQUES

Comprendre pour mieux traiter

 

Professeur Serge BLOND

 

Les douleurs neuropathiques sont des douleurs secondaires à une lésion ou à une maladie affectant le système neuro-sensoriel : dans ce contexte, le système nociceptif est lésé soit au niveau périphérique (nerfs, ganglions sensitifs, racines, plexus), soit au niveau central (moelle épinière, cerveau). Ces douleurs surviennent donc dans une zone parfois très déficitaire correspondant aux territoires d’innervation de la lésion nerveuse.

 

Elles s’opposent totalement aux douleurs inflammatoires qui sont en rapport avec une lésion tissulaire. Dans ce cas, la lésion a entraîné une libération locale de substances inflammatoires, initialement responsables d’une sensibilisation des nocicepteurs périphériques, puis ensuite d’une activité centrale anormale de type sensibilisation. Ces douleurs, également appelées « douleurs par excès de nociception » sont notamment représentées par les douleurs directement liées à une évolutivité cancéreuse, les douleurs post-opératoires et les douleurs rhumatologiques (douleurs d’arthrose et d’arthrite). Elles répondent aux anti-inflammatoires et aux antalgiques habituels depuis le palier 1 jusqu’au palier 3.

 

Les douleurs neuropathiques doivent être bien distinctes d’autres douleurs, également fréquentes en clinique quotidienne, ne résultant ni d’une inflammation ni d’une lésion nerveuse patente. Elles sont appelées idiopathiques, psychogènes et plus récemment « dysfonctionnelles ». En effet, elles sont la conséquence d’un dysfonctionnement d’origine centrale des contrôles modulateurs de la douleur. Elles sont représentées par les douleurs de la fibromyalgie, du syndrome du côlon irritable, des céphalées de tension, de certaines algies orofaciales idiopathiques et de certaines lombalgies chroniques.
Enfin, il convient de ne pas méconnaître des douleurs « mixtes » : leur origine associe à la fois des phénomènes neuropathiques locaux et des phénomènes de compression mécanique ou encore une action de médiateur de l’inflammation, l’ensemble contribuant à l’entretien et à la pérennisation de ces douleurs.

 

Le diagnostic de douleurs neuropathiques repose sur un interrogatoire minutieux et un examen clinique bien conduit. En 1er lieu, il convient de rechercher, dans l’anamnèse, la preuve d’une lésion ou d’une maladie du système nerveux périphérique ou central. Souvent, existe un intervalle libre entre la lésion et l’apparition de la douleur. La chronicité est établie par la persistance de la douleur depuis plus de 3 mois. Ensuite, il convient de repérer une séméiologie douloureuse spécifique : la douleur neuropathique se caractérise par une composante spontanée (en l’absence de toute stimulation), continue ou paroxystique et des douleurs provoquées par différentes stimulations (tactiles, thermiques). Ces deux composantes existent seules ou en association chez un même patient qui utilise toujours un vocabulaire très caractéristique : brûlures, froid douloureux, décharges électriques. La douleur est fréquemment associée à des sensations anormales (paresthésies, dysesthésies), non douloureuses mais souvent désagréables telles que fourmillements, picotements, démangeaisons, engourdissement.

 

Dans ce contexte, l’examen clinique est essentiel : il recherche des signes neurologiques déficitaires (déficit sensitif tactile, à la piqûre, au chaud ou au froid) et permet de s’assurer que les douleurs spontanées ou évoquées se situent bien dans un territoire compatible avec une lésion neurologique périphérique ou centrale. Parmi ces douleurs évoquées, l’on cite classiquement l’allodynie, se caractérisant par une douleur provoquée par un stimulus qui normalement ne produit pas de douleur, et l’hyperalgésie se caractérisant comme une réponse exagérée à une stimulation qui, normalement, est douloureuse.

 

C’est la convergence des données de l’interrogatoire et de l’examen clinique qui permet de reconnaître une douleur neuropathique : l’utilisation d’outils diagnostiques peut parfois constituer une aide précieuse : il s’agit notamment de l’outil DN4 (douleurs neuropathiques en 4 questions).

 

Face à une douleur neuropathique, il convient de mener une enquête lésionnelle et étiologique en s’aidant des examens complémentaires appropriés, dans le but de confirmer la lésion neurologique en cause et d’en établir l’étiologie et éventuellement le pronostic. En outre, dans certains cas, le diagnostic peut être confirmé par des explorations électrophysiologiques non pas tant l’électromyogramme que l’analyse des Potentiels Evoqués Somesthésiques (évaluation de la conduction des fibres sensitives de gros calibres) ou encore l’étude des Potentiels Evoqués Nociceptifs par stimulation laser (étude du fonctionnement des fibres sensitives de petits calibres), l’ensemble permettant un démembrement progressif des différents douleurs neuropathiques.
Ces douleurs constituent « un modèle de douleur chronique » : dans ces conditions, il convient de souligner l’importance des facteurs psychologiques, considérés comme des facteurs de modulation de l’intensité de la douleur et de son retentissement fonctionnel. Ils peuvent être consécutifs à la pérennisation de la douleur, mais peuvent également préexister à l’état douloureux et constituer des facteurs évidents de vulnérabilité. En outre, il convient de souligner l’importance des facteurs cognitifs et notamment des croyances dans la persistance de la douleur et l’élaboration d’un état de souffrance « globale ».

 

Les étiologies des douleurs neuropathiques sont nombreuses : elles peuvent être périphériques (radiculopathies, mono neuropathies notamment post-chirurgicales ou post-traumatiques, poly neuropathies notamment métaboliques, carentielles ou alcooliques), ou centrales (accidents vasculaires cérébral, ischémique ou hémorragique, lésions médullaires traumatiques, syringomyélies, scléroses en plaques…).

 

Plusieurs enquêtes épidémiologiques ont été menées en France à propos de la douleur : l’on estime la prévalence de la douleur chronique dans notre pays à 31,7 %. Sur la base des réponses au questionnaire DN4, la prévalence des douleurs chroniques ayant des caractéristiques neuropathiques a été estimée à 6,9 % de la population française !

 

Les douleurs neuropathiques ne répondent pas classiquement aux antalgiques habituels depuis l’aspirine jusqu’à la morphine. En 1ère intention, la prescription en monothérapie d’un antidépresseur tricyclique (exemple : amitryptilline 25-150 mg par jour) ou d’un anticonvulsivant gabapentinoïde (gabapentine 1200-3600 mg/j ou prégabaline 150-600 mg/j) est recommandée dans le traitement de la douleur neuropathique. Le choix entre ces différentes classes thérapeutiques est fonction du contexte, des comorbidités associées et de leurs sécurités d’emploi. L’efficacité des opioïdes forts (oxycodone, morphine, méthadone) est loin d’être établie : si elle existe, elle porte davantage sur la composante comportementale de la douleur que sur sa composante réellement sensori-discriminative. En outre, une telle prescription dans un contexte de douleurs chroniques non cancéreuses ne doit se concevoir que selon un contrat thérapeutique, bien établi entre le patient et son médecin en rappelant notamment que cette prescription n’est pas « une fin en soi » et suppose notamment une franche amélioration fonctionnelle. Les risques de dépendance et d’accoutumance ne sont pas négligeables et dans ces conditions cette prescription doit s’entourer des précautions d’emploi usuelles des opiacés au long cours dans un contexte de douleurs chroniques bénignes.

 

Plus récemment, la duloxétine a démontré son intérêt dans certaines douleurs neuropathiques notamment périphériques avec une efficacité peut-être comparable à celle de la prégabaline, mais elle n’est pas recommandée en cas de pathologies hépatiques sévères ni en cas d’hypertension artérielle non contrôlée. Par ailleurs, le tramadol est parfois proposé en 1ère intention dans des douleurs neuropathiques, notamment associées à une forte composante nociceptive.

 

Dans ce contexte et notamment en cas de douleurs neuropathiques localisées, là où existe une franche allodynie au frottement, il convient de ne pas méconnaître l’intérêt des compresses imbibées de lidocaïne permettant ainsi d’atténuer certaines douleurs provoquées tout en signalant l’absence d’effets indésirables systémiques. De même, parmi les topiques locaux, il convient de souligner l’efficacité à long terme (3 mois) d’application unique de patches de capsaïcine à haute concentration (8 %) sur la zone douloureuse (pendant 60 à 90 mn) : ce nouveau traitement est encore en cours d’évaluation tout en faisant remarquer que l’application initiale souvent très douloureuse nécessite une surveillance du patient de préférence en hôpital de jour pendant l’application. Enfin, les effets à très long terme d’application répétée de ce produit sur la perception douloureuse ne sont pas clairement établis.

 

Dans les situations les plus pénibles, manifestement rebelles à tous les traitements classiques, l’on peut prévoir, sous couvert de l’absence de contre-indication notamment cardiologique, le recours à des perfusions intraveineuses de lidocaïne ou de kétamine à doses progressivement croissantes : si un effet antalgique est clairement démontré, ces traitements peuvent être répétés de façon régulière.

 

D’une manière générale, certaines informations essentielles doivent être transmises aux patients : les antalgiques usuels sont peu ou pas efficaces dans ce type de douleur ; les molécules prescrites sont utilisées dans d’autres indications, mais ont une activité analgésique propre ; les traitements proposés ont une efficacité le plus souvent partielle sur la douleur. Le délai d’action peut être retardé et dans ces conditions le traitement ne doit pas être interrompu trop tôt ; les traitements administrés par voie orale doivent être arrêtés de façon progressive afin d’éviter un risque de sevrage brutal à l’arrêt ; la plupart des effets indésirables surviennent au cours de l’augmentation des doses mais sont généralement réversibles.

Par ailleurs, il convient de ne pas méconnaître l’intérêt des techniques de neuromodulation en constant développement du fait de leurs améliorations techniques. Il s’agit notamment de la neurostimulation transcutanée à visée analgésique (à haute fréquence et à basse intensité), efficace en cas de douleurs neuropathiques périphériques focales sous couvert d’une évaluation initiale minutieuse et d’un suivi technique régulier. De même, la stimulation médullaire a largement démontré son intérêt sous couvert d’une sélection minutieuse des indications et d’une réalisation technique irréprochable : ces principales indications sont les douleurs neuropathiques consécutives à une lésion nerveuse périphérique, les algohallucinoses et les radiculalgies neuropathiques. Plus récemment, une extension prudente des indications concerne les syndromes douloureux régionaux complexes (algodystrophies et surtout causalgies). De même, la stimulation chronique du cortex moteur peut apporter un bénéfice significatif dans certaines douleurs neuropathiques essentiellement centrales (douleurs post-stroke, douleurs après avulsion du plexus brachial, douleurs neuropathiques trigéminales post-traumatiques ou post-opératoires).

 

Enfin, dans certains cas d’exceptions, une pharmacothérapie intrathécale peut être préconisée sous couvert d’une évaluation extrêmement minutieuse : il ne s’agit pas tant du recours à la morphine que de l’utilisation potentielle de la clonidine et surtout plus récemment du ziconotide, notamment proposé dans certaines douleurs neuropathiques d’origine médullaire.

 

 

Si le diagnostic de douleurs neuropathiques est désormais bien établi, leur traitement demeure difficile, basé plutôt sur la notion d’atténuation que de guérison. Cet objectif doit être clairement exprimé aux patients en sachant que la chronicisation de ces douleurs, synonyme de perturbations thymiques et comportementales, impose une prise en charge souvent globale pouvant notamment justifier le recours à une psychothérapie ou à une thérapie cognitivo-comportementale.